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"Certains ne réalisent pas la gravité de ce qu'ils ont fait en Syrie", selon David Thomson

L'un des premiers jihadistes français, Kevin Guiavarch, a été mis en examen et écroué samedi. Le journaliste RFI spécialiste des questions jihadistes, David Thomson, a expliqué samedi sur franceinfo les raisons des départs en Syrie et de certains retours en France. 

Article rédigé par franceinfo
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Un homme consulte un site jihadiste (Photo d'illustration). (FABRICE ANTERION / MAXPPP)

C'était l'un des premiers Français à partir en Syrie pour y faire le jihad. Kevin Guiavarch, un Breton de 24 ans, s'est rendu aux autorités turques. Extradé en France, il a été mis en examen et écroué samedi 21 janvier. David Thomson, spécialiste des milieux jihadistes, était l'invité de franceinfo. Pour le journaliste, la première raison du départ en Syrie est "d'abord pour des convictions religieuses".

franceinfo : Quelles sont les raisons des départs en Syrie ?

David Thomson : C’est des gens qui partent d’abord pour des convictions religieuses, persuadés que le départ en Syrie va leur donner un accès au paradis. Ils partent aussi pour des conditions assez matérielles, hédonistes et individualistes. Le projet de l'organisation État islamique, c’est aussi la promesse d’une inversion des rapports de domination. Des gens, qui se disent victimes de rapports de domination en France, deviennent dominants à leur tour en Syrie. C’est aussi la promesse d’une hypersexualité. Dans le cas de Kevin Guiavarch, le connaissant un petit peu, je pense que ça a pu jouer. Il a fait venir de nombreuses femmes en Syrie pour les épouser. On trouve des raisons politiques, religieuses mais aussi un projet, une promesse de mieux social et spirituel.

Est-ce aussi une manière de s'affirmer ?

Des gens avancent aussi des choses banales comme troquer une vie d’ennui en France contre une forme d’exaltation. J’appelle ça le "lol jihad" : c’est une dimension hédoniste. Certains reviennent en disant "moi là-bas, je me suis amusé". Certains ne réalisent pas la gravité de ce qu’ils ont fait là-bas. Un d’entre eux me disait "c’était un peu comme une année Erasmus". Juste avant de passer la frontière, Kevin Guiavarch me disait "j’espère que je vais reprendre une vie normale". Il se présente comme un repenti. Mais la vie normale, ça ne va pas être pour tout de suite, c’est plus un procès aux assises qui l’attend.

Quel est leur profil ?

On a longtemps, dans le discours institutionnel, mis en avant des profils de classes moyennes, blancs, convertis. Ces profils sont minoritaires. La grande majorité viennent des quartiers populaires et ils importent cette culture en Syrie. Ca leur vaut d'ailleurs une mauvaise réputation au sein même des milieux jihadistes. Kevin Guiavarch vient des milieux populaires mais a été enfant de chœur avant de se convertir au contact d’un groupe jihadiste, Forsane Alizza. À leur contact, il a adopté cette idéologie jihadiste. Quand il arrive en Syrie, en 2012, c’est un des premiers Français. Il commence dans un groupe rebelle pas encore tout à fait "jihadisé". Il est blessé au front. À l’été 2013, lors de l’affirmation de l’organisation État islamique en Syrie, c’est la promesse d’un meilleur accueil et de moins de combat. Il intègre immédiatement ce groupe et y reste.

Pourquoi ce retour en France ?

Il avait tout simplement peur de mourir. Il a senti le vent tourner car le groupe État islamique recule sur tous les fronts. Kevin Guiavarch était réfugié à la frontière turque. Il sentait la pression militaire plus pressante. Il explique aussi qu’il est en rupture avec la vision idéologique du groupe État islamique. Son dossier est loin de plaider pour lui car c’est une des figures les plus connues du jihadisme français, qui a eu une activité de recrutement en ligne très fort. C’est quelqu’un qui figure en bonne place sur la liste noire du conseil de sécurité de l’ONU. Ce n’est pas de nature à lui permettre de reprendre une vie normale.

"Ils partent d'abord en Syrie pour des raisons religieuses", David Thomson, spécialiste des milieux jihadistes.

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