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Les attentats expliqués à l'école : "C'est notre devoir de rassurer nos élèves"

Partout en France, les élèves ont participé ce lundi à un "échange" avec leurs enseignants et à une minute de silence en mémoire des victimes. Des professeurs des écoles racontent cette matinée très particulière.

Article rédigé par Mathieu Dehlinger
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Des enfants vont à l'école à Paris, le 16 novembre 2015, trois jours après les attentats dans la capitale. (KENZO TRIBOUILLARD / AFP)

"Maîtresse, comment tu fais pour ne pas avoir peur toi ?" C'est l'une des questions auxquelles Eleonore, enseignante, a dû faire face, lundi 16 novembre, trois jours après les attentats à Paris. Dans son école parisienne, comme dans les autres établissements scolaires français, les élèves ont été invités à participer à une minute de silence en mémoire des victimes. Dans les rangs au moment de l'hommage, deux élèves ont fondu en larmes, évoquant leur "peur" de voir les terroristes venir.

"Ils ont vu les images en boucle à la télévision"

Impossible donc de ne pas évoquer ces événements tragiques. Dans sa classe de CP, 23 élèves sur 25 ont vu les images à la télévision. "Ils ont vu tout ça en boucle, sans forcément avoir d'explications de leurs parents, raconte-t-elle à francetv info. Ils ont l'impression que ça s'est passé plein de fois, que c'est la guerre partout, tout le temps. Certains mélangent un peu tout : ils reparlent de Charlie, de leur grand-mère morte... Ils avaient besoin de poser des questions."

"Certains enfants avaient passé leur week-end à regarder les informations, confirme Renaud*, qui enseigne lui aussi à Paris. Certains connaissaient le nom de kamikazes ou le déroulé de certaines attaques. D'autres ont parlé de traumatisme."

Même les petits loulous de ma classe qui a priori passent pour des caïds ont dit qu'ils avaient peur.

Renaud*, enseignant à Paris

à francetv info

Même loin de la capitale et de ses évènements tragiques, c'est ce sentiment qui prédomine. "On avait une petite de CP qu'on sentait très mal pendant la minute de silence, explique Amélie*, institutrice spécialisée dans la Meuse. J'en ai reparlé avec sa maîtresse et elle disait que dès le matin elle ne voulait pas parler de tout ça. On va en discuter avec ses parents. Parce que là, on avait les réactions à chaud, mais il va falloir suivre tout ça."

"Quand on leur explique, ils trouvent tous ça totalement injuste"

Beaucoup ont utilisé des dessins pour faire parler les enfants. C'est le cas d'Antonia, professeure dans une école rurale en Aquitaine. "Je suis partie de l'image de la Marianne qui pleure et chacun a évoqué ses sentiments", raconte-t-elle.

Ce qui ressortait, c'était la colère, la tristesse, l'inquiétude... Effrayé, c'est le mot qui est revenu souvent parmi mes élèves.

Antonia, enseignante en Aquitaine

à francetv info

"Et puis certains ne ressentaient rien, assure Renaud. Pour eux, la guerre, c'est un jeu. Peut-être ont-ils du mal à verbaliser ? A exprimer leurs émotions ? C'est plus difficile de réagir face à ça. Et puis finalement quand on leur explique la situation, ils trouvent tout ça totalement injuste. Ils disent 'mais c'est n'importe quoi, mais ils sont fous'."

"S'ils nous voient paniquer, c'est hyper angoissant"

Face à ces élèves, il faut