Comment l'attentat contre des policiers à Paris bouleverse la campagne présidentielle
Les candidats doivent s'adapter, après l'attaque revendiquée par l'Etat islamique dans laquelle un policier a été tué, jeudi soir, sur les Champs-Elysées.
Annulation de déplacements et changement de ton. Le premier scrutin présidentiel de la Ve République organisé sous l'état d'urgence se déroulait déjà sous haute surveillance, en raison de la menace terroriste. La campagne officielle, qui s'achève vendredi 21 avril à minuit, se retrouve désormais bouleversée par l'attentat qui a coûté la vie à un policier, à Paris, jeudi soir.
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Brutal retour du terrorisme dans la campagne
Prenant la parole d'un ton grave depuis l'Elysée, François Hollande a promis la "vigilance absolue" pour sécuriser la présidentielle, dont le premier tour se tient dimanche. Les onze candidats, quant à eux, participaient à l'émission "Quinze minutes pour convaincre", sur France 2, lorsque l'attaque s'est déroulée. C'est ainsi que la question du terrorisme a fait un retour brutal dans les discours des candidats : le dernier round télévisé des onze prétendants a vu sa conclusion être presque entièrement consacrée à une condamnation unanime de l'attentat.
François Fillon a exprimé sa "solidarité avec une population française de plus en plus inquiète". Saluant les forces de l'ordre "qui risquent chaque jour leur vie pour notre liberté", Nicolas Dupont-Aignan a estimé que "le meilleur hommage", était "d'agir contre les barbares qui menacent notre survie". Benoît Hamon a appelé à se montrer "implacable face à ces forces-là". Jean-Luc Mélenchon a partagé une "pensée émue" pour la famille du policier tué et appelé à "ne pas céder à la panique". La candidate de Lutte ouvrière Nathalie Arthaud a qualifié "d'acte abject" cet attentat et a exprimé elle aussi sa "solidarité" avec les victimes, tout en rejetant la responsabilité sur le gouvernement qu'elle accuse "d'alimenter le terrorisme".
Quant à Marine Le Pen, elle avait largement évoqué le sujet du terrorisme islamiste dans son intervention initiale, avant même d'avoir eu connaissance de l'attentat. En conclusion, elle a rendu hommage aux forces de l'ordre qui "paient un lourd tribut à la lutte contre le fondamentalisme islamiste". Quelques heures plus tard, vendredi matin, lors d'une conférence de presse depuis son QG de campagne, la candidate frontiste a redit qu'elle était favorable au "traitement administratif ou pénal immédiat des fichés S connus pour leur adhésion à l'idéologie de l'ennemi".
Une proposition dénoncée par Emmanuel Macron sur RTL : "Il y a presque 20 000 fichés 'S' pour des faits multiples, pas que des jihadistes, a déclaré le candidat d'En marche ! Si vous les mettez tous en prison, ce n’est pas conforme au droit. Et c’est inefficace parce que justement, le but, c’est de les suivre, de les surveiller. Mettre tous les fichés 'S' en prison n’a aucun sens." A la place, lui propose de "créer une 'task force' anti-Daech qui, 24 heures sur 24, auprès du président de la République, sera en charge de la coordination des services de renseignements."
Meetings et déplacements annulés
Pour donner un dernier élan à une campagne riche en surprises et en rebondissements, dominée ces derniers jours par un match à quatre (Macron-Le Pen-Fillon-Mélenchon) à fort suspense, les onze candidats avaient tous prévu un meeting, un déplacement ou un discours. Certains ont modifié leurs agendas.
François Fillon et Marine Le Pen ont été les premiers à annoncer, jeudi soir, qu'ils annulaient leurs déplacements prévus vendredi, dernière journée de campagne officielle. "Dans le contexte que nous vivons, il n'y a pas lieu de poursuivre (...) une campagne électorale parce que nous devons montrer la solidarité (...) aux victimes", a déclaré François Fillon sur le plateau de France 2, qui a annulé un déplacement à Chamonix (Haute-Savoie). "J'aurai l'occasion de m'exprimer dans la journée" de vendredi, a ajouté François Fillon, expliquant que "la lutte contre le terrorisme doit être la priorité absolue du prochain président de la République".
Pas de visite sur le terrain non plus pour Marine Le Pen. La candidate devait se rendre dans un refuge pour animaux de la SPA à Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire). "C'est bien sûr annulé", a annoncé Florian Philippot à l'AFP. Elle fera une déclaration depuis son QG de campagne, vendredi à 10 heures, a annoncé son équipe dans un communiqué publié dans la nuit.
Un peu plus tard, Emmanuel Macron a annoncé l'annulation des deux meetings programmés vendredi. Il s'exprimera tout de même "devant les Français". "Compte tenu de la situation et de la nécessaire mobilisation des forces de l'ordre pour assurer la sécurité de nos concitoyens, j'ai décidé d'annuler les rassemblements publics de ma dernière journée de campagne, à Rouen et à Arras", a-t-il annoncé.
Mais la campagne se poursuit
"Le défi qui est le nôtre est, dans ce contexte, de protéger les Français, de ne renoncer à rien de ce que nous sommes, de maintenir l'unité et de préparer l'avenir", a souligné Emmanuel Macron. "C'est pourquoi les actions de terrain du mouvement En marche ! se prolongeront dans le cadre normal de cette campagne présidentielle", a ajouté le candidat, qui appelle ses militants "à poursuivre leur mobilisation".
Le candidat de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a lui souhaité "ne pas interrompre le processus de notre démocratie de manière à bien démontrer que les violents n'auront pas le dernier mot contre les républicains". Son entourage a confirmé le maintien de son programme de vendredi. Il participera notamment, à 19 heures, à Paris, à l'un des nombreux "apéros insoumis" organisés dans toute la France, où il sera accompagné notamment du leader de Podemos, l'Espagnol Pablo Iglesias.
Le candidat PS Benoît Hamon a annulé un déplacement dans la matinée, mais a maintenu un discours, prévu à 17h30 à Carmaux (Tarn). "Cet attentat à trois jours de l'élection vise les forces de l'ordre, notre démocratie et la République. Cela signe la volonté d'empêcher notre démocratie de fonctionner", a expliqué le candidat à l'AFP. "Ce serait une grave erreur de tomber dans la peur et mettre entre parenthèses le débat démocratique. Simplement, le ton de la campagne doit changer de nature, ce sera plus sobre et plus solennel. Rien ne serait pire que de baisser la tête face à la menace", a-t-il souligné.
Le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan a lui confirmé qu'il irait, comme prévu en Seine-Saint-Denis, puis dans l'Essonne. Quant à Philippe Poutou (NPA), il maintient son dernier meeting à Annecy (Haute-Savoie). Nathalie Arthaud (LO) a réservé sa dernière soirée à un passage sur BFMTV.
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