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Réunion sur les migrants à Calais : "La France ne doit pas se cacher derrière les passeurs" estime Utopia 56

"S’il y avait des routes de migration sûres, il n’y aurait pas de passeur", selon Yann Manzi, co-fondateur de l’association d’aide aux migrants Utopia 56.

Article rédigé par franceinfo
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Les portraits de certains des 27 migrants morts en mer mercredi 24 novembre au large de Calais, affichés sur la statue de la République à Paris lors d'une cérémonie en leur hommage à Paris le 25 novembre 2021. (PAULINE TOURNIER / HANS LUCAS)

"La France ne doit pas être hypocrite et se cacher derrière les passeurs", a déclaré sur franceinfo Yann Manzi, co-fondateur de l’association d’aide aux migrants Utopia 56, alors que le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin reçoit dimanche 28 novembre à Calais (Pas-de-Calais) plusieurs homologues européens pour évoquer la question des migrants, quatre jours après le naufrage de 27 personnes dans la Manche"S’il y avait des routes de migration sûres, il n’y aurait pas de passeur", a affirmé Yann Manzi alors que cette réunion, qui se tient sans les Anglais, doit justement s’attaquer à la problématique des réseaux de passeurs. Selon lui, ce sont plutôt "nos réglementations qui créent les trafics humains."

franceinfo : Le mot d’ordre de cette réunion est de lutter contre les réseaux de passeurs, est-ce le sujet prioritaire ?

Yann Manzi : Bien sûr qu’il faut agir sur les réseaux de passeur, mais il faut surtout imaginer un accueil dans cette Europe qui ne veut pas de ces exilés. Et revoir les règlementations qui empêchent ces exilés de demander l’asile dans le pays où ils veulent. L’accueil qui est fait en France pousse de plus en plus de personnes vers la frontière anglaise. N’oublions pas que, à l’époque de la jungle de Calais, quand on a proposé à ces 10 000 personnes de pouvoir faire l’asile, 7 000 personnes sont montées dans les bus. Sans passeur, il y aurait moins de drames dans la Manche, mais s’il y avait des routes sûres, il n’y aurait pas de passeur. C’est bien sûr aussi nos politiques qui créent tout cela. Faisons en sorte que ces populations puissent avoir des routes sûres et nous arrêterons ce trafic humain. Nos réglementations créent les trafics humains donc il faut se battre contre les réseaux de passeurs mais d’abord, changeons les règlements, et faisons en sorte que ces populations, qui ne représentent que 0,01% de la population européenne, puissent demander l’asile et qu’ils soient réellement accueilli sur nos territoires.

Vous demandez donc une répartition des migrants entre les pays européens et une ouverture de routes migratoires vers la Grande-Bretagne.

C’est cela que nous demandons, et aussi la possibilité d’avoir l’asile. On peut imaginer que la plupart de ces exilés qui sont sur le territoire calaisien et en France sont des gens qui fuient la guerre et la misère. Donc les pousser et les entremêler dans des règlements administratifs qui durent des années, c’est cela qui crée l’envie d’aller vers l’Angleterre. Nous dénonçons ce que nous appelons les accords du Fouquet’s [les accords du Touquet de 2003], parce que c’est une honte. Faisons du regroupement familial, donnons à tous ces mineurs qui veulent rejoindre leur famille la possibilité d’aller en Angleterre. La France ne doit pas être hypocrite et se cacher derrière les passeurs. La France créée cette violence. Nous étudions en ce moment la responsabilité de la France dans la non-assistance à personne à danger, de façon à ce que les responsables soient traînés en justice. Parce que tout cela aurait pu être évité.

Est-ce un problème que les Britanniques ne soient pas présents à la réunion européenne, ne font-ils pas aussi partie de la solution ?

Depuis des années avec la montée des nationalismes dans cette Angleterre et dans cette Europe, la solution ne vient pas des Anglais. C'est toujours encore plus de violences, plus de réglementations qui font que ces gens ne peuvent pas créer de futur. Donc que les Anglais ne soient pas autour de la table, ce n'est pas étonnant au vu de ce qu'ils proposent. Ce que nous craignons, c'est que Frontex, qui est aussi dans le viseur d'une commission internationale pour crimes contre l’humanité, soit encore dans une sorte de répression et de sur-sécurisation d'une Europe qui se fait forteresse. Ce n’est pas cette route là qu'il faut prendre, il faut pouvoir imaginer qu’il y a une autre route à prendre et c'est la route de l'humanité. Donc, soyons humains et prenons cette part de la misère humaine. N'oublions pas que c'est souvent des gens qui viennent de nos anciennes colonies donc prenons notre part de responsabilité.

Il semble y avoir désormais une forme d’habitude face à ces drames. Avez-vous parfois le sentiment d’agir dans l’indifférence ?

A force de répéter que nous sommes envahis et que le grand remplacement est en marche, cette idée s'impose dans les esprits. C'est tout simplement à vomir. N'oublions pas que derrière tous ces soi-disant flux migratoires, il y a des femmes, des bébés, des enfants qui ne rêvent simplement que de pouvoir imaginer un futur. C'est aussi cette migration qui a créé le monde. Il est important aujourd'hui de pouvoir ouvrir des nouvelles voies de négociation sur l'humanité et de réfléchir à ce que devrait être l'Europe avec ses valeurs car aujourd'hui, nous sommes en train de perdre toutes nos valeurs. Revenons à quelque chose de raisonné, répartissons ces exilés et offrons leur un futur qui est aussi le nôtre.

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