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Les jihadistes francophones sont-ils en train de prendre du galon au sein de l'Etat islamique ?

Le groupe jihadiste compte plusieurs centaines de combattants francophones, dont 500 Français. La plupart sont relegués à des tâches subalternes, mais l'un d'entre eux est considéré comme le cerveau des attentats de Paris.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Une capture d'écran du Belge Abdelhamid Abaaoud, cerveau présumé des attentats de Paris, le 15 janvier 2015. ( FRANCE 2)

Les attentats du 13 novembre à Paris ont probablement été commandités par le Belge Abdelhamid Abaaoud, qui a eu droit à une longue interview dans le journal officiel de l'organisation Etat islamique, Dabiq. Il était la cible de l'opération du Raid mercredi 18 novembre au petit matin. Est-ce le signe que les francophones (Français et Belges, essentiellement) grimpent les échelons de l'organisation ?

Le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, estime à environ 500 le nombre de Français partis faire le jihad en Syrie. Il faut y ajouter 250 Belges, d'après les chiffres de la CIA, citée par la RTBF. Bien souvent, ces aspirants terroristes arrivent en Syrie où ils rejoignent une connaissance, partie avant eux. Ils s'acquittent, au passage, d'une terrible "transformation initiatique", selon l'universitaire Jean-Pierre Filiu sur France 2. "La plupart des hommes qui arrivent en Syrie sont violés, brutalisés, détruits, pour être reconstruits par Daech. La déshumanisation explique que l'on peut aller jusqu'à devenir kamikaze."

Des Français nombreux, mais souvent mal considérés

Se forment ainsi des brigades francophones, où l'on échange dans la langue de Molière. Des rassemblements spontanés, qui ne sont pas organisés par l'EI, d'après David Thomson, auteur du livre Les Français jihadistes : "Au début, il y a eu des problèmes sur le front. Des ordres en arabe n'étaient pas compris, ce qui a occasionné des morts. Aujourd'hui, il existe même des brigades européennes où on parle anglais." La principale brigade francophone se trouve à Deir ez-Zor, au beau milieu du désert, dans l'est de la Syrie. Un endroit ciblé par des frappes aériennes françaises début octobre.

Un nouvel arrivant commence par s'acquitter des tâches subalternes – traîner et enterrer des cadavres, comme Abdelhamid Abaaoud à son arrivée – avant de monter en grade. Condition indispensable pour prendre du galon : parler parfaitement arabe. Et faire oublier que l'on est français. "Le Français n'a pas la meilleure réputation au sein du groupe Etat Islamique, explique David Thomson. Ils ont l'image de combattants qui renâclent à combattre, se cachent derrière des excuses, et sont toujours à se plaindre de leur solde. Ce ne sont pas des Tchétchènes, qui eux sont les étrangers les mieux vus." Les jihadistes britanniques sont aussi mieux vus, car "plus intellectuels" et "moins bourrins", à en croire un expert cité dans Le Figaro il y a un an.

Quelques francophones ont pris des responsabilités

Outre Abdelhamid Abaaoud, d'autres jihadistes francophones occupent néanmoins des postes médiatisés au sein de l'organisation. Notamment Fabien Clain, qui a lu le texte de la vidéo de l'Etat islamique revendiquant les attentats de Paris, ou encore Maxime Hauchard, le "bourreau normand" de l'EI. A un échelon supérieur, on trouve Salim Benghalem, présent dans la liste des terroristes les plus dangereux au monde pour sa participation à des prises d'otages, et longtemps chargé de l'accueil des nouveaux arrivants francophones. 

Des figures médiatisées, mais pas forcément très influentes, remarque Romain Caillet, chercheur spécialiste de l'Etat islamique : "Daech fait sa com. Quand l'EI met une personne en avant, vous pouvez être sûr qu'il n'a pas beaucoup de pouvoir. C'est plus une mascotte. Les opérationnels restent dans l'ombre. Chaque fois qu'un haut gradé meurt, on apprend sa biographie ensuite."

A quel poste se trouve le Français le plus gradé de l'organisation terroriste ? Difficile à dire. Certains, présents de longue date, occupent des postes intermédiaires, d'émir militaire ou de responsable religieux. Mais le haut de la pyramide est trusté par des Irakiens, compagnons de longue date du chef de l'EI, Abou Bakr Al-Baghdadi. Ensemble, au début de l'invasion américaine en Irak, ils ont posé les bases de ce qui ne s'appelait pas encore l'Etat islamique dans les prisons de l'occupant.

La chasse aux traîtres fait rage

Cette garde rapprochée truste les postes de commandement, y compris sur les régions nouvellement conquises, comme en Libye, où c'est un Irakien qui a été envoyé. Ainsi, le Belge Abdelhamid Abaaoud doit rendre des comptes à un supérieur. Les étrangers ont plus de mal à monter en grade, car ils doivent conquérir la confiance des chefs de l'organisation. Au sein de l'EI, la chasse à la taupe fait rage. "Il y a des rumeurs sur un Marocain de Belgique qui aurait été exécuté, affirme Romain Caillet. Deux Français affirment qu'ils se sont enfuis de Syrie car ils étaient soupçonnés d'être des espions." 

Comme en entreprise, la progression se fait à l'ancienneté. Beaucoup de temps passera avant qu'un francophone n'accède à un grade élevé au sein de l'organisation. "Prenez Abou Sayyaf, un jihadiste tunisien tué au printemps dernier, illustre David Thomson. Il était dans le commandement de l'Etat islamique [ministre du pétrole] parce qu'il était là depuis le début. Il était même surnommé 'Al Iraqi', c'est comme s'il était irakien." 

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