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L'Autorité des marchés financiers a clos vendredi les auditions des anciens ou actuels responsables d'EADS et d'Airbus

Au total, 17 personnes soupçonnées de délits d'initiés ont été entendues dans l'une des plus importantes affaires que l'Autorité ait eu à traiter et sur laquelle elle devrait statuer en décembre.En marge des auditions à huis clos, les avocats et les communicants des mis en cause ont consciencieusement distillé leur vision des faits à la presse.
Article rédigé par France2.fr
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Les auteurs présumés de délits d'initiés du groupe européen d'aéronautique EADS se sont expliqués devant l'AMF.

Au total, 17 personnes soupçonnées de délits d'initiés ont été entendues dans l'une des plus importantes affaires que l'Autorité ait eu à traiter et sur laquelle elle devrait statuer en décembre.

En marge des auditions à huis clos, les avocats et les communicants des mis en cause ont consciencieusement distillé leur vision des faits à la presse.

En première ligne, Noël Forgeard. L'ex-coprésident d'EADS s'est adjoint les conseils d'un ancien journaliste, Jean de Belot, aujourd'hui président de la société de conseil en communication Aria Partners.

Le groupe EADS s'est tourné lui vers l'influente agence de communication Image 7. Sa patronne, Anne Méaux, a recruté l'an passé une ancienne reporter et rédactrice en chef adjointe du Figaro, qui avait sorti un scoop sur une note préliminaire de l'AMF sur l'affaire EADS.

De lourds soupçons
Au vu des faits, la mise en oeuvre d'une rigoureuse stratégie de défense s'imposait. Outre Noël Forgeard, l'actuel président d'Airbus, l'Allemand Thomas Enders, son directeur commercial, l'Américain John Leahy, sans oublier les groupes allemand DaimlerChrysler et français Lagardère, les deux principaux actionnaires d'EADS, sont sur la sellette.

Ils sont suspectés de s'être enrichies indûment en 2005 et 2006 en vendant leurs actions du groupe, alors qu'ils auraient bénéficié
d'informations privilégiées. L'AMF les soupçonne d'avoir eu connaissance avant le public des retards de l'Airbus A380, de la révision du projet de long-courrier A350 et de perspectives financières du groupe EADS plus mauvaises que prévu. Ces informations, une fois révélées, ont provoqué la descente vertigineuse de l'action.

Les accusés se sont toujours dits innocents et pressés de pouvoir s'expliquer sur cette affaire.

Une défense en deux temps
Sur la forme d'abord, la défense a plaidé l'incompétence de l'AMF, puisqu'EADS a son siège juridique aux Pays-Bas et que l'affaire serait donc du ressort du gendarme de la Bourse néerlandais. Elle a aussi avancé que l'AMF ne respectait pas à la lettre une directive européenne sur les abus de marchés.

Mais le point principal a été l'étude des retards de l'A380. Airbus
avait annoncé le 13 juin 2006 un retard de six à sept mois du calendrier de livraison de son très gros porteur, entraînant le lendemain une chute en Bourse de 26,3% du titre EADS. Ces retards et les informations privilégiées dont aurait bénéficié la direction d'Airbus et d'EADS constituent le seul grief qu'a retenu le rapporteur de l'AMF.

Cette semaine, la défense s'est appuyée un élément de dernière minute: le témoignage de consultants du cabinet McKinsey, missionné par Airbus entre décembre 2005 et juin 2006, pour régler les problèmes de production de l'A380. Ces consultants s'étaient à l'époque montrés confiants sur la capacité d'Airbus à rattraper son retard.

Silence radio à l'AFM
L'AMF se garde de tout commentaire pour le moment. "C'est une administration qui a le goût du secret", observe Ghislaine Ottenheimer, rédacteur en chef de l'hebdomadaire Challenges et auteur de "L'affaire: l'histoire du plus grand scandale financier français". Il est assez difficile pour l'AMF de communiquer actuellement, estime de son côté Jean-Jacques Daigre, professeur de droit financier à l'Ecole de droit de la Sorbonne (Université Paris-I). "Elle doit rester d'une impartialité absolue, ce qu'exige la Convention européenne des droits de l'homme. Et au regard de ce devoir, elle ne peut pas s'exprimer à l'heure actuelle", explique-t-il.

Rien ne l'empêcherait toutefois de rappeler à l'ordre les mis en cause pour communication excessive, ce qu'avait fait par le passé la Commission des opérations de bourse (COB), l'ancêtre de l'AMF, souligne M. Daigre.

Décision
L'AMF se donne désormais jusqu'à la mi-décembre pour se prononcer. Elle peut décider de sanctions atteignant jusqu'à dix fois les profits réalisés, soit une amende potentielle de 37 millions d'euros pour Noël Forgeard.

Une enquête pénale sur l'affaire, ouverte en novembre 2006, est parallèlement toujours en cours. Les mis en cause risquent la prison (jusqu'à deux ans) et une amende de 1,5 million d'euros qui peut aussi être portée jusqu'à dix fois le montant du profit réalisé.

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