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La secrétaire d'Etat à la famille souhaite que les jeunes musulmans français ne parlent pas le verlan

Lors d'un débat public sur l'identité nationale, lundi soir, à Charmes (Vosges), Nadine Morano a répondu ainsi à une question d'un chômeur de 19 ans:"On ne fait pas le procès d'un jeune musulman. (...) Ce que je veux, c'est qu'il aime la France quand il vit dans ce pays, c'est qu'il trouve un travail et qu'il ne parle pas le verlan".
Article rédigé par France2.fr
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Nadine Morano (AFP - Gerard Cerles)

Lors d'un débat public sur l'identité nationale, lundi soir, à Charmes (Vosges), Nadine Morano a répondu ainsi à une question d'un chômeur de 19 ans:

"On ne fait pas le procès d'un jeune musulman. (...) Ce que je veux, c'est qu'il aime la France quand il vit dans ce pays, c'est qu'il trouve un travail et qu'il ne parle pas le verlan".

Phrase sortie du contexte, selon Nadine Morano
La secrétaire d'Etat chargée de la Famille et de la Solidarité a ajouté: "C'est qu'il ne mette pas sa casquette à l'envers. C'est qu'il essaye de trouver un boulot, et qu'on l'accompagne dans sa formation. C'est tout ça. Et je crois que si on veut être porteur de paix, on doit accepter l'autre dès lors qu'il respecte les lois", ajoute-t-elle.

"Les propos qui ont été retenus sont sortis du contexte", a affirmé par la suite Nadine Morano, soulignant qu'elle était elle-même issue "des banlieues". .

La secrétaire d'Etat à la Famille se dit victime de "malhonnêteté intellectuelle d'un journaliste venu couvrir trois heures de débat". "J'accepte la critique, c'est normal, l'analyse (...) mais la caricature et la malhonnêteté intellectuelle, j'ai du mal à l'accepter", a-t-elle ajouté. "Ce serait à refaire, je le referais", a-t-elle encore déclaré.

Lors de cette réunion, le jeune homme de 19 ans lui avait demandé: "Qu'adviendra-t-il du futur pour nous les jeunes , et est-ce que l'islam a vraiment sa place dans l'identité nationale ?" D'après une séquence vidéo, sa question, qui conclut des propos présentant l'islam comme une religion menaçante, est vivement applaudie.
S'ensuit un long développement de Nadine Morano sur le vivre ensemble, puis ses propos contestés.

Charmes, la ville natale de Maurice Barrès
Mais le lieu du débat lui-même a contribué à la polémique. Charmes avait été choisie par l'organisateur de la soirée, le député (UMP) Jean-Jacques Gaultier, parce qu'elle est la ville natale de l'écrivain nationaliste et antidreyfusard Maurice Barrès, suscitant la polémique. Une cinquantaine de militants du NPA, Parti de gauche ou Verts ont manifesté devant la mairie pour protester contre cet hommage à l'écrivain nationaliste.

Mme Morano a "assumé" d'avoir tenu ces propos à Charmes.
"Charmes, c'est aussi la France et je pourrais aussi aller débattre de l'identité nationale à Vichy", a-t-elle dit mercredi à Libération.
Elle a expliqué qu'il ne s'agissait "pas de réhabiliter Maurice Barrès".

Lors du débat, le président de l'association locale "Mémoire de Barrès", invité comme "grand témoin" à la soirée, a exalté la pensée de l'auteur lorrain, assurant notamment que "la patrie est plus forte dans l'âme d'un enraciné que dans celle d'un déraciné", ou défendant le "nationalisme de Barrès" par opposition au "cosmopolitisme".

Réactions aux propos de Mme Morano
"La moindre des choses, c'est de regretter de tels propos (...). Franchement c'est une parole en trop", a déclaré l'ex-ministre chiraquien François Baroin sur France 5. Il a demandé que l'on mette "en suspens" ce débat sur l'identité nationale qu'il ne "comprend pas".

"Je ne juge pas les propos de Mme Morano dès lors que je ne connais pas exactement le sens de ce qu'elle a dit", a déclaré l'ex-premier ministre Dominique de Villepin. "Mais de toute évidence, ces propos sont tenus dans la ligne d'un débat dont nous savons tous qu'il n'aurait pas dû être mené à ce moment-là et qu'il n'aurait pas dû être ouvert par celui qui l'a ouvert c'est-à-dire le ministre de l'Identité et de l'Immigration", Eric Besson. "Ce débat n'a pas de sens", a-t-il ajouté.

Le député PS Arnaud Montebourg a estimé, lui aussi, que l'affaire mettait en cause le débat sur l'identité nationale. "C'est renouer avec la conception ethnique de la Nation, celle qui d'ailleurs a donné lieu à Vichy. (...) C'est une opération politique qui a pour but de monter les Français les uns contre les autres et de créer une guerre identitaire et culturelle", a-t-il dit.

Le porte-parole du PS, Benoît Hamon, a jugé ses propos "consternants et très graves", dénonçant "les amalgames grossiers" entre immigration, délinquance, islam et identité nationale, auxquels "se livrent les ministres du gouvernement". Son homologue UMP Frédéric Lefebvre lui a retourné l'argument et a regretté "l'amalgame" fait par M. Hamon "sur les propos de Nadine Morano ", "comme si elle était raciste".

La ministre de l'Enseignement supérieur, Valérie Pécresse, a dénoncé "tous les faux procès" qu'on pourrait faire à la secrétaire d'Etat à la Famille, jugeant le débat sur l'identité nationale "profondément légitime."

""Après le voile et la burqa, haro sur les casquettes!", a fustigé Djamila Sonzogni au nom des verts.

Le PCF a demandé la "dissolution" du minsitère de l'Immigration et l'"arrêt immédiat" d'un grand débat national contesté jusque dans les rangs de la droite.

Le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Mohammed Moussaoui, a fait remarquer qu'on avait ainsi fait un portrait-type d'un Français musulman avec une casquette à l'envers, parlant verlan, rechignant à trouver un emploi. Il a appelé les responsables publics à la prudence dans l'expression.

Le Conseil représentatif des associations noires (CRAN) a appelé pour sa part Nadine Morano à retirer ses propos "qui heurtent les valeurs de notre République et ne sont pas dignes d'un ministre".

L'Union des étudiants juifs de France estime qu'il est "intolérable que le débat sur l'identité nationale soit prétexte à la libération des préjugés dans l'arène politique". "Cette banalisation des préjugés est d'autant plus effrayante qu'elle stigmatise systématiquement les personnes de confession musulmane", constate l'organisation estudiantine.

SOS-Racisme a estimé qu'il était "de la responsabilité du premier ministre de mettre un terme à l'expression, légitimée par les institutions, de ce racisme décentralisé".

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