Cet article date de plus de deux ans.

Attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray : l'article à lire pour comprendre le procès qui s'ouvre aujourd'hui

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9 min
Le mémorial érigé en souvenir du père Jacques Hamel, assassiné le 26 juillet 2016 dans l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime), photographié le 26 juillet 2021. (JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP)

Le 26 juillet 2016, deux hommes ont assassiné le père Hamel dans l'église de cette ville de Seine-Maritime, dans la banlieue de Rouen. Ils ont été tués par les forces de l'ordre, mais quatre personnes soupçonnées d'avoir contribué au projet d'attentat sont renvoyées devant les assises, à partir de lundi à Paris.

Ils sont jugés près de six ans après l'assassinat du père Hamel dans son église, à Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime). Quatre hommes comparaissent devant la cour d'assises spéciale de Paris, à partir du lundi 14 février et jusqu'au vendredi 11 mars. Parmi eux, l'instigateur présumé de l'attaque, le propagandiste Rachid Kassim, jugé par défaut, et trois hommes de l'entourage des jihadistes. Les deux principaux assaillants ont été tués par les forces de l'ordre en sortant de l'église et ne seront donc pas jugés. Franceinfo rappelle les faits et revient sur les enjeux de ce procès.

Que s'est-il passé ?

Il est 9h25, ce 26 juillet 2016, lorsque le prêtre Jacques Hamel termine son office. Cinq personnes assistent à la messe : un couple de fidèles et trois religieuses. L'auditoire n'est pas nombreux car on est en semaine, un mardi. Quelques minutes plus tard, deux jeunes hommes, munis de couteaux et d'une arme de poing, pénètrent dans l'église, située au cœur de Saint-Etienne-du-Rouvray, une ville de 29 000 habitants près de Rouen (Seine-Maritime).

Ces deux assaillants de 19 ans séquestrent les personnes présentes. Ils agrippent le père Jacques Hamel, âgé de 85 ans, le forcent à s'agenouiller sur l'autel et obligent l'un des paroissiens à filmer la scène avec un téléphone portable. Puis ils les attaquent à coups de couteau, détruisent le mobilier et brisent des objets. Ils justifient leurs agissements par les bombardements de la coalition en Syrie. Une religieuse parvient à s'échapper et donne l'alerte. Les policiers sécurisent la zone et la brigade de recherche et d'intervention (BRI) encercle l'église.

A 10h35, les terroristes sortent, d'abord avec deux otages comme boucliers humains. Puis ils courent en direction des policiers. Ces derniers les neutralisent sur le parvis de l'église à 10h40. Ils constatent qu'ils portaient de fausses ceintures explosives et possédaient un pistolet inopérant. Le corps sans vie du père Hamel est découvert derrière l'autel. Le paroissien est grièvement blessé et les autres otages, sains et saufs. Quatre heures après la fin de l'attaque, la revendication du groupe Etat islamique tombe.

Qui étaient les deux terroristes ?

Le corps du premier assaillant est rapidement identifié : il s'agit d'Adel Kermiche. Sans emploi, suivi pour des troubles du comportement pendant son enfance et à l'adolescence, ce Franco-Algérien est déjà bien connu des services antiterroristes. L'attentat perpétré à Charlie Hebdo en janvier 2015 a, selon sa mère, agi comme un "détonateur" dans son processus de radicalisation. Peu après, il a essayé, par deux fois, de se rendre en Syrie pour rejoindre le groupe Etat islamique (EI). A chacune de ses tentatives, il est interpellé puis mis en examen. Au moment des faits, il est sous contrôle judiciaire, équipé d'un bracelet électronique. Il est assigné à résidence chez ses parents à Saint-Etienne-du-Rouvray, un domicile qu'il est autorisé à quitter entre 8h30 et 12h30 en semaine. C'est pendant ce créneau horaire qu'il commet l'attaque contre l'église et son prêtre.

