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"Je me sens abandonnée" : le cri du cœur d’une rescapée des attentats du 13-Novembre

Dans une longue série de tweets, publiés lundi, Sophie Parra s'en prend à la secrétaire d’Etat à l’Aide aux victimes. Et aux médias également. 

Article rédigé par franceinfo - Propos recueillis par Raphaël Godet
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Portrait de Sophie Parra, victime du Bataclan, le 13 novembre 2015. (COLLECTION PRIVEE / SOPHIE PARRA)

Il y a d'abord eu un premier tweet, puis un deuxième, puis un troisième. Il y en aura trente en tout. Lundi 23 janvier, Sophie Parra a écrit sur Twitter tout ce qu'elle avait sur le cœur. La femme de 33 ans, rescapée de l'attaque du Bataclan, le 13 novembre 2015, fustige l'attitude des pouvoirs publics. "On nous demande nos voix aux élections, mais on ne prend jamais de nos nouvelles, écrit-elle dans l'un de ses messages. On parle en notre nom aussi." Elle évoque aussi le comportement des médias. "Pour récolter ton témoignage sur l'horreur, ils se bousculent, témoigne-t-elle. Mais pour parler des galères, y'a plus personne."

Notamment visé, le secrétariat d'Etat chargée de l'Aide aux victimes assure être "pleinement mobilisé pour répondre aux difficultés que peuvent rencontrer les victimes". "Comme il avait été proposé à [Sophie] Parra il y a plusieurs semaines, les équipes sont à sa disposition pour la recevoir", nous fait savoir l'entourage de Juliette Méadel. La rescapée a accepté d'expliquer sa démarche à franceinfo.

Franceinfo : Pourquoi avez-vous décidé de publier cette série de tweets

Sophie Parra : C'était un cri du cœur. Cela faisait quelque temps que j’y pensais. Et puis, j’ai vu les tweets de Juliette Méadel, notre secrétaire d’Etat chargée de l’Aide aux victimes. A longueur de journée, elle disait tout le bien qu’elle pensait de Manuel Valls, que c'était son candidat dans la primaire de la gauche. Je suis très contente pour elle. Mais en vrai, je m’en fiche. Normalement, elle est censée être là pour nous aider, pour nous soutenir. Enfin, normalement. Car depuis quelque temps, ce sont les associations qui font surtout le travail. 

Vous vous sentez oubliée ?

Pire qu'oubliée. Abandonnée. On nous a dit que ce secrétariat d’Etat était fait exprès pour nous. Mais non, il n’y a jamais personne. J'ai la rage. Pas plus tard qu'en novembre, j'ai contacté le cabinet de Juliette Méadel parce que ça bloquait au niveau de ma prise en charge médicale. Vous savez quoi ? Il a fallu que je fasse un tweet un peu énervé pour qu'une solution soit trouvée. Vous trouvez ça normal, qu'on soit obligés de passer par Twitter pour se faire entendre ? L'autre jour, c’est une victime de l’attentat de Nice qui m’a contactée via le réseau social, car elle était désemparée. Elle m'a écrit : "Est-ce que tu pourrais m'aider ? Sais-tu vers qui je dois me diriger ?" C'est comme si moi, victime, je devais parrainer une autre victime. Sérieusement...

En voulez-vous au gouvernement ?

Oui, je lui en veux de ne pas être davantage présent. A part pour faire des beaux discours, il est aux abonnés absents. Depuis le début de l'année, j’ai changé six fois de psychiatre. C'est moi toute seule qui les trouve, à chaque fois. Quant à l'avocat, heureusement que j'en connais un parmi mes amis. Jamais personne ne demande comment on va, si on a besoin de quelque chose. Sauf quand arrive la semaine fatidique du 13 novembre.

C'est-à-dire ?

J’en veux aussi un peu aux médias. Au moment des commémorations, on est très sollicités, on nous demande de témoigner. Pourquoi pas. Mais quelques jours après, on nous a déjà oubliés. Et puis on viendra de nouveau toquer à notre porte un an après, pour la même occasion. C’est très dur.

A quoi ressemble votre quotidien aujourd'hui ? 

J’ai un rendez-vous chez le kiné par semaine, et un rendez-vous chez le psychiatre tous les quinze jours. J'ai encore une balle dans le bassin, je ne peux toujours pas prendre le métro, ni le train. Dès que je croise quelqu'un de louche, je me crispe, j'angoisse. Heureusement, j'ai repris mon travail il y a quelques semaines, dans le secteur de l'aide à la personne, ça m'aide beaucoup. Je sais, c'est bizarre de travailler dans cette branche étant donné ma situation. Mais comme dit l'expression, ce sont souvent les cordonniers les plus mal chaussés.

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