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La justice a reconnu coupable d'homicide involontaire sans la punir une mère qui avait oublié sa fille dans sa voiture

La fillette de 18 mois avait été découverte inanimée à l'arrière du véhicule. Le tribunal de Créteil n'a pas voulu accabler davantage cette mère, fatiguée physiquement par une nuit passée à l'hôpital avec une de ses filles malade, et psychologiquement par un employeur peu compréhensif. Une justice qui a voulu se montrer plus humaine que les faits.
Article rédigé par Melinda Davan-Soulas
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
  (AFP - THOMAS COEX)

La fillette de 18 mois avait été découverte inanimée à l'arrière du véhicule. Le tribunal de Créteil n'a pas voulu accabler davantage cette mère, fatiguée physiquement par une nuit passée à l'hôpital avec une de ses filles malade, et psychologiquement par un employeur peu compréhensif. Une justice qui a voulu se montrer plus humaine que les faits.

Avoir provoqué la mort de sa fille en voulant pourtant la protéger: c'est le poids que porte une mère de famille de 37 ans, jugée pour le décès de sa fille de 18 mois en juin dernier. L'enfant avait été découverte inanimée à l'arrière de la voiture à Arcueil (Val-de-Marne) par des passants, à quelques pas du travail de sa mère. Celle-ci l'avait en fait oublié.

Un fait tragique, conclusion dramatique d'un enchaînement d'évènements rares. Ce 4 juin 2010 devait être le dernier jour de travail de cette femme qui avait refusé de nouvelles responsabilités chez France Telecom pour consacrer davantage de temps à sa famille. Une décision mal acceptée par l'employeur qui avait décidé de ne pas renouveler son contrat. "Je trouvais ça injuste qu'on me sanctionne", explique-t-elle devant le tribunal correctionnel de Créteil.

"Je n'ai jamais su qu'elle était là"

Du temps, cette cadre informatique et son mari, brigadier de police, en avaient besoin pour s'occuper d'une fille atteinte de leucémie et d'une autre également malade et qu'ils craignaient atteinte du même mal. La veille du drame, le couple était resté au chevet de cette dernière jusqu'à deux heures du matin. C'est donc dans des conditions physiques et psychologiques difficiles que cette mère avait attaqué la journée.

Le 4 juin, le couple décide de laisser leurs trois plus grandes filles au domicile familial de Brétigny-sur-Orge (Essonne) et d'amener la petite dernière chez la nourrice. "J'étais préoccupée d'avoir laissé mes filles (...) Je me disais que Maxine, c'était elle qui était le plus en sécurité chez sa nourrice", raconte la prévenue. Mais Maxine n'arrivera jamais chez sa nounou. Sa mère a un temps cru se souvenir l'avoir sortie de la voiture, décrivant sa tenue, ses faits et gestes, avant d'expliquer que ce fut ensuite "le trou noir".

Cinq autres cas depuis 2007

Comble de la malchance, le siège-auto de l'enfant avait été déplacé quelques jours auparavant. A sa descente du véhicule, la mère n'avait même pas pu s'apercevoir que sa fille était encore assise à l'arrière. "Je n'ai jamais su qu'elle était là, je croyais être seule pendant tout le trajet", raconte-t-elle. "Il y a eu une brisure du rythme" chez cette famille nombreuse où chaque geste était minuté, avance la présidente Michelle Jouhaud pour essayer de comprendre les évènements qui ont amené au décès de l'enfant.

De tels drames, malheureusement, arrivent et ce sont souvent les pères qui sont à l'origine de l'oubli. Depuis 2007, on dénombre cinq autres cas similaires, pour combien d'autres dont l'issue est moins fatale? Des peines avec sursis ont à chaque fois été prononcées pour ces oublis tragiques. Cette fois-ci, la justice a voulu se montrer "plus humaine" comme l'a indiqué la substitut du procureur Aude Duret. "L'auteur (des faits, ndlr) est aussi indirectement la victime".

Le tribunal a bien conclu à l'homicide involontaire sans prononcer de peine, jugeant que la sanction, déjà lourde de la perte d'un enfant, était déjà tombée sur cette mère de famille reconnue par tous comme dévouée. "Pour moi, je suis responsable, il n'y a pas d'autres responsables (...) Je n'ai pas voulu la mettre en danger et pourtant je l'ai fait", a déploré l'accusée à la barre. Un drame de la vie qui pose la question du stress de la vie quotidienne, de la place aussi des mères de famille dans l'entreprise.

Les autres cas en France depuis 2007

- 12 fév. 2009: Une fillette d'un an est trouvée morte dans une voiture sur un parking de Nouméa, oubliée par son père en pleine chaleur. Le père avait oublié de déposer l'enfant à la crèche avant d'aller travailler et ne l'avait retrouvée que dans l'après-midi.

- 11 août 2008: Un garçon de 13 ans, que ses parents avaient laissé dormir dans la voiture au retour d'une soirée à Pointe-à-Pitre, est découvert mort de déshydratation dans la matinée. L'enfant, enfermé dans un 4x4 de luxe n'a pas pu ouvrir les portes.

- 22 juil. 2008: Une fillette de 3 ans est retrouvée morte à Saint-Marcel (Saône-et-Loire) par son père, qui avait oublié de déposer l'enfant chez la nourrice et l'avait laissée toute la journée dans la voiture, au soleil.

- 15 juil. 2008: Un enfant de 2 ans et demi meurt après avoir été abandonné plusieurs heures par son père dans une voiture à Pont-de-Chéruy (Isère). Le père est condamné à 8 mois de prison avec sursis le 11 décembre 2008.

- 20 juin 2007: Une fillette de 19 mois meurt de déshydratation dans la voiture de son père, le 20 juin 2007 à Béziers. Ce dernier est parti au travail en oubliant de déposer l'enfant à la crèche. Il est condamné à 2 ans d'emprisonnement avec sursis le 27 août 2010.

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