La classe politique et le sommet de l'Etat ont rendu hommage à Philippe Séguin lundi après-midi aux Invalides
Nicolas Sarkozy a pris la parole lors de la cérémonie. Les obsèques religieuses ont été célébrées par le cardinal André Vingt-trois, archevêque de Paris, dans l'"église des soldats".
Philippe Séguin, figure du gaullisme, a succombé à une crise cardiaque le 7 janvier à 66 ans. Il a été inhumé mercredi, dans l'intimité, à Bagnols-en-Forêt (Var).
La cérémonie aux Invalides
De nombreuses personnalités politiques, de droite comme de gauche, parmi lesquels les anciens présidents Jacques Chirac et Valéry Giscard d'Estaing, le Premier ministre François Fillon, les anciens Premiers ministres Alain Juppé et Jean-Pierre Raffarin, les présidents de l'Assemblée nationale Bernard Accoyer et du Sénat Gérard Larcher, faisaient partie de l'assistance lundi aux Invalides.
"Tu vas nous manquer (...) mais le petit enfant meurtri de Tunis continuera longtemps encore à parler à chacun de nous de son père héroïque, de sa mère institutrice, de son devoir d'orgueil, de la France, de la République, et de ce que nous leur devons", a déclaré Nicolas Sarkozy, dans "l'hommage solennel de la Nation qu'il a "servie avec tant de noblesse et de dévouement"son hommage. ( Voir la vidéo en intégralité)
Philippe Séguin a été inhumé mercredi dans le caveau familial de Bagnols-en-Forêt, un petit village du Var situé au nord de Fréjus et Saint-Raphaël, où sont installés des membres de sa famille, dont son demi-frère. Il y repose désormais aux côtés de sa mère décédée en octobre 2009 et de ses grands-parents.
A l'indépendance de la Tunisie, Philippe Séguin, né à Tunis en 1943, et sa mère s'étaient installés dans le Var.
Un républicain intransigeant
Philippe Séguin est né le 21 avril 1943 à Tunis dans une famille modeste. Il a un an quand son père Robert meurt à l'âge de 22 ans, pendant la Seconde Guerre mondiale, en septembre 1944.
Après des études au lycée Carnot de Tunis, il poursuit ses études aux lycées Alphonse-Daudet de Nîmes où il passe son baccalauréat, puis à l'École normale d'instituteurs du Var. Licencié ès-lettres à la Faculté des lettres d'Aix-en-Provence, il est ensuite diplômé d'études supérieures d"histoire et diplômé de l'Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence. Il fait ensuite l'ENA, promotion « Robespierre » (janvier 1968 - mai 1970) et entre à la Cour des comptes.
Entre 1973 et 1978, il occupe plusieurs postes dans des cabinets ministériels, tant sous la présidence de Georges Pompidou que celle de Valéry Giscard d'Estaing..
Député des Vosges
En 1978, il est élu député des Vosges (1ère circonscription) en avril, mandat qu'il conservera jusqu'en juin 2002. Il est également vice-président du Conseil régional de Lorraine de 1979 à 1983 puis est élu maire d'Épinal en mars 1983 jusqu'en octobre 1997.
En 1981, il prononce un discours pour soutenir l'abolition de la peine de mort à l'Assemblée nationale; il est un des rares députés d'opposition à soutenir cette réforme emblématique du Président François Mitterrand.
En mars 1986, il est nommé Ministre des Affaires sociales et de l'Emploi dans le gouvernement du Premier ministre Jacques Chirac sous la présidence de François Mitterrand, lors de la première cohabitation. A la fin des années 80, au sein de la droite, il participe à un mouvement de rajeunissement des cadres au sein du groupe des "rénovateurs" aux côtés de personnalités comme Bayrou, Barnier, de Villiers ou Fillon.
En 1992, la carrière politique de Philippe Séguin prend un tournant : il s'engage pour le « non » au traité de Maastricht. Fidèle à la tradition gaulliste et attaché à l'implication de l'État dans le domaine social, il estime que le traité européen est une menace pour l'indépendance de la France. Il craint surtout une Europe trop libérale. François Mitterrand alors président de la République, accepte même un débat télévisé avec lui.
En avril 1993, après la victoire de la droite aux élections législatives, Philippe Séguin devient président de l'Assemblée nationale. Son combat consiste à protéger l'autonomie des parlementaire face au gouvernement. Lors de la campagne présidentielle de 1995, Philippe Séguin apporte son soutien à Jacques Chirac. Il joue un rôle clé puisqu'il est l'un des inspirateurs du discours de Jacques Chirac sur la fameuse "fracture sociale" avec Henri Guaino. Après la victoire de Jacques Chirac, il voit son concurrent Alain Juppé entrer à Matignon et il reste au perchoir... jusqu'à la dissolution de 1997.
Echec à Paris
Après l'échec de la droite aux législatives, ces nouvelles affinités lui permettent de prendre la tête du RPR en juillet 1997. Poste qu'il garde jusqu'en avril 1999. Cet homme au caractère souvent présenté comme ombrageux ("Il passe du plus charmant au plus odieux", écrivait Nicolas Sarkozy) connaît alors un véritable échec. Lors des municipales à Paris, il ne réussit pas à unifier la droite divisée (candidature Tibéri) et subit un cuisant échec.
Après la victoire de Chirac en 2002, il refuse d'entrer dans le nouveau parti présidentiel, l'UMP, et annonce son retrait de la politique. Alors que certains de ses proches ont rejoint l'équipe de Nicolas Sarkozy (Fillon, Guaino), il a préféré conserver son poste de premier président de la Cour des comptes à qui il a apporté son poids médiatique.
Réactions: émotion et estime
Nicolas Sarkozy a exprimé jeudi dans un communiqué sa "très grande tristesse" et "très vive émotion" à l'annonce de la mort de Philippe Séguin, "l'une des grandes figures et l'une des grandes voix de notre vie nationale".Jacques Chirac: "La France perd aujourd'hui un homme d'honneur, un homme d'Etat d'une exceptionnelle intelligence", estime l'ancien chef de l'Etat dans un communiqué. "Je perds, pour ma part, un ami pour lequel j'avais un grand respect et une profonde affection."
Jean-Louis Debré (président du Conseil constitutionnel) a salué un homme qui a marqué la vie politique "par sa capacité d'indépendance, de résistance" et qui avait "une certaine idée de la France, un grand respect de la République".
Alain Juppé (ancien Premier ministre): "C'est une grande perte pour la République."
Charles Pasqua (ancien ministre de l'Intérieur): "C'est un homme qui n'avait pas d'ambition personnelle mais une ambition pour la France. Si les circonstances s'y étaient prêtées, cela aurait certainement fait un excellent Premier ministre et il avait l'étoffe d'un président."
Jacques Toubon (ancien ministre UMP): "C'était un homme du Sud d'abord. On peut dire que c'était un mauvais caractère, mais ce caractère c'était la colère mais aussi une passion intransigeante. Il était indépendant."
François Bayrou (président du MoDem) : "Il était républicain par son parcours et par ses valeurs (...) Il ne renonçait pas à combattre même s'il apparaissait seul contre tous (...) Tout le monde entendait bien derrière son grand rire, une trace de mélancolie. Cette fêlure sur fond de tristesse le rendait plus attachant aux yeux de ceux qui l'aimaient."
Martine Aubry (première secrétaire du PS): "Un très grand serviteur de l'Etat qui a eu toute sa vie une passion pour l'intérêt général. Un républicain respecté bien au-delà de son camp qui a profondément marqué la vie politique (...) Il était devenu pour la République un sage dont la voix était une référence et une boussole."
Ségolène Royal (présidente PS de Poitou-Charentes): "Un homme de convictions qui savait garder une véritable liberté d'esprit. Il avait ainsi gagné l'estime et le respect au-delà de sa famille politique."
Jean-Pierre Chevènement (MRC) a salué un "homme politique de grand talent", un "républicain et un patriote", tout en regrettant que "rien n'ait été possible entre les républicains des deux rives".
Mohammed Moussaoui (président du Conseil français du culte musulman): le CFCM demande à "l'ensemble des musulmans de France, à l'occasion de la grande prière hebdomadaire du vendredi, d'avoir une pensée particulière en sa mémoire."
L'ancien Premier ministre Dominique de Villepin a rendu hommage jeudi au président de la Cour des comptes décédé dans la nuit, saluant "avec tristesse" la mémoire de Philippe Séguin qui fut "le symbole d'une fidélité exigeante au message gaulliste". "Avec tristesse, je tiens à saluer aujourd'hui la mémoire de Philippe Séguin", a écrit dans une déclaration à l'AFP Dominique de Villepin, en voyage au Moyen-Orient selon son secrétariat. "La France perd avec lui un homme au sens aigu du service de l'Etat, de l'intérêt général et de la solidarité, le symbole d'une fidélité exigeante au message gaulliste, une voix qui traduisait la valeur de l'indépendance d'esprit et des valeurs républicaines", a ajouté l'ex-secrétaire général de l'Elysée de Jacques Chirac.
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