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François Hollande élu président de la République avec 51,62% des voix

Selon des résultats définitifs (hors Français de l'étranger), le candidat socialiste remporte nettement le second tour. Nicolas Sarkozy recueille 48,38% des voix. La gauche revient à l'Elysée, dix-sept ans après le départ de François Mitterrand. 

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Le candidat socialiste François Hollande en meeting à Toulouse (Haute-Garonne), le 3 mai 2012. (FREDERIC LANCELOT / SIPA)

Il revient de si loin. En remportant l'élection présidentielle avec 51,62% des voix, selon des résultats définitifs (hors Français de l'étranger), François Hollande a réalisé le pari fou qu'il s'était fixé voilà plus d'un an. Devenir le second président socialiste de la Ve République, trente et un ans après l'accession au pouvoir de François Mitterrand, son modèle. Comme le 10 mai 1981, ce 6 mai 2012 restera un jour historique pour la gauche, après trois élections présidentielles perdues. Il l'est tout autant pour François Hollande, en qui personne ne croyait il y a encore dix-huit mois. 

Le 31 mars 2011, depuis sa ville de Tulle, le député, fraîchement reconduit à la tête du conseil général de la Corrèze, annonce sa candidature à la primaire socialiste. A l'époque, ses chances de représenter la gauche dans la course à l'Elysée paraissent minimes. C'est que François Hollande reste, aux yeux de beaucoup, l'homme du consensus mou, des synthèses bancales arrachées pendant ses onze années – 1997-2008, un record – passées à la tête du Parti socialiste. Bref, un homme d'appareil relativement peu connu du grand public.

Hollande va faire de cette image d'anti-star un atout. Il sait que le rejet de Nicolas Sarkozy dans l'opinion tient pour beaucoup au style bling-bling de son début de quinquennat. Depuis le début, il se dépeint donc comme un "candidat normal". Mais la France de gauche, qui doit se rendre aux urnes à l'automne pour désigner son champion, fera-t-elle confiance à ce personnage secret qui n'a jamais occupé la moindre place au gouvernement ? Lui et ses proches n'en doutent à aucun instant, malgré les sourires entendus de rivaux qui le sous-estiment.

Face à Strauss-Kahn et Aubry, il croit en ses chances

L'archi-favori s'appelle alors Dominique Strauss-Kahn. Fin 2010, François Hollande n'est crédité que de 7% dans les sondages sur la primaire, quatrième derrière DSK, Martine Aubry et Ségolène Royal. Lentement mais sûrement, il progresse. En janvier, il bondit à 13%, talonnant la candidate de 2007 à la présidentielle.

Lorsqu'il décide de se lancer, plusieurs mois après Arnaud Montebourg et Ségolène Royal, mais avant tous les autres, sa déclaration laisse ses camarades socialistes circonspects. Nombre de ténors imaginaient une "primaire de confirmation", sans suspense, qui n'aurait eu d'autre but que de donner au directeur général du FMI une légitimité citoyenne. Au PS, on a peur que la petite musique de François Hollande, qui ignore superbement le pacte de désistement réciproque conclu entre Dominique Strauss-Kahn et Martine Aubry, ne vienne perturber l'unité des troupes. Mais de là à le voir gagner...

Et "Flanby" devint le favori

Les semaines passent et l'ancien premier secrétaire du PS continue à mener son bonhomme de chemin, tandis que ses adversaires guettent le meilleur moment pour se déclarer. Peu à peu, il gagne en crédibilité. Dans les sondages, sa cote progresse en même temps que celle de DSK s'érode. En avril, pour la première fois, il est donné devant Martine Aubry. Et en interne, ses ennemis commencent à s'inquiéter. "Franchement, vous imaginez Hollande président de la République ? On rêve !" s'agace Laurent Fabius, qui l'avait par le passé affublé du sobriquet de "fraise des bois".

Sur la bonne pente, François Hollande profite évidemment d'un coup du sort inespéré, lorsque la carrière politique de Dominique Strauss-Kahn est stoppée net, le 14 mai, à l'hôtel Sofitel de New York. L'affaire et ses imprévisibles conséquences plongent le PS dans la tourmente pour quelque temps. Pas Hollande. Libre de tout pacte, de tout arrangement négocié, il tire bénéfice de la situation presque naturellement. Politiquement, le Corrézien occupe le même créneau idéologique, social-démocrate, que le patron du FMI. Mais le "candidat normal" présente aussi l'avantage d'incarner tout le contraire des excès qui ont provoqué la chute de DSK. Celui que les Guignols parodiaient en "Flanby" est devenu le favori pour s'installer à l'Elysée.

