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Jean Germain, le socialiste pragmatique qui avait conquis Tours

Le sénateur PS s'est vraisemblablement suicidé au premier jour du procès des "mariages chinois", une affaire dans laquelle il était mis en examen.

Article rédigé par franceinfo
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Jean Germain, alors maire socialiste de Tours (Indre-et-Loire), peu avant les élections municipales de 2008, dans son bureau, le 8 février 2008. (ALAIN JOCARD / AFP)

Il était âgé de 67 ans et considéré comme un proche de François Hollande. L'ex-maire de Tours et sénateur socialiste Jean Germain a été retrouvé mort, près de son domicile de Tours (Indre-et-Loire), au premier jour de l'ouverture du procès des "mariages chinois" dans lequel il devait comparaître. Selon les premiers éléments, il s'agirait d'un suicide. Retour sur la vie de cet homme politique qui a marqué l'histoire de la ville de Tours.

Un universitaire, grand admirateur de Mitterrand 

Né le 11 septembre 1947 à Tours, Jean Germain, fils d'un pâtissier et d'une préparatrice en pharmacie, fait des études de droit public au sein de l'université locale. Il obtient un doctorat, devient enseignant de la faculté de droit et même président de l'université François-Rabelais de Tours entre 1988 et 1993, année où est nommé inspecteur général de l'Education nationale.

Père de famille de deux enfants, Jean Germain partageait son amour des livres avec son modèle en politique, l'ancien président François Mitterrand. Il adhère d'ailleurs au club fondé par ce dernier (la Convention des institutions républicaines) avant le congrès d'Epinay en 1971 qui donnera naissance au Parti socialiste. Il devient alors membre du PS et secrétaire national jusqu'en 1995.

"François Mitterrand est, du point de vue de l'intelligence politique, certainement l'un des meilleurs", lâche-t-il au Point, en 2007. Jean Germain se dit aussi marqué par le catholicisme social comme la franc-maçonnerie : "Leurs valeurs m'ont ouvert l'esprit. Et je m'en suis toujours tenu à ces enseignements : il faut avoir des convictions, mais rester ouvert aux autres".

L'homme qui a fait basculer Tours

Il se présente devant les électeurs en 1995 à l'occasion des élections municipales. Il parvient alors à convertir sa ville de Tours à la gauche après trente-six ans de règne de la droite, en évinçant l'ancien ministre Jean Royer. Connu pour sa gestion "consensuelle" de sa ville, il revendique son pragmatisme. "Je suis un social-démocrate assumé, pas un révolutionnaire !", lâche-t-il au Point, en 2007. Ainsi, pour diriger sa ville, il n'hésite pas à s'entourer de patrons d'entreprises, comme le notait L'Express en 2008.

"Il s'était engagé sans compter pour Tours"confie à francetv info le député socialiste d'Indre-et-Loire Jean-Patrick Gille, qui fut son premier adjoint pendant douze ans. Le Premier ministre Manuel Valls évoque aussi un "élu extraordinaire" qui a "changé en profondeur" sa ville.

Jean Germain est également élu vice-président du conseil régional de la région Centre en 1998. Il quitte ce poste en 2011 lorsqu'il est élu sénateur. Au niveau national, après avoir soutenu Ségolène Royal lors de l'élection présidentielle de 2007, Jean Germain s'engage cinq ans plus tard au côté de François Hollande, dont il devient le conseiller pour les questions d'éducation.

De l'échec électoral au tribunal

Jean Germain est apprécié de ses administrés et parvient à se faire réélire en 2001 et en 2008. Mais en 2014, alors qu'il brigue un quatrième mandat municipal, il échoue et doit céder sa place à l'UMP Serge Babary, son ancien camarade de collège et de lycée, devenu son principal adversaire politique. Il n'est pas parvenu à nouer une alliance de premier tour avec les écologistes, ce qui a joué en sa défaveur.

Fréquemment pointé du doigt pour sa pratique du cumul des mandats, la Cour des comptes lui reproche dans un rapport de 2011 d'avoir occupé un emploi public quasi-fictif (son poste d'inspecteur général) pendant dix-huit ans. L'ancien professeur dément et se dit choqué et blessé par ces allégations.

Le 30 octobre 2013, Jean Germain est mis en examen pour "complicité de prise illégale d'intérêts et de détournement de fonds publics" dans le dossier dit "des mariages chinois". Cette affaire tire son origine dans l'organisation, entre 2007 et 2011, de "Noces romantiques en Touraine". Celles-ci, spécialement conçues pour des couples chinois, comprenaient des visites de châteaux de la Loire, ainsi que de la ville de Tours, dont le maire, ceint de son écharpe tricolore, posait pour la photo lors de simulacres de mariages.

L'élu se révèle très marqué par ces accusations. "Soyez sûrs que je n'ai jamais détourné un centime, que je ne me suis pas enrichi, que j'ai toujours œuvré pour ce que je pensais être le bonheur des Tourangeaux", explique-t-il dans une lettre d'adieu laissée dans sa voiture le 7 avril 2015. "Jean Germain est mort, c'est un martyr de la République. Dans cette affaire, il a été jeté aux chiens", a déclaré son avocat, Dominique Tricaud, après l'annonce de la mort de Jean Germain.

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