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L'ex-Premier ministre Edouard Balladur a été interrogé mercredi par des députés de la mission sur l'attentat de Karachi

L'audition portait sur les liens éventuels entre cette affaire et le financement de sa campagne présidentielle de 1995.Dès lundi, jour des assertions de Libération sur l'éventuel usage de commissions occultes liées à un contrat d'armement avec le Pakistan, il avait contesté dans le Figaro.fr tout financement illégal de sa campagne présidentielle.
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Edouard Balladur a démenti lundi tout financement occulte de sa campagne présidentielle. (AFP - Jacques Brinon)

L'audition portait sur les liens éventuels entre cette affaire et le financement de sa campagne présidentielle de 1995.

Dès lundi, jour des assertions de Libération sur l'éventuel usage de commissions occultes liées à un contrat d'armement avec le Pakistan, il avait contesté dans le Figaro.frtout financement illégal de sa campagne présidentielle.

L'audition de mercredi a été réclamée par l'ancien Premier ministre (confirmant une information du Point.fr ) et clôt les travaux de la mission d'information de la commission de la Défense de l'Assemblée sur l'attentat de Karachi qui coûta la vie à onze Français en 2002. Composée de cinq membres (deux députés UMP, un Nouveau Centre, un communiste et un socialiste), la mission doit rendre son rapport le 12 mai prochain.

Son rapporteur, le socialiste Bernard Cazeneuve, a déclaré qu'Edouard Balladur a répondu à toutes les interrogations des élus et qu'il a été question du président Nicolas Sarkozy "de façon allusive". Le chef de l'Etat était à l'époque porte-parole de la campagne présidentielle du candidat Balladur et ministre du Budget dans son gouvernement.

L'élu socialiste a toutefois souligné que son rôle n'était "pas d'instrumentaliser à des fins politiques cette affaire en mettant en cause le président de la République, Edouard Balladur ou tel responsable de la majorité" mais "de faire en sorte que la vérité puisse progresser et que la souffrance des familles puisse être allégée".

Le député-maire de Cherbourg a cependant insisté sur les "blocages absolus" qu'il dit avoir rencontrés dans son travail d'enquête, déplorant que le pouvoir exécutif n'accède pas à ses demandes de déclassification de documents liés à la vente de sous-marins Agosta au Pakistan.

Réponse de Libération aux arguments de Balladur
Le quotidien est revenu mardi sur quatre des arguments de l'ex-Premier ministre et les confronte aux éléments factuels recueillis au cours de son enquête.

A ses quatre points synthétisés dans les lignes du journal en : "Tout est légal", "Je n'y suis pour rien", "La faute à Chirac" et "Pourquoi maintenant", Libération a souligné que M. Balladur ne répond pas sur les éléments clés concernant notamment l'origine du versement des sommes tombées dans sa caisse de campagne et les raisons de la nomination et la rémunération d'intermédiaires surnuméraires.

Le journal a souligné en revanche que M. Balladur ne réfute pas les 10 millions versés en espèces sur son compte de campagne et qu'il ne s'explique, ni sur les intermédiaires "supplémentaires" désignés par le pouvoir en place, ni sur le contenu des quatre réunions ministérielles à Matignon, en 1993 et 1994, précédant la signature du contrat mis en cause (vente des trois sous-marins au Pakistan par la France pour 5,4 milliards de francs).

Quant au rapport du GIGN, datant d'octobre 2002 et "passé sous silence" pendant six ans (jusqu'en qu'en 2008), Libération écrit que "Rien n'est dû au hasard, mais simplement à la vigilance du parquet de Paris. Son procureur, Jean-Claude Marin, veillait parfaitement au grain, du moins jusqu'à maintenant, et à limiter le développement des procédures pénales concernant la vente des sous-marins au Pakistan".

Seule la détermination du juge Marc Trévidic, qui s'est "transformé en magistrat financier" a permis de faire avancer, partiellement, les investigations souligne Libération.

"L'inertie se poursuit" a poursuivi le journal. "Début avril, le ministère de la Défense a enfin accepté de déclassifier" le rapport. "Las : sur les 137 pages initiales, Hervé Morin n'en a transmis que six paragraphes sans intérêt, le reste étant totalement expurgé".

"Mais il désormais moins question de protéger Edouard Balladur que Nicolas Sarkozy : alors ministre du Budget et porte-parole de la campagne présidentielle, il avait à ce titre validé le versement des commissions, ne serait-ce que pour permettre à la DCN de les déduire" écrit Libération.

A l'origine de l'affaire
Le "Karachigate" est le nom donné à l'enquête sur l'attentat qui fit 14 morts, dont 11 salariés de la Direction des constructions navales (DCN) le 8 mai 2002 à Karachi. Attentat qui pourrait être lié à d'éventuelles rétrocommissions dans une vente de sous-marins français au Pakistan.

Dans cet attentat, la piste Al-Qaïda avait été longtemps privilégiée mais le juge Marc Trévidic l'a réorientée vers l'hypothèse de représailles pakistanaises après l'arrêt des versements de commissions attachées à ce contrat - signé en 1994 et baptisé Agosta - décidé par Jacques Chirac après son élection en 1995.

Selon "Libération", "des documents bancaires montrent que des intermédiaires imposés par l"ancien Premier ministre ont perçu des commissions liées au contrat d"armement signé avec le Pakistan en 1994".

10 millions de francs en espèces
Selon Libération, le 26 avril 1995, l'Association pour le financement de la campagne d'Edouard Balladur (Aficeb) a encaissé dans une agence du Crédit du Nord à Paris 10 millions de francs en espèces (1,5 million d'euros), soit près de 20% de l'ensemble des recettes mentionnées dans le compte de campagne d'Edouard Balladur. "Sur le bordereau bancaire, il a été mentionné que l'argent provenait de collectes effectuées lors des meetings électoraux", relève le quotidien, s'étonnant que "la moitié de ces 10 millions a été apportée en grosses coupures de 500 francs".

Ce versement est intervenu alors qu'entre janvier et juin 1995, deux intermédiaires du contrat Agosta pour le versement de ces commissions ont perçu 184 millions de francs, affirme Libération qui s'est procuré le contrat Agosta et l'accord entre DCN et Mercor Finance, société off-shore représentant les deux intermédiaires.

Le parquet de Paris a ouvert début février une enquête préliminaire à la suite d'une plainte des familles des victimes de l'attentat pour entrave à la justice et pour corruption, notamment contre le club politique présidé par M.Balladur.

L'avocat des parties civiles monte au créneau
L'avocat des familles de victimes de l'attentat de Karachi en 2002, Me Olivier Morice, a accusé lundi Edouard Balladur de mentir et indiqué qu'il allait demander son audition par la justice.

"Les parties civiles considèrent que M. Balladur ment d'une façon absolument éhontée par rapport aux éléments qui sont dans le dossier", a déclaré l'avocat au cours d'une conférence de presse. "Il est bien évident que dans les prochains jours nous allons demander l'audition de M.Balladur qui n'est couvert par aucune immunité", a ajouté Me Morice.

Il s'agit selon lui de confronter l'ancien candidat "à un certain nombre de pièces du dossier, de témoignages qui détruisent totalement (son) système de défense" alors qu'il "se retranche totalement derrière la validation de ses comptes (de campagne, ndlr) par le Conseil constitutionnel".

L'avocat a également indiqué qu'il demanderait les auditions de Renaud Donnedieu de Vabres, collaborateur de François Léotard au ministère de la Défense en 1994, de M. Léotard ou encore de l'ancien directeur de campagne d'Edouard Balladur, Nicolas Bazire. M. Donnedieu de Vabres est présenté par plusieurs témoins dans l'enquête sur l'attentat comme ayant imposé la présence de certains intermédiaires dans le contrat de sous-marins.

"Le président de la République Nicolas Sarkozy est couvert par son immunité présidentielle mais il pourrait répondre à la justice s'il le souhaitait, en qualité de témoin", a jugé Me Morice. Nicolas Sarkozy, que l'avocat a dénoncé à plusieurs reprises comme étant "au coeur d'un système de corruption", était à l'époque ministre du Budget et porte-parole de la campagne d'Edouard Balladur.

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