L'état de grâce

La suite est presque écrite à l'avance. Sans surprise, le 16 octobre, François Hollande remporte la primaire socialiste face à une Martine Aubry parfois assassine mais dont la détermination n'a jamais été flagrante. "Gauche molle", "candidat du système", "quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup"... les petites phrases de la primaire laissent des traces. Mais Hollande veut gagner. Les socialistes, qui n'ont pas remporté une élection nationale depuis 1997, aussi. De gré ou de force, chaque camp est bien obligé de ravaler ses rancœurs, de jouer collectif. De tout faire pour ne pas rééditer le fiasco de 2007, avec une candidate socialiste en total décalage avec son parti.

Dès le 16 octobre, Martine Aubry et François Hollande apparaissent main dans la main sur le perron de Solférino, le siège du Parti socialiste, en compagnie des autres candidats et devant des militants comblés. Hollande officiellement investi, il jouit d'un véritable état de grâce. Les sondages lui prédisent jusqu'à 39% d'intentions de vote au premier tour de la présidentielle, jusqu'à 62% au second tour face à Nicolas Sarkozy.

La route est encore longue et semée d'embûches. Seule obsession : éviter le faux pas, l'erreur, la faute, qui pourrait instantanément ruiner ce capital somme toute théorique. D'autant que dans le camp adverse, Nicolas Sarkozy, occupé à résoudre la crise à coups de sommets européens, semble vouloir entrer en campagne le plus tard possible. Durant cette interminable période, François Hollande doit gérer le temps qui passe sans perdre trop de plumes. En attendant la présentation de son programme, fin janvier, la droite s'amuse à brocarder l'accord électoral PS-EELV, à traquer les contradictions, imprécisions, revirements et hésitations du camp Hollande sur de multiples sujets comme le quotient familial, la réforme fiscale, la retraite à 60 ans...

Sa stratégie : éviter le faux pas

Le 22 janvier au Bourget, François Hollande réussit, de l'avis quasi unanime des observateurs, son premier grand meeting de campagne. "Mon véritable adversaire, c'est le monde de la finance", lance-t-il dans une mise en scène bien rodée. Un slogan de nature à plaire sur sa gauche, et au-delà. Quatre jours plus tard, il dévoile ses "60 engagements pour la France". Du côté de Nicolas Sarkozy, on se réjouit discrètement de la stratégie choisie : en présentant ses propositions en un seul bloc, le candidat socialiste aurait grillé toutes ses cartouches pour la suite. Contrairement au président sortant, qui s'emploie, dès son entrée en campagne le 15 février, à égrener ses idées semaine après semaine pour apparaître toujours en mouvement.

De fait, malgré un système médiatique avide de nouveauté et d'annonces chocs, François Hollande s'en tient strictement à ses "60 engagements". Exception notable : son idée de taxer à 75% les très hauts revenus, dévoilée en direct sur TF1 le 27 février, sans prévenir ses plus proches collaborateurs. Pour le reste, François Hollande préfère insister sur sa "constance", la "cohérence de son projet". "Je n'ai pas besoin de changer", répète-t-il à l'envi pour mieux se démarquer d'un "candidat sortant" qui avait fait de sa métamorphose un argument de campagne en 2007.

A mesure que l'échéance approche, les socialistes sentent la victoire à portée de main, renforçant ainsi l'union sacrée autour du candidat. Le 2 mai, le débat d'entre-deux-tours donne du baume au cœur des troupes. Nicolas Sarkozy, qui aurait promis "d'exploser" François Hollande, ne parvient pas à s'imposer dans cette confrontation.

En prévision d'une victoire promise depuis de longs mois, certains commencent à imaginer leur futur portefeuille ministériel. Mais François Hollande les recadre sèchement. Jusqu'au dernier jour, il fait durer le suspense. "Personne ne sait, sauf moi, ce qui va arriver lundi si les Français me choisissent", affirme-t-il le 4 mai, histoire de mobiliser tout le monde jusqu'à la dernière seconde.

Jusqu'au bout, le candidat socialiste, marqué par la surprise du 21 avril 2002 que personne n'avait vu venir, n'aura eu de cesse d'appeler les électeurs à se rendre massivement aux urnes, motivé par des sondages qui témoignent d'un resserrement dans la dernière semaine. L'élection de François Hollande, donné vainqueur par toutes les enquêtes sans exception, est loin d'être une surprise. Mais pour lui, le plus dur commence. La défaite de son adversaire est là pour le lui rappeler.

 

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