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Policiers tués à Magnanville : récit d'un guet-apens

La France a été à nouveau frappée par une attaque jihadiste avec l'assassinat, lundi soir, de deux policiers dans les Yvelines, revendiqué par un homme qui a prêté allégeance à l'Etat islamique. Récit de quatre heures sanglantes.

Article rédigé par Vincent Daniel
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Des enquêteurs bloquent la rue permettant d'accéder au domicile  d'un couple de policiers à Magnanville (Yvelines), dans la nuit du 13 au 14 juin 2016. (MATTHIEU ALEXANDRE / AFP)

L'assaillant avait soigneusement préparé son embuscade. Ce lundi 13 juin, Jean-Baptiste Salvaing, commandant de police, chef-adjoint en charge de la sûreté urbaine au commissariat des Mureaux (Yvelines), regagne son domicile après une journée de travail. Agé de 42 ans, ce policier vit dans une zone pavillonnaire de Magnanville. 

Peu après 20 heures, Jean-Baptiste Salvaing tente de pénétrer dans son pavillon. Mais Larossi Abballa l'attend derrière le portail donnant accès au terrain de sa maison, selon la note du service de nuit de la police des Yvelines sur le déroulé du drame, dont Le Figaro a eu connaissance. L'homme, âgé de 25 ans, se jette sur le policier, lui assénant plusieurs coups de couteau.

Le commandant de police "prend la fuite en scandant, aux personnes témoins des faits, d'appeler les services de police et de prendre la fuite également", selon le rapport des enquêteurs. Un comportement courageux qui permet à un voisin de donner l'alerte. Mais Larossi Abballa rattrape Jean-Baptiste Salvaing "pour lui porter à nouveau d'autres coups de couteau sur le torse"

Il avait "préparé une surprise"

Des témoins qui tentent de porter assistance au policier blessé "ont entendu distinctement le meurtrier proclamer qu'il avait tué au nom de l'Etat islamique et qu'il avait dorénavant des otages et des armes avec lui et qu'il avait préparé une surprise", rapportent les policiers dans leur note de service. Les sapeurs-pompiers ne parviendront pas à ranimer Jean-Baptiste Salvaing.

Un attroupement de policiers et d'habitants à Magnanville (Yvelines), dans la nuit du 13 au 14 juin 2016, près du domicile d'un couple de policiers tué la veille. (MAXPPP)

Après avoir assassiné le commandant de police, aux alentours de 20h20, Larossi Abballa se retranche dans la maison de sa victime, selon le procureur de la République de Paris, François Molins. Il y séquestre la compagne de Jean-Baptiste Salvaing, Jessica Schneider, 36 ans, secrétaire administrative au commissariat de Mantes-la-Jolie, et l'enfant du couple, âgé de 3 ans. 

A 20h52, l'assaillant se filme et diffuse les images en direct sur Facebook. Pendant 13 minutes, "il semble lire un message écrit plus tôt", explique David Thomson, journaliste à RFI et auteur du livre Les Français jihadistes (éd. Les Arènes, 2014), qui faisait partie de ses abonnés sur Facebook sans le connaître personnellement. Filmé à l'intérieur de la maison de ses victimes alors que leur enfant s'y trouve encore, Larossi Abballa revendique "avoir tué un policier et sa femme". Calme, presque souriant, il commence par prêter allégeance à Abou Bakr Al-Baghdadi, le leader de l'Etat islamique (EI). Il dit aussi qu'il faut "mener des attaques comme l'a demandé le cheikh Abou Mohammed Al-Adnani", porte-parole de l'EI, dans un message diffusé peu avant le début du ramadan.

"Nous allons faire de l'Euro un cimetière"

Larossi Abballa enjoint "à attaquer des policiers, des journalistes, des personnalités publiques, des gardiens de prison et des rappeurs", citant plusieurs personnalités publiques. "Nous allons faire de l'Euro un cimetière", menace ensuite l'assaillant, quatre jours après le début de la compétition de football. Détail glaçant, il mentionne l'enfant du couple, toujours vivant : "Je ne sais pas encore ce que je vais faire avec lui."

Un véhicule du Raid quitte les lieux de l'assassinat d'un couple de policiers à Magnanville (Yvelines), le 14 juin 2016. (MATTHIEU ALEXANDRE / AFP)

Arrivée sur place, la brigade anti-criminalité sécurise les lieux, plusieurs pavillons alentours sont évacués, avant qu'un dispositif policier conséquent n'empêche toutes les allées et venues dans le quartier. L'unité d'élite du Raid prend le relais pour négocier avec l'assaillant. Des négociations en forme de revendications, comme il le fait sur Facebook. "Au cours de ces négociations avec le Raid, le tueur a indiqué être musulman pratiquant, faire le ramadan, et il a précisé qu'il avait prêté allégeance trois semaines plus tôt au commandeur des croyants de l'Etat islamique, Abou Bakr Al-Baghdadi. Il a ajouté avoir répondu à un communiqué de cet émir qui demandait, je cite, de 'tuer des mécréants, chez eux avec leur famille'", explique le procureur de la République de Paris.

Il menace "de tout faire sauter si les policiers investissent les lieux"

Signe qu'il a prémédité son acte, il dit aussi aux négociateurs du Raid qu'il connaît la "qualité de policier de la victime". Il menace alors "de tout faire sauter si les policiers investissent les lieux" en réservant aux policiers "une surprise". Larossi Abballa dit "n'attendre que ça en évoquant l'intervention à venir des policiers spécialisés", selon François Molins. L'assaillant finit par exiger que les hommes du Raid "s'éloignent de la porte du domicile". Il a ensuite rompu tout contact avec eux. Face à l'échec des discussions, les policiers du Raid donnent l'assaut vers minuit. De fortes détonations retentissent dans le quartier pavillonnaire. L'assaillant est abattu. 

En entrant dans la maison du couple de policiers, les hommes du Raid découvrent le corps sans vie de Jessica Schneider. Elle a été égorgée. Ils retrouvent aussi le jeune fils du couple, "sain et sauf, mais en état de sidération". Désormais orphelin, l'enfant de 3 ans a été pris en charge par l'hôpital pour enfants Necker, à Paris.

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