Le nombre de départements à prendre des mesures de restrictions d'usage de l'eau s'établit désormais à 33
Lundi, 28 départements étaient concernés par au moins un arrêté préfectoral limitant certains usages de l'eau. Les mesures les plus sévères, jusqu'ici concentrées sur la région Poitou-Charentes, sont désormais actives dans 22 départements.
Par ailleurs, 4 départements ont été placés en situation de "vigilance".
La sécheresse qui sévit en France compromet les récoltes des céréales et menace les éleveurs, déjà mis en difficulté par la hausse des prix de l'alimentation du bétail.
La ministre de l'Ecologie a réuni lundi au ministère, avec un mois d'avance, un "comité sécheresse" réunissant usagers de l'eau, élus et experts sur les questions d'eau et de météo. "On est en situation de crise et de gestion de crise", concernant la sécheresse, a dit Nathalie Kosciusko-Morizet. "On est dans une situation de mois de juillet en ce qui concerne tous les indicateurs: nappes, débit et fonte des neiges", a ajouté Nathalie Kosciusko-Morizet.
Ce comité sécheresse doit se réunir régulièrement et "au plus tard à la mi-juin", a indiqué mercredi Mme Kosciusko-Morizet lors du Conseil des ministres.
Cette sécheresse précoce, due à un mois d'avril particulièrement chaud et sec, ne devrait pas s'améliorer. Météo France n'attend pas "de pluies significatives" dans les quinze jours.
Mme Kosciusko-Morizet a précisé porter une "attention particulière" au fonctionnement des centrales nucléaires, dépendantes des cours d'eau pour leur refroidissement. Depuis 2003, les centrales sont dotées d'un "référentiel grand chaud", qui encadre leur fonctionnement dans des conditions climatiques exceptionnelles. Une procédure de "soutien au débit d'étiage" a été activée sur la centrale nucléaire de Cattenom (Moselle) et la Suisse a été contactée pour garantir un débit suffisant pour celle du Bugey (Ain), a-t souligné la ministre.
En dépit de cette situation "véritablement critique", la ministre n'a pas annoncé de mesure d'urgence au-delà de la mise en place, en juin, de "cartes de mesures des restrictions plus précises et plus réactives" permettant une "vision en temps réel" de la situation.
Mme Kosciusko-Morizet a insisté sur la nécessité de changement structurels des usages, rappelant son objectif d'une baisse globale de la consommation d'eau de -20% d'ici 2020. Un objectif qui nécessite notamment le passage, en cours, à une vraie gestion collective de l'eau dans le monde agricole et la réduction à un maximum de 15% (contre 20% en moyenne aujourd'hui) du niveau des fuites dans les réseaux d'eau potable.
Le ministre de l'Agriculture, Bruno Le Maire, a prévenu mercredi les céréaliers que s'ils ne mettaient pas leur paille à disposition des éleveurs pour l'alimentation du bétail affecté par la sécheresse, il prendrait des mesures pour les y forcer. Répondant à une question à l'Assemblée nationale, M. Le Maire a une nouvelle fois appelé à "la solidarité" des céréaliers face aux éleveurs, secteur particulièrement touché par la sécheresse.
Faute de quoi, M. Le Maire a menacé de prendre des mesures à leur encontre. "Si d'ici 15 jours nous n'observions pas (...) un niveau de solidarité conforme à ce que nous sommes en droit d'attendre, je prendrai les dispositions réglementaires nationales qui interdiront le broyage de la paille sur
l'ensemble du territoire", a-t-il prévenu.
La sécheresse précoce qui frappe la France est jugée "comparable" à celle de 1976, année qui a marqué les esprits, même si les nappes phréatiques sont, elles, mieux remplies cette année.
"On a une sécheresse comparable à celle de 1976, sauf qu'en 1976 les fortes températures avaient eu lieu en juin et pas en avril", a expliqué Michèle Blanchard. Selon l'ingénieur à la division de la climatologie de Météo France, "on a deux mois d'avance au niveau de la sécheresse des sols, ils sont secs comme un début juillet".
"Les nappes phréatiques ont connu une période de sécheresse importante au milieu des années 90, où elles étaient au plus bas, aujourd'hui on est un peu au-dessus de ces niveaux", a expliqué Ariane Blum, hydrogéologue au service de l'eau du Bureau des recherches géologiques et minières. Dans les sous-sols, "les deux tiers des nappes phréatiques ont des niveaux inférieurs à la normale", a-t-elle souligné.
La sécheresse de 1976 avait été telle que le gouvernement de l'époque avait décidé, fin août, d'un impôt sécheresse - jamais réutilisé depuis - pour financer une aide aux agriculteurs équivalente à 1,3 milliard d'euros.
Nathalie Kosciusko-Morizet a rappelé lundi qu'il était "beaucoup trop tôt" pour évaluer l'impact financier de la sécheresse actuelle et pour imaginer la mise en place cette année d'une telle mesure.
Prix moyen de la tonne de paille fixé à 25 euros la tonne
Les professionnels ont fixé à 25 euros le prix moyen de la tonne de paille, un "prix équitable" destiné à contrer toute spéculation. Le Bureau commun des pailles et fourrages, association à laquelle participent notamment les céréaliers et la FNSEA, principal syndicat agricole français, a estimé que les rendements de paille ne s'élèveront à la prochaine récolte de blé qu'aux deux tiers de la normale, soit 1,5 à 2 tonnes l'hectare.
Le Bureau a demandé aux acteurs du secteur, principalement éleveurs et céréaliers, de signer "sans retard des contrats de vente de paille" sur la base d'un prix moyen national à environ 25 euros la tonne. Dans certaines régions, les prix peuvent atteindre actuellement les 35 à 40 euros la tonne. Cette moyenne de 25 euros la tonne prend en compte le manque à gagner pour les céréaliers, qui broient la paille pour nourrir le sol avant de replanter, a précisé le Bureau commun des pailles et fourrages.
Les éleveurs, déjà confrontés à des prix de l'alimentation animale qui ont suivi la flambée des cours au niveau mondial, sont actuellement les principales victimes de la sécheresse. Les pâtures, faute de pluie, ne suffisent pas aux besoins de leur bétail.
Mme Royal dénonce l'absence de mesure d'urgence
Ségolène Royal, présidente de la région Poitou-Charentes, a déclaré lundi: "A une situation de crise doit répondre une politique vigoureuse, comprenant des mesures d'urgence face aux difficultés à court terme, mais aussi des actions à plus long terme pour réduire notre dépendance à l'eau", a-t-elle lancé. Mme Royal, dont la région est particulièrement frappée par la sécheresse, a regretté que la Commission de suivi hydrologique, dite Comité sécheresse "n'ait abouti à aucune mesure d'urgence face à la sécheresse qui menace désormais le quart des départements français".
"Les services de l'Etat sont alertés depuis de nombreux mois sur le niveau exceptionnellement bas des nappes phréatiques et des cours d'eau et le gouvernement demeure inerte face à ce qui s'annonce comme une catastrophe écologique, avec des répercussions économiques importantes pour de nombreuses professions, au premier rang desquels les éleveurs".
Elle a estimé que "face à l'inaction et l'inefficacité du gouvernement", les "acteurs de terrain se tournent vers les collectivités locales". Elle a ajouté que la Région Poitou-Charentes prenait ses "responsabilités" et réunirait cette "semaine les acteurs pour identifier les mesures régionales à mettre en place dans les tout prochains jours".
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.