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Calais : la polémique sur les mesures d'aide aux migrants en six actes

La justice a de nouveau demandé, lundi, au préfet du Pas-de-Calais et à la maire de Calais de mettre à disposition des points d'eau pour les migrants. Ce que refuse cette dernière.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Un migrant marche sur un tas d'ordures, près de Calais, le 21 juin 2017. (DENIS CHARLET / AFP)

Les autorités craignent le retour de la "jungle" de Calais. Lundi, le Conseil d'Etat a confirmé la décision du tribunal administratif de Lille d'organiser l'accès à l'eau pour les quelques centaines de migrants de retour à Calais. Au grand dam de la maire de la ville, Natacha Bouchart (LR), qui a annoncé qu'elle ne se plierait pas aux demandes de la Justice. Franceinfo fait le point.

Acte 1 : des associations et des migrants saisissent le tribunal administratif de Lille

Après le démantèlement de la "jungle" en octobre 2016, un campement abritant plus de 6 000 personnes, et l'incendie du campement voisin de Grande-Synthe en avril, 400 et 700 migrants sont à nouveau dénombrés à Calais, selon des estimations des associations et du rapporteur public au Conseil d'Etat.

A la mi-juin 2017, 11 associations et une cinquantaine de migrants déposent un recours devant le tribunal administratif de Lille pour "enjoindre les autorités de respecter les libertés et droits fondamentaux". Inquiets, ils demandent la création d'un centre d'accueil d'urgence, dans lequel l'accès à des points d'eau et à des distributions de repas serait assuré.

A l'absence totale de prise en charge sanitaire et sociale s'ajoutent une pression et un harcèlement policier constants.

les onze associations,

dans un communiqué

Acte 2 : la justice demande aux autorités de créer des points d'eau

Dans une ordonnance datée du 26 juin, le tribunal administratif de Lille rejette l'idée d'un nouveau centre d'accueil d'urgence. Mais ordonne au préfet du Pas-de-Calais et à la commune de Calais la création de "plusieurs dispositifs d’accès à l’eau permettant aux migrants de boire, de se laver et de laver leurs vêtements, ainsi que des latrines", et l'organisation d'un "dispositif adapté d’accès à des douches".

Le tribunal enjoint également au préfet d'organiser, à destination des migrants qui le souhaitent, des départs depuis la commune de Calais vers les centres d'accueil et d'orientation ouverts sur le territoire français, dans lesquels des places sont disponibles.

Acte 3 : le ministère de l'Intérieur et Calais font appel de cette décision

Après la décision du tribunal administratif, le ministère de l'Intérieur, Gérard Collomb, et la ville de Calais annoncent faire appel. Ils redoutent la réinstallation de campements sauvages, à l'image de la "jungle".

"La commune a tout essayé : centres ouverts, campements, bâtiments modulables, lieux de distribution de repas, mais rien n'a fonctionné", avait plaidé l'avocat de Calais lors de l'audience, en priant les juges d'épargner à la ville "la situation d'épouvante qu'elle a déjà subie".

Acte 4 : la justice valide une deuxième fois les mesures d'aide aux migrants

Lundi 31 juillet, le Conseil d'Etat valide les mesures d'aide aux migrants demandées par le tribunal administratif de Lille, et ordonne à son tour l'installation de points d'eau sous quarante-huit heures. Ce dernier juge que "les conditions de vie des migrants révèlent une carence des autorités publiques", qui est "de nature à exposer les personnes concernées à des traitements inhumains ou dégradants". Le Conseil d'Etat reconnaît ainsi que certains migrants souffrent "de pathologies telles que la gale ou des impétigos, de divers troubles liés à une mauvaise hygiène ou encore de plaies infectées ainsi que de graves souffrances psychiques résultant de cette situation".

Il était difficilement pensable qu'on puisse empêcher la mise en place de points d'eau pour des centaines d'hommes, de femmes et d'enfants.

Didier Degrémont, président départemental du Secours catholique

à l'AFP

"On va proposer à l'Etat, au préfet et à la ville de dialoguer sur la façon d'installer ces points d'eau et ces douches. On est dans une démarche de travail en commun. Ce n'est pas parce qu'on ouvre un point d'eau que demain il y aura un camp", insiste le responsable associatif.

Acte 5 : Gérard Collomb annonce la mise en place de points d'eau, parmi d'autres mesures

Lundi, le ministre de l'Intérieur annonce, sans plus de précision, l'installation d'une solution "mobile" d'accès à l'eau à Calais pour que les migrants puissent boire, se laver et laver leurs vêtements. Il précise qu'il faut "éviter la formation de points de fixation" des migrants.

Après les accusations de violences policières à l'encontre des migrants, le ministre de l'Intérieur a également demandé un rapport sur l'activité des forces de l'ordre à Calais. 

Gérard Collomb promet enfin l'ouverture, "dans les jours qui viennent", de deux nouvelles structures d'accueil pérennes hors de Calais, à Bailleul (Nord) et Troisvaux (Pas-de-Calais). En tout, 300 places d'hébergement seront proposées. 

Pour le Secours catholique, "il s'agit d'un premier pas important". "Mais il ne faut pas se contenter de créer ces centres et d'y bloquer 300 personnes, sans qu'elles en voient l'issue, a ajouté Didier Degrémon. Il faut qu'il y ait une gestion efficace de ce dispositif et qu'une fois accueillis et mis en sécurité, ils puissent être réorientés vers d'autres CAO, où il doit y avoir le nombre de places nécessaires pour les reloger en vue de leur demande d'asile."

Acte 6 : la maire de Calais annonce qu'elle ne mettra pas en place de points d'eau

La maire (LR) de Calais, Natacha Bouchart, annonce dans la foulée qu'elle ne "donnera pas suite aux injonctions" qui ont été faites à sa ville de mettre en place des points d'eau.

"Depuis 2008, tout a été essayé pour tenter d’apporter une solution humanitaire aux migrants présents dans le Calaisis. A chaque fois, la mise en place de points de fixation a eu pour conséquence un afflux croissant de migrants vers Calais", argumente Natacha Bouchart dans un communiqué.

Sans "mésestimer la situation d’extrême précarité des migrants", l'élue refuse de mettre en place "des installations qui réuniraient à nouveau les conditions de création de campements, de bidonvilles et de points de fixation". Elle demande à l'Etat d'"assumer cette responsabilité régalienne d’acheminer les migrants vers les centres d'accueil et d'orientation éloignés du Calaisis afin d’examiner leur situation".

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