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Attentat de la rue des Rosiers : après de nouvelles révélations, l'avocat de familles de victimes demande la levée du secret défense

Maître Avi Bitton souhaite aussi la création d'une commission enquête parlementaire. 

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
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Les secours après l'attentat rue des Rosiers, le 9 août 1982. (JACQUES DEMARTHON / AFP)

L'avocat de plusieurs familles de victimes de l'attentat de la rue des Rosiers, Maître Avi Bitton, demande la levée du secret défense après les révélations de l'ancien patron du renseignement français. Yves Bonnet, a reconnu en janvier 2019, devant un juge, avoir passé un accord avec le groupe terroriste responsable de l'attentat à Paris en 1982, qui avait couté la vie six morts, a appris vendredi 9 août franceinfo de source proche de l'enquête, confirmant une information du Parisien. 

"Nous allons demander au juge d'instruction de faire des requêtes pour lever le secret défense afin qu'il puisse enquêter sur cette éventuel accord secret passé entre l'État français et cette organisation terroriste", a déclaré maitre Avi Bitton vendredi sur franceinfo. Il souhaite par ailleurs la création d'une enquête parlementaire. "Les Français ont le droit de savoir que leur gouvernement aurait passé un accord secret avec un groupe terroriste", a-t-il expliqué.

franceinfo : Ces révélations d'Yves Bonnet vous surprennent-elles et les jugez-vous crédibles, 37 ans après les faits ?

Avi Bitton : Elles viennent peut-être donner une clé d'explication à la durée anormalement longue de cette instruction qui dure depuis 37 ans. Tout le monde se demandait pourquoi elle était si longue. On a peut-être aujourd'hui l'explication. Ce serait cet accord secret passé entre le gouvernement français et cette organisation terroriste. [Mes clients] sont évidemment scandalisés, parce que cette instruction dure depuis 37 ans. Mais à ce jour, alors qu'il y a eu des mandats d'arrêt qui ont été délivrés et que le gouvernement français nous dit faire tous les efforts diplomatiques pour que les suspects soient extradés vers la France, le procès n'est pas près de se tenir.

Ces révélations vont-elles vous faire prendre de nouvelles initiatives sur le plan judiciaire ?

Il faut déjà confirmer cette information de l'ancien directeur de la DST. Il faut que le juge d'instruction interroge d'autres agents de la DST et peut-être des hauts fonctionnaires. Mais pour qu'ils puissent les interroger utilement, c'est-à-dire qu'on ne puisse pas lui opposer le secret défense, il faut d'abord que ce juge d'instruction fasse des demandes de levée du secret défense. Et c'est précisément ce que notre cabinet d'avocats va faire prochainement. Nous allons adresser au juge d'instruction des demandes d'actes. Dans ces demandes d'actes, nous allons lui demander de faire des requêtes pour lever le secret défense afin qu'il puisse enquêter utilement sur cet éventuel accord secret passé entre l'État français et cette organisation terroriste.

Une enquête parlementaire pourrait-elle être utile aussi dans cette affaire pour lever le voile ?

C'est effectivement ce que j'ai demandé publiquement ces dernières heures. Il faut que des députés demandent la création d'une commission d'enquête parlementaire pour enquêter pas uniquement sur cet accord concernant l'attentat de la rue des Rosiers, mais pour enquêter de manière plus générale sur tous les accords qui ont pu être passés, y compris à ce jour, par les différents gouvernements français. Je rappelle qu'il y a actuellement une instruction en cours contre le groupe Lafarge, qui aurait passé lui aussi des accords avec l'organisation Daech, afin de pouvoir, moyennant finances, opérer en Syrie. Je suis l'avocat d'une partie civile des attentats du 13-Novembre, et on s'est constitués partie civile dans le cadre de cette enquête contre Lafarge.

Sur l'attentat de la rue des Rosiers, est-ce que d'après vous Yves Bonnet ou d'autres responsables de l'époque peuvent être inquiétés sur le plan judiciaire à partir de ces révélations ?

Juridiquement, s'il n'a pas commis un faux témoignage, il ne peut pas être sanctionné pour faux témoignage. En revanche il a dit la vérité, et c'est là où c'est un jeu peut-être difficile pour lui car peut-être pourrait-il être inquiété pour violation du secret professionnel et violation du secret défense. Mais en termes d'opportunité des poursuites, ça serait très malvenu de la part de la justice et de l'État français de venir poursuivre Yves Bonnet pour ces révélations, car ces révélations sont d'intérêt public. Les Français ont le droit de savoir que leur gouvernement aurait passé un accord secret avec une organisation terroriste.

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