L'identité du deuxième terroriste est plus difficile à établir. Mais les enquêteurs retrouvent une carte d'identité chez Adel Kermiche et obtiennent, grâce à des vérifications ADN, la confirmation qu'il s'agit d'Abdel-Malik Petitjean. Originaire d'Aix-les-Bains (Savoie), il est lui aussi âgé de 19 ans. Il est fiché par les services antiterroristes un mois avant l'attentat, pour avoir tenté de gagner la Syrie. Le 20 juillet 2016, il diffuse une vidéo dans laquelle il menace la France "d'une attaque dévastatrice". Le lendemain, il entre en contact avec Adel Kermiche sur la messagerie Telegram et le rejoint en Seine-Maritime pour préparer "la mise à exécution de leur plan d'action". Deux jours avant de passer à l'acte, ils enregistrent ensemble, au domicile d'Adel Kermiche, une vidéo d'allégeance à l'EI qui sera diffusée sur Telegram le lendemain de l'attaque.

Qui sont les individus jugés ?

Jean-Philippe Steven Jean-Louis. C'est lui qui a tenté d'atteindre la Syrie avec Abdel-Malik Petitjean un mois avant l'attentat. Les jeunes hommes se sont rencontrés sur les réseaux sociaux en 2015. Agé de 20 ans au moment des faits, issu d'une famille chrétienne, Jean-Philippe Steven Jean-Louis s'est converti à l'islam à l'adolescence. Il s'est montré "très actif dans la jihadosphère en relayant la propagande de l'Etat islamique", d'après les enquêteurs. Selon eux, il est à l'origine de plusieurs cagnottes, dont celle qui a servi à financer l'attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray.

Farid Khelil. Il s'agit du cousin d'Abdel-Malik Petitjean, de 11 ans son aîné et originaire de Nancy (Meurthe-et-Moselle). D'après les magistrats instructeurs, dès 2014 il éprouve de la "fascination" envers l'idéologie jihadiste. "La connaissance par Farid Khelil de la radicalisation d'Abdel-Malik Petitjean ne fait aucun doute", affirment-ils encore. D'autant plus que son cousin a séjourné à son domicile deux semaines avant l'attentat. Lui-même avait évoqué, au cours d'échanges avec Abdel-Malik Petitjean et Jean-Philippe Steven Jean-Louis, avec lesquels il envisageait de partir en Syrie, le "souhait de commettre une action violente en France", selon l'accusation.

Yassine Sebaihia. Ce jeune homme, âgé de 21 ans quand l'attentat est commis, a été arrêté le 8 août 2016 à son domicile près de Toulouse (Haute-Garonne). Il était, jusqu'alors, inconnu des services de police. Les enquêteurs se sont intéressés à lui car il a conversé avec Adel Kermiche et Abdel-Malik Petitjean sur la messagerie Telegram. Et, surtout, parce qu'il s'est rendu, deux jours avant l'attaque terroriste, à Saint-Etienne-du-Rouvray pour les rencontrer. Cependant, après avoir passé une nuit avec eux, il est rentré chez lui, "mal à l'aise et déçu". Etait-il au courant de l'attentat en préparation ? Comptait-il y participer avant de se rétracter ? Yassine Sebaihia affirme qu'il pensait former sur place "une colonie de vacances pour apprendre la religion" et qu'il n'a jamais été question de participer à une action violente.

Rachid Kassim. Figure médiatique du groupe Etat islamique, il apparaît comme l'instigateur de plusieurs attentats en France, dont celui de Magnanville en juin 2016 et de Saint-Etienne-du-Rouvray. Né le 24 janvier 1987 à Roanne (Loire), ce jihadiste est parti en Syrie en 2015 avec femme et enfant. D'abord combattant pour l'EI, il est devenu "propagandiste" après une blessure au genou. Il est accusé d'avoir dispensé des conseils sur les réseaux sociaux pour commettre des attentats en France. Ainsi, il a échangé à plusieurs reprises sur Telegram avec Abdel-Malik Petitjean et Adel Kermiche, les incitant à passer à l'acte. Il a également conversé avec les autres accusés. 

Sont-ils tous présents au procès ?

Trois accusés, mis en examen et placés en détention provisoire depuis l'été 2016, sont présents. En revanche, Rachid Kassim, présumé mort, est le grand absent. Le recruteur de jihadistes aurait été tué en Irak, par une frappe aérienne de la coalition contre le groupe Etat islamique, le 8 février 2017. Les autorités américaines ont confirmé son décès deux jours après, mais aucune preuve formelle n'a jamais été apportée. Il est donc jugé par défaut et visé par un mandat d'arrêt depuis le 3 août 2016.

