Le basculement vers la garde à vue "nouvelle formule" s'est déroulé sans incident majeur
Policiers, avocats et magistrats ont dû se mobiliser dans l'urgence, vendredi, pour mettre en oeuvre avec un mois et demi d'avance la réforme de la garde à vue, comme l'a décidé la Cour de cassation.
Dans un communiqué, le ministère de la Justice a demandé aux parquets de l'appliquer "sans délai".
La réforme a été adoptée mardi par le Parlement et promulguée vendredi au Journal officiel (JO).
Concrètement, dans les commissariats et les gendarmeries, cela signifie que les gardés à vue peuvent dès maintenant être assistés d'un avocat lors de tous leurs interrogatoires et mettre en oeuvre leur droit au silence.
Me Grégoire Etrillard, avocat au barreau de Paris, a été l'un des tout premiers à étrenner cette petite révolution de la procédure pénale. Appelé vendredi en fin de journée sur une garde à vue pour vol en réunion dans le IVe arrondissement, il assistait samedi matin à la 3e audition d'un mis en cause.
Une situation impensable avant la réforme puisque l'avocat ne pouvait rencontrer son client qu'une demi-heure au début de la garde à vue. Il peut désormais être présent à tous les interrogatoires. L'application de ces nouvelles règles s'est déroulée sans encombre sur le territoire, selon des témoignages recueillis par l'AFP.
"Un arrêt historique"
"C'est un arrêt historique", a déclaré à la presse Me Didier Bouthors, l'un des avocats plaidant dans les dossiers soumis à l'examen de la Cour de cassation.
L'assemblée plénière de la plus haute juridiction devait dire si les nouvelles règles de la garde à vue, et notamment le renforcement de la présence de l'avocat, s'appliquaient également au cas d'étrangers placés en garde à vue avant d'être mis en rétention administrative.
Elle a répondu à cette question par l'affirmative dans les quatre dossiers qui lui étaient soumis et elle a décidé qu'il n'y avait pas de raison de différer la mise en vigueur de ce nouveau dispositif.
Réforme contestée à gauche comme à droite
Ce projet de loi est la conséquence d'une décision, le 30 juillet dernier, du Conseil constitutionnel, qui avait jugé les procédures actuelles en matière de garde à vue contraires aux droits fondamentaux et ordonné une réforme avant le 1er juillet 2011. Actuellement, la présence de l'avocat n'est prévue que trente minutes au début de la garde à vue.
Mais le texte ne fait pas l'unanimité à gauche comme dans la majorité.
Dans une lettre adressée au Premier ministre François Fillon, le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant a estimé que la réforme, qui est combattue par les syndicats de policiers, lui semble porteuse "de risques qui n'ont sans doute pas été pleinement mesurés" et réclamé un nouveau texte "afin de rechercher un meilleur équilibre entre les droits de la défense et les nécessités de l'enquête".
Au contraire, le ministre de la Justice Michel Mercier a déclaré jeudi dernier, à l'issue de l'examen du texte par les députés, que le texte représentait un "bon équilibre".
Le parti socialiste a lui dénoncé vendredi "l'attitude irresponsable" du gouvernement qui "a attendu d'y être contraint" pour engager la réforme (...) après que la Cour de cassation a décidé qu'elle devait s'appliquer immédiatement.
"La Cour de cassation sanctionne l'inertie du gouvernement". "Cette décision vient donner raison à tous ceux qui, comme les socialistes, soulignaient l'urgence d'une telle réforme", ajoute-t-il.
Pour le PS, ce gouvernement "a attendu d'y être contraint par le Conseil constitutionnel pour engager une réforme, adoptée dans l'urgence et dont l'application risque d'être difficile tant elle semble confuse et inefficace, et avec des moyens inexistants".
Le secrétaire national à la sécurité, Jean-Jacques Urvoas (PS) a souligné que le projet contenait "beaucoup trop d'incertitudes".
Les syndicats de policiers protestent
Trois syndicats de police, Alliance police nationale, Synergie officiers et le Syndicat indépendant des commissaires de police, ont déclaré prendre acte "avec dépit" de l'adoption du projet de loi réformant la garde à vue, mardi par les députés.
Cette réforme "entraînera un déséquilibre inquiétant entre droits de la défense et moyens d'action des enquêteurs, au préjudice des victimes", écrivent les syndicats dans un communiqué commun.
Selon eux, la présence accrue de l'avocat "conduira sans nul doute à un amoindrissement de l'efficacité de l'enquête de police et à une inexorable baisse du taux d'élucidation".
Le nombre de gardes à vue en France est passé de 336.718 en 2001 à 792.293 en 2009 selon les chiffres de la commission des Lois de l'Assemblée.
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