De Bercy à Toulouse, Hollande et Sarkozy sonnent la mobilisation générale
Deux meetings pour convaincre les indécis, pour galvaniser les troupes. Dimanche, le candidat PS, à Paris-Bercy, et celui de l'UMP, à Toulouse, ont poursuivi leur campagne tambour battant. Reportage.
Deux meetings pour convaincre les indécis, deux meetings pour sonner la mobilisation générale. François Hollande, au Palais omnisports de Paris-Bercy, et Nicolas Sarkozy, à Toulouse, ont poursuivi leur campagne tambour battant, dimanche 29 avril.
A sept jours du second tour, les deux finalistes de l'élection présidentielle ne lâchent rien. Avec chacun un objectif et une méthode. Reportage.
• A Bercy, Hollande découvre le parfum de la ferveur
Et si ce meeting était la pièce manquante d'une campagne sans faux pas mais sans aspérité ? Jusqu'à présent, rassemblement et déplacements de François Hollande ne déchaînaient ni engouement ni ferveur. Après Bercy, on ne pourra plus tout à fait le penser.
"On espère que la salle sera pleine, qu'il galvanisera les troupes et qu'il nous donnera chaud au cœur", confiaient en arrivant à Bercy Catherine et Jean-Louis, deux militants socialistes des Hauts-de-Seine. Rééditer le moment d'osmose qui avait uni Ségolène Royal à ses supporters, il y a cinq ans, presque jour pour jour, au stade Charléty ? "J'y étais en 2007, se rappelle Isabelle. C'était génial, il y avait beaucoup d'émotion… Mais c'était aussi parce qu'on savait que c'était fini, qu'on avait perdu. Cette année, on est plus sereins", sourit cette militante de 34 ans.
Le meeting de Bercy n'avait pas d'autre but que d'insuffler un peu de folie dans cette longue et éprouvante campagne. Tout a été fait pour chauffer à blanc les 22 000 personnes (selon les chiffres du PS) massées dans un Palais omnisports plein à craquer.
"Je veux être l'affirmation d'un espoir, d'un projet, d'une volonté"
Pendant deux heures, en attendant le candidat, la députée de Moselle Aurélie Filippetti et la porte-parole Najat Vallaud-Belkacem du PS font monter la sauce dans une mise en scène bien huilée. Entre deux interventions, les artistes se succèdent : les Neg'Marrons et leur chanson Le bilan, Sanseverino, qui fait huer Nicolas Sarkozy, et la chanteuse Yael Naim, juive d'origine tunisienne, qui séduit un public balayé par les éclairages multicolores. Le tout sous les yeux de la famille socialiste au grand complet, épaulée des alliés de l'entre-deux-tours, et d'une floppée de people.
Quand François Hollande fend enfin la foule, accueilli par une haie d'honneur, un immense drapeau tricolore se déploie de part en part de la salle. Le public exulte. Sur la scène, qui s'enfonce au milieu des spectateurs, François Hollande ne livre pas un discours programme, contrairement à son meeting de référence, fin janvier au Bourget. Il préfère en appeler à la mobilisation, tenter de susciter l'enthousiasme. "Je ne veux pas seulement être le candidat d'un rejet, je veux être aussi l'affirmation d'un espoir, d'un projet, d'une volonté."
Le favori des sondages alterne les piques contre le "candidat sortant", tourné en dérision, systématiquement hué, et les appels à garder la tête froide, à ne pas se laisser griser par "la facilité des pronostics" ou "la douceur suave des sondages".
Les attaques sont affûtées mais le discours ne se transforme toutefois pas en réquisitoire contre Nicolas Sarkozy. François Hollande insiste sur la "dignité" qui manque tant, selon lui, à la campagne de son rival. "La victoire, je la veux mais pas à n'importe quel prix. Pas celui de la caricature, du mensonge", lance-t-il, après avoir évoqué les polémiques lancées ces derniers jours par l'UMP. Cependant, il s'abstient de faire référence au retour médiatique de DSK et aux différentes affaires visant le chef de l'Etat. Durant cette campagne, dit-il un peu plus tard, "j'ai refusé de flatter les sentiments médiocres et les surenchères".
Dans la salle, Jean-Sébastien, 39 ans, venu en curieux, se satisfait de cette posture. "On a besoin d'un président sérieux, pas d'un showman, insiste-t-il tout en avouant appréhender le débat télévisé de mercredi. Car Sarkozy est très doué pour enchaîner les mensonges avec beaucoup d'aplomb !"
Après une heure de discours, le public reprend La Marseillaise à tue-tête. Puis François Hollande surprend son monde en revenant à son pupitre pour dix bonnes minutes de bonus. Avec une ultime supplique : "Nous devons nous battre comme si nous étions en retard, alors que nous sommes en avance. Faites votre devoir, accompagnez-moi jusqu'au bout !"
• Depuis Toulouse, Sarkozy se déploie aux six coins de l'Hexagone
Nicolas Sarkozy a besoin de toutes les voix et ça se voit. Plutôt qu'un meeting massif façon place de la Concorde il y a deux semaines, le président candidat s'est démultiplié. Lui s'est exprimé devant 12 000 personnes (selon les chiffres de l'UMP) à Toulouse mais son discours a été retransmis simultanément sur grand écran dans six autres villes de France. Opération "sept meetings pour sept jours avant l'élection". A chaque ville son ténor de la majorité pour chauffer la salle : Jean-François Copé à Marcq-en-Barœul (Nord), Bruno Le Maire à Rennes (Ille-et-Vilaine), François Fillon à Woippy (Moselle), Alain Juppé à Lyon (Rhône), Xavier Bertrand à Olivet (Loiret) et Nadine Morano à Limoges (haute-Vienne).
Arrivée bien en retard, la ministre de l'Apprentissage s'applique à motiver les quelques 200 militants et sympathisants UMP réunis pavillon Buxerolles, à dix minutes du centre de la capitale du Limousin. Elle alterne. Une proposition de Sarkozy, une longue digression sur le socialiste. Et de fustiger François Hollande, arrivé en tête à Limoges avec 38% des voix au premier tour, contre 20% pour Nicolas Sarkozy : "S'il est si bon, pourquoi n'a-t-il jamais été ministre ? Il est élu ? Oui, en Corrèze, le département le plus endetté de France ! (...) C'est un candidat intra-muros, il n'a jamais voyagé !" Avant d'être coupée dans son élan par l'apparition de Nicolas Sarkozy à l'écran placé derrière l'estrade.
Le public, très majoritairement composé de personnes âgées, et jusque-là timide, s'électrise. Les premiers mots du candidat ("Vous êtes ininfluençables, inépuisables, peuple de France !") sont salués par des cris, des applaudissements, une "standing ovation" à l'unisson avec Toulouse. Mais l'ambiance retombe doucement dans le grand hangar.
"Ils ont confondu l'amour de sa patrie et la haine des autres"
Toulouse siffle et hue ? On entend un petit "ouuuh". Toulouse crie "Nicolas ! Nicolas !" ? Limoges applaudit mais ne se lève même plus. "Ils n'ont rien compris et confondu l'amour de sa partie, qui est un sentiment noble, et la haine des autres, qui est un sentiment détestable", tonne le président candidat à 300 kilomètres de là. A Limoges, on ne décroche plus que quelques hochements de tête concentrés.
Nadine Morano, au premier rang, ne quitte pas l'écran des yeux, bras croisés sous la poitrine. "En 2007, la grande question, c'était le travail. En 2012, l'enjeu majeur, c'est les frontières !", s'époumone Nicolas Sarkozy. Personne ne moufte même si après coup, Sophie, 46 ans, et sa mère Palmyre, 69 ans, ont trouvé ça "très bien, ce thème de la frontière. Mais dans tous les sens : moral, géographique, culturel".
La salle se ranime en fin de discours, quand Nicolas Sarkozy se moque "des staliniens du XXIe siècle qui n'ont plus que les défauts". Et se lève comme un seul homme quand le candidat évoque "la France de l'intérêt général". Fortement encouragée par la dizaine de Jeunes pop', reconnaissables à leurs tee-shirts blancs, l'assemblée scande "on va gagner !" avant d'enchaîner sur La Marseillaise, de nouveau parfaitement raccord avec Toulouse.
A peine quelques secondes de battement. Nadine Morano remonte sur l'estrade pour "la troisième mi-temps". Durant une demi-heure, elle enchaîne, revisite le slogan des socialistes ("le reniement, c'est maintenant"), tape sur leur vision du travail ("on crée des emplois publics, on crée des fonctionnaires"), et appelle chacun à la mobilisation la plus totale : "Prenez vos téléphones, servez-vous de votre carnet d'adresses, ça va être très très très serré et si on perd dimanche, vous aurez toujours ce petit remords", prédit la ministre, qui copie la méthode stand-up de son candidat.
La salle mi-amusée, mi-fatiguée applaudit. C'est l'heure du "pot de l'amitié". Thomas, un jeune centriste venu pour se faire une idée pour le second tour est assez convaincu et "sent que la balance penche du côté de Nicolas Sarkozy". Il pose même pour la photo avec l'inépuisable Nadine Morano, qui le conseille : "On dit pas ouistiti, on dit Sarkozyyyiiii".
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