Que reproche-t-on aux accusés ?

Rachid Kassim est poursuivi pour "complicité d'assassinat" et "tentative d'assassinat terroriste", en plus d'être jugé pour sa participation à une "association de malfaiteurs terroriste criminelle". Non seulement il est accusé d'avoir encouragé le passage à l'acte d'Abdel-Malik Petitjean et Adel Kermiche, mais aussi d'avoir diffusé leur vidéo d'allégeance. Il encourt la perpétuité.

Les trois autres, Jean-Philippe Steven Jean-Louis, Farid Khelil et Yassine Sebaihia, sont renvoyés leur participation à une "association de malfaiteurs terroriste criminelle". Au terme de quatre années d'instruction, les magistrats estiment qu'ils savaient qu'Adel Kermiche et Abdel-Malik Petitjean élaboraient une action violente, même s'ils n'ont pas établi qu'ils avaient participé à la préparation de l'attentat. Ils rappellent que "la connaissance précise du projet n'est pas exigée pour caractériser l'infraction", qu'il "suffit" simplement "d'avoir conscience" de son "existence" et qu'il est "possible d'en ignorer les finalités exactes". Ils risquent une peine allant jusqu'à trente ans de réclusion criminelle.

Comment se défendent-ils ?

Tout au long de l'instruction, les trois accusés présents ont réfuté les faits qui leur sont reprochés. Pour Bérenger Tourné, l'avocat de Jean-Philippe Steven Jean-Louis, les trois hommes ne sont que des "lampistes'" "que l'on tente de raccrocher de façon controuvée à l'attentat" de Saint-Etienne-du-Rouvray. "Mon client n'a jamais rien su de ce projet d'attentat", "perpétré sans son concours", affirme-t-il à franceinfo avant le début du procès.

C'est également la ligne de défense de ses co-accusés : ils connaissaient les deux jeunes terroristes mais n'étaient pas au courant de leur projet d'action mortifère, contrairement aux allégations des juges d'instruction. Ainsi, Farid Khelil conteste "toute velléité de départ en Syrie" et nie avoir eu vent des "projets criminels de son cousin", indique son avocat à franceinfo. "Il se défend de toute adhésion à l'idéologie du groupe Etat islamique", précise Simon Clémenceau. "Il est en détention provisoire depuis cinq ans et demi, c'est très long, donc il éprouve une forme d'impatience. Il a bien l'intention de s'exprimer devant la cour", ajoute-t-il.

Je n'ai pas eu le temps de tout lire, vous me faites un résumé ?

Le 26 juillet 2016, deux jeunes terroristes se revendiquant du groupe Etat islamique ont attaqué l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray, près de Rouen (Seine-Maritime). Adel Kermiche et Abdel-Malik Petitjean ont assassiné le père Jacques Hamel à coups de couteaux alors qu'il célébrait une messe devant cinq personnes. Ils s'en sont pris aussi à un paroissien, qui a survécu malgré de graves blessures. Les deux assaillants, âgés de 19 ans, ont été tués lors de l'intervention des forces de l'ordre et ne sont donc pas jugés.

L'enquête menée après l'attentat a permis l'arrestation de trois autres jeunes hommes proches des terroristes. Selon les juges d'instruction, Jean-Philippe Steven Jean-Louis, Farid Khelil et Yassine Sebaihia savaient qu'un attentat se préparait, même s'ils n'avaient connaissance que des contours du projet. Ils estiment qu'ils ont encouragé Adel Kermiche et Abdel-Malik Petitjean à passer à l'acte. Les trois jeunes hommes sont renvoyés devant la cour d'assises spéciale de Paris, à partir de lundi 14 février, pour "association de malfaiteurs terroriste criminelle". Un quatrième homme, Rachid Kassim, figure de l'EI, est considéré comme l'instigateur de l'attentat. Présumé mort, mais toujours visé par un mandat d'arrêt, il sera jugé par défaut, notamment pour "complicité d'assassinat terroriste", lors de ce procès organisé pendant quatre semaines.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.