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À Grande-Synthe, les associations dénoncent "un matraquage psychologique" pour chasser les migrants

Les campements de fortune des exilés sont quotidiennement anéantis. Chassés des centres-villes, ils se terrent en attendant de pouvoir rejoindre l'Angleterre. Aux conditions de vie misérables s'ajoutent ces démantèlements dénoncés par les associations.

Article rédigé par franceinfo - Farida Nouar
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Une tente au milieu des détritus dans le bois de Puythouck à Grande Synthe, dans la périphérie de Dunkerque (Nord), le 9 mars 2021. (FARIDA NOUAR / RADIO FRANCE)

En s'enfonçant dans le bois de Puythouck à Grande-Synthe, dans la périphérie de Dunkerque (Nord), des hommes surgissent, errant au milieu des arbres. Il y a trois jours, leur campement a une nouvelle fois été démantelé. Chaque semaine, les migrants installés ici subissent jusqu'à cinq démantèlements violents. C'est "un matraquage psychologique pour essayer de les faire partir", dénonce Arnaud, coordinateur de l'association Utopia 56. "Chaque semaine, entre 200 et 300 tentes sont détruites, lacérées au couteau, à la hache et aux scies de temps en temps, explique-t-il. Entre 200 et 500 couvertures sont détruites chaque semaine."

Un cycle infernal. Ces exilés se réinstallent en effet après chaque destruction pour ne pas rater le passeur car il peut les prévenir le matin pour un départ le soir même. Entre 150 et 200 personnes, des hommes kurdes principalement d'Irak et d'Iran, vivent ici au milieu des détritus, du froid et au son des tronçonneuses. "C'est le déboisement, affirme Arnaud. D'après la marie, c'est uniquement un éclaircissement de la forêt mais c'est clairement couper les arbres pour pousser les gens à partir." Quand à l'unique point d'eau installé par la mairie, il est "complètement rouillé", dénonce-t-il. "On dirait un vieil abreuvoir pour des vaches des années 70, sachant qu'on est en pandémie du Covid, c'est horrible."

Un seul point d'eau sommaire avec seulement quatre robinets que se partagent plus d’une centaine de migrants. (FARIDA NOUAR / RADIO FRANCE)

Des conditions de vie misérables

Ahmadj, 35 ans, se réchauffe près d'un feu. Menacé, il a fui l'Iran après s'être converti au christianisme. Cela fait cinq mois qu'il est ici. "Il faut que je parte en Angleterre, ma vie ici est trop dure, tout est difficile, confie-t-il. Si l'occasion se présente, on part dès ce soir, ou dans une semaine ou dans un mois." Il explique que "la police est là tout le temps" et vient "couper nos tentes avec des couteaux", mais c'est une entreprise privée mandatée qui se charge des destructions.

"J'aimerais vivre dans mon pays en Iran auprès de ma famille mais j'ai dû partir et c'est malheureux."

Ahmadj

à franceinfo

Les associations distribuent de nouvelles tentes à chaque démantèlement. Ahmadj nous montre la sienne. "Les nuits sont très froides, j'ai beaucoup de couvertures mais j'ai quand même très froid et je ne dors pas, explique-t-il. On a le feu qui nous réchauffe mais ce n'est pas sain" car la fumée brûle les yeux. Des couvertures boueuses, des habits déchirés récupérés après les destructions servent de combustibles. Et dans ces tas qu'ils jettent au feu ils ne voient pas ces petits aérosols de mousse à raser ou de déodorants qui leur explosent au visage, leur provoquant des brûlures. Ahmadj et tous ces exilés rêvent de quitter ce bois hostile et de prendre la mer. L'Eldorado pour eux se trouvent de l'autre côté, en Angleterre.

Les démantèlements des camps de migrants deviennent quotidiens à Grande-Synthe - Reportage de Farida Nouar

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