L'homme accusé d'être polygame et de frauder les allocations familiales a menacé lundi de porter plainte
L'avocat de Liès Hebbadj, Franck Boëzec, a dénoncé "les déclarations totalement fantaisistes de Brice Hortefeux" qui suspecte son client d'avoir quatre femmes qui touchent l'allocation de parent isolé. L'homme incriminé admet avoir "des maîtresses" et pense à porter plainte pour diffamation.
Le parquet de Nantes a ouvert une enquête préliminaire.
L'enquête a été ouverte à la demande de la préfecture de Loire-Atlantique pour "une suspicion de relations polygames" et des "interrogations sur la régularité des aides sociales dont bénéficierait plusieurs personnes de sexe féminin qui seraient en relation" avec lui, a indiqué le procureur de la République de Nantes, Xavier Ronsin. "Ces faits susceptibles de recevoir des qualifications pénales ont justifié la saisine immédiate de la direction interrégionale de la police judiciaire de Rennes qui s'attachera dans le cadre d'une enquête préliminaire (...) à en vérifier la réalité", conclut le magistrat.
Le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux a annoncé mardi aux députés UMP que le père de la Nantaise concubine de Lies Hebbadj avait déposé lundi un "renseignement" (démarche proche de la main courante) auprès d'une brigade de gendarmerie du sud de la Loire-Atlantique. Le père de la jeune femme a raconté aux gendarmes, selon les déclarations de M.Hortefeux aux députés UMP, que la dernière fois qu'il avait eu sa fille au téléphone, il y a deux mois, celle-ci était "en pleurs" et lui avait dit avoir été "battue". "Quand il a demandé à parler à ses petits-enfants, elle lui a expliqué qu'elle ne pouvait pas les lui passer car ils étaient enfermés dans une salle à côté, en train d'apprendre le coran", a raconté le ministre aux élus.
Pour sa part, Liès Hebbadj, le mari de la femme verbalisée, a démenti lundi être polygame tout en admettant avoir des maîtresses. A la sortie du bureau de l'avocat de sa compagne, il a ainsi déclaré: "Si on est déchu de sa nationalité française parce qu'on a des maîtresses, alors beaucoup de Français peuvent l'être, les maîtresses ne sont pas interdites par l'islam, peut-être par le christianisme, mais pas en France que je sache."
Pour son avocat Franck Boëzec, "il n'y a ni polygamie ni fraude aux prestations sociales". Pour lui, les accusations formulées par "un certain nombre de ministres" sont "totalement fantaisistes". Une plainte pour diffamation n'est pas exclue mais "on n'aimerait pas arriver jusque-là", a assuré son client en demandant le respect de sa vie privée.
Après ses déclarations des derniers jours, le ministre de l'intérieur s'est montré Brice Hortefeux prudent lundi sur la possibilité de déchoir de sa nationalité le conjoint de la femme conduisant voilée. Vendredi, quelques heures après une conférence de presse de la jeune femme verbalisée, le ministre de l'Intérieur avait demandé à son collègue en charge de l'Immigration Eric Besson de se pencher sur la situation du conjoint de la jeune femme qui "appartiendrait à la mouvance radicale du 'Tabligh' et vivrait en situation de polygamie, avec quatre femmes dont il aurait eu douze enfants". Dans un courrier, il lui avait écrit: "Je vous serais très reconnaissant de bien vouloir faire étudier les conditions dans lesquelles, si ces faits (polygamie, fraude aux aides sociales) étaient confirmés, l'intéressé pourrait être déchu de la nationalité française."
"Si ces faits sont avérés, ils sont insupportables et la justice doit être saisie", avait renchéri Eric Besson dans un entretien au Parisien/Aujourd'hui en France dimanche. "Si une condamnation intervient, des sanctions pénales seront prononcées et j'étudierai alors avec la Garde des sceaux l'éventuelle déchéance de nationalité de cette personne."
Le président (UMP) de l'Assemblée nationale Bernard Accoyer a annoncé lundi que le gouvernement présenterait son projet de loi sur l'interdiction du voile intégral le 19 mai en Conseil des ministres, à l'issue d'une rencontre avec François Fillon.
L'individu qui a acquis la qualité de français peut, par décret pris après avis conforme du Conseil d'Etat, être déchu de la nationalité française, sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride :
1º S'il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme ;
2º S'il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit prévu et réprimé par le chapitre II du titre III du livre IV du code pénal ;
3º S'il est condamné pour s'être soustrait aux obligations résultant pour lui du code du service national ;
4º S'il s'est livré au profit d'un Etat étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France
La gauche fustige la "démagogie"
Jean-Marc Ayrault, député-maire de Nantes et président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, a accusé le ministre de l'Intérieur de démagogie. "Selon les informations que j'ai pu obtenir, cette situation n'est pas connue que de la semaine dernière, elle est connue depuis plusieurs mois, voire plusieurs années de la part des services de l'Etat, de la justice et des services sociaux, notamment de la Caisse d'allocations familiales", a-t-il dit samedi sur France Info. "Au moment où on veut débattre de (l'interdiction du port du voile intégral) dans la sérénité, j'ai l'impression qu'on est dans l'instrumentalisation."
"Le gouvernement prend une mauvaise voie, un mauvais chemin. Il est en train de s'emballer, de construire un scénario de dramatisation d'une situation, d'emballement médiatique (...) Nous sommes dans une véritable intoxication", a estimé le député socialiste Julien Dray lors du "Forum" Radio J.
Sur la même antenne, la secrétaire nationale du Parti communiste, Marie-George Buffet, a dénoncé une "opération politicienne du plus mauvais goût (...) qui fait le jeu des intégristes"."Je vois les choses venir, on va multiplier les incidents par rapport à ces femmes et on va voir se réjouir des gens qui vont pousser le feu de l'intégrisme et de la radicalité (...) L'utilisation politicienne de tout cela peut nous mener très loin", a-t-elle prévenu.
Le député PS Manuel Valls a reproché lundi au ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux d'avoir eu une attitude "indigne" en évoquant, "sans connaître le dossier", la possibilité de déchoir de sa nationalité française un homme soupçonné de polygamie.
Dans un communiqué, le NPA d'Olivier Besancenot estime qu'en "s'agitant sur le voile intégral, un phénomène ultra minoritaire dans la société française, le gouvernement cherche à détourner l'attention des conséquences de la crise et de sa politique sur la population : licenciements, chômage, discrimination, accentuation des inégalités, contre-réforme des retraites". Il considère que la verbalisation début avril à Nantes d'une femme pour conduite avec un niqab "est le signe avant-coureur des conséquences qu'aura inévitablement la loi, voulue par Sarkozy".
L'UMP soutient l'initiative du ministre
Par la voix de son porte-parole Frédéric Lefebvre, l'UMP a au contraire salué la démarche du ministre de l'Intérieur qui "exprime la nécessaire fermeté dont notre société doit faire preuve à l'encontre de ceux qui méprisent nos règles, détournent nos procédures et profitent de manière inqualifiable de l'hospitalité française".
Le secrétaire général de l'UMP Xavier Bertrand a également estimé que "ce qu'a dit Brice Hortefeux est frappé au coin du bon sens et rappelle qu'en France, il y a des droits et des devoirs".
La députée UMP Chantal Brunel, auteur de "Pour en finir avec les violences faites aux femmes", a demandé "un état des lieux département par département" des familles polygames afin de "permettre une analyse des prestations versées et éviter d'éventuels abus".
Le président du Front National Jean-Marie Le Pen a jugé dimanche "scandaleux" que les conjointes d'un homme soupçonné de polygamie perçoivent des allocations familiales.
Les mosquées de Nantes dénoncent une "stigmatisation systématique" et "l'islamisation de l'événement"
"Le collectif des mosquées de Nantes considère que la verbalisation d'une conductrice relève de procédures judicaires courantes et s'indigne devant l'islamisation d'un tel évènement", écrit-il dans un communiqué. "Les musulmans nantais (...) s'inquiètent de cette stigmatisation systématique qui va à l'encontre des valeurs de la République et invitent les pouvoirs publics à prendre leurs responsabilités (...) Encore une fois les musulmans et l'islam ont été fortement médiatisés par rapport à un événement insignifiant, non représentatif de leur immense majorité, et qui ne répond aucunement aux préoccupations réelles de nos concitoyens."
Le traitement médiatique du débat sur le voile intégral stigmatise les musulmans de France, a déploré de son côté lundi le Conseil français du culte musulman (CFCM). Le Premier ministre François Fillon a reçu à la mi-journée les représentants des musulmans de France et Michèle Alliot-Marie, chargée de rédiger la loi d'interdiction totale du voile intégral voulue par le président Nicolas Sarkozy.
Interrogé sur la polygamie supposée de l'homme, le président du CFCM Mohamed Moussaoui a déclaré qu'il s'agissait d'"un élément marginal qui a pris beaucoup d'importance". Selon lui, "si la polygamie est avérée, la justice est claire, la loi de la République est claire et les musulmans de France sont respectueux des lois de la République", a-t-il tranché. Quant au fait de savoir si cet homme devait être "déchu de sa nationalité", piste proposée par le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux, Mohammed Moussaoui a simplement estimé qu'il s'agissait "d'une question de droit".
La contrevenante
Agée de 31 ans, la jeune femme de nationalité française, qui porte depuis neuf ans un niqab ne laissant voir que ses yeux, a fait l'objet d'un contrôle le 2 avril alors qu'elle circulait au volant de sa voiture dans une rue de Nantes. "Deux agents à moto m'ont fait signe de m'arrêter", a-t-elle expliqué. Elle leur a tendu alors ses papiers et ceux de la voiture et a dévoilé son visage pour que son identité soit vérifiée. "Et là, le policier m'annonce qu'il va me verbaliser à cause de ma tenue vestimentaire. Je lui dis alors qu'il n'en a pas le droit, que c'est de la discrimination pure et simple", a-t-elle poursuivi.
Sur le procès-verbal est mentionné l'article 412-6 du Code la route: 22 euros pour "circulation dans des conditions non aisées", le fonctionnaire estimant que le champ de vision de la jeune femme était réduit. "C'est laissé à la libre appréciation de l'agent verbalisateur. Cet agent a fait son travail. Il a estimé que dans ces circonstances, il y avait un risque pour la sécurité", a précisé la Direction départementale de la sécurité publique (DDSP).
Prenant en compte la nouvelle dimension de l'affaire, l'avocat de la jeune femme, Me Jean-Michel Pollono, s'est refusé à entrer dans le débat politique. "La jeune femme est venue me voir pour une contravention, pour le reste je me refuse à défendre."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.