L'action des Anonymous en cinq questions
Le collectif de militants et de hackers anonymes occupe le devant de la scène après avoir attaqué plusieurs sites français, en réaction à la fermeture de Megaupload. FTVi revient sur les origines et l'évolution du réseau.
Hadopi.fr, Elysee.fr, Vivendi.fr, mais aussi L’Express.fr ou encore les portails des ministères de la Justice et de la Défense... Les sites français ont été attaqués par dizaines ces derniers jours. Après la fermeture de la plateforme de téléchargement et d'hébergement Megaupload vendredi 20 janvier, la riposte du collectif Anonymous a gagné l'Hexagone. FTVi s'est penché sur le fonctionnement et l'identité de ce jeune groupe, qui a franchi depuis vendredi une nouvelle étape.
• Qui se cache derrière Anonymous ?
On peut difficilement les dénombrer mais plus de 200 000 suivent le compte Twitter @AnonOps, qui se revendique : "Nous sommes des combattants pour la liberté sur internet." Ils se dissimulent derrière des pseudonymes et communiquent sur des réseaux dédiés : ils, ce sont les inconnus d’Anonymous, un collectif informel et mondial d’activistes, de geeks et de hackers "sans structure fixe, ni vraiment d’organisation", analyse Nicolas Danet, co-auteur d'Anonymous, pirates informatiques ou altermondialistes numériques ? (éditions FYP).
Il s’agit d’une "bannière derrière laquelle se regroupent ponctuellement des gens, au hasard des opérations qui sont décidées" contre les sites, pour alerter sur le respect de la liberté sur internet. "Banquiers dégoûtés et étudiants excités" en composeraient aussi les rangs, selon Le Figaro qui évoque environ 1 400 membres actifs en France.
Non identifiés, tous se rejoignent autour d’un même slogan ("Nous sommes Anonymes. Nous sommes légion. Nous ne pardonnons pas. Nous n'oublions pas. Comptez sur nous") ainsi que derrière un même visage, celui de Guy Fawkes, dont le masque est fièrement arboré lors de manifestations. Ce révolutionnaire catholique anglais, qui a commis un attentat contre le Parlement anglais au XVIIe siècle, a notamment été rendu célèbre par le film V pour Vendetta (2006).
• Quelles sont les revendications des Anonymous ?
"Dès qu'il y a un coup de semonce des autorités par rapport à la liberté de communication et de partage sur internet, les Anonymous se sentent attaqués", résume Félix Tréguer, chargé de mission à la Quadrature du net, une organisation de défense pour les droits et libertés des citoyens sur internet.
L’acte fondateur d'Anonymous remonte à 2008, lorsque plusieurs internautes se mobilisent contre l’Eglise de scientologie, accusée d’avoir voulu faire supprimer du site 4Chan, temple de la culture web et terrain de jeu des premiers Anonymous, une vidéo où Tom Cruise glorifie les scientologues.
Elle a subi "ce qu’on appelle l’effet Flanby, commente Nicolas Danet. Lorsqu’on essaie de le faire disparaître en tapant dessus avec une cuillère, il éclabousse le mur. Pour le contenu sur internet, c’est pareil : demander sa suppression ne fait qu’attirer le regard sur lui." Les Anonymous attaquent le site de l'Eglise de scientologie américaine et descendent même dans la rue. Le mouvement s'internationalise peu à peu, et prend la défense de WikiLeaks en 2010.
Lutte contre la scientologie, soutien à Julian Assange et réaction à la fermeture de Megaupload : ces trois événements-clé de l’histoire d’Anonymous résument à eux seuls la principale revendication du groupe, celle de la protection de la liberté sur internet.
• Comment agissent les Anonymous ?
Qui dit attaque dit réponse, choisie après de longues discussions sur des forums spéciaux. Ainsi, lundi 23 janvier, la plupart des sites visés ont été la cible d'attaques dites de déni de service. Réalisées grâce à à l'application LOIC, elles permettent de saturer les serveurs des sites en raison d'un nombre de connexions répétées trop important. Si bien que les sites deviennent inaccessibles. D'autres techniques sont parfois utilisées comme le "défaçage", une pratique consistant à remplacer la page d'accueil par une autre.
Anonymous parle de "cyberguerre". Pour Félix Tréguer, si la motivation est "politique", l'action est davantage "assimilable à un sit-in. Ce sont des attaques destinées à attirer l'attention" des médias et de l'opinion publique.
• Que révèlent les réactions à la fermeture de Megaupload ?
Dès le 20 janvier, la nébuleuse Anonymous s'organise rapidement pour réagir à la fermeture du site d'hébergement Megaupload représentant 4 % du trafic mondial sur internet. Pour Nicolas Danet, "il s'agit d'un tournant. Le volume de mobilisation était très important".
Entre 5 000 et 6 000 personnes se sont ainsi connectées en même temps sur un seul canal pour saturer les sites que le groupe incrimine dans cette action. Au total, l'opération #OpMegaupload aurait rassemblé 27 000 personnes, selon le site SoftPedia. "La réaction a été unanime. Il ne s'agissait pas de soutenir Kim Dotcom [le fondateur de Megaupload] mais de dire : 'Sur internet, ça ne se passe pas comme ça, on ne supprime pas un site de cette façon'", analyse Nicolas Danet.
Pour son co-auteur Frédéric Bardeau, la démocratisation est désormais en marche : les Anonymous "s'éloignent de leur ADN anti-scientologie. WikiLeaks était déjà une étape vers la démocratisation et le grand public. Ils sortent de leur 'entre-soi', de 4chan, des mèmes [des phénomèmes repris en masse sur le net] ", résume-t-il sur Rue89.
• Est-ce que l'attaque contre L’Express était contre-productive ?
Les Anonymous s'égarent-ils ? Telle est la question que soulève l'attaque menée, lundi, contre le site de L'Express, quelques heures après une critique virulente contre le collectif du directeur de la rédaction Christophe Barbier sur i-Télé.
L'assaut a agité les médias, Twitter... mais aussi le groupe lui-même, comme le note Nicolas Danet. "Le mouvement a tellement grandi que certains peuvent tirer la bannière à eux", décrypte-t-il, ajoutant que "beaucoup d'Anonymous se sont levés contre cette action" à l'instar des comptes Twitter @Anon_fr et @anonymous_fr. Mardi, sur le chat francophone des Anonymous, certains ont une nouvelle fois réagi, en rappelant les principes du collectif : "On a dit pas d'attaque sur les médias", insiste ainsi l'un d'eux, sous le pseudonyme de Jag.
Pour Nicolas Danet, l'action contre L'Express met surtout en lumière les dissensions internes des Anonymous, dues à la nature du collectif "non-structurée". Le risque étant à l'avenir de "parvenir à trop de contradictions en son sein" et nuire de ce fait aux revendications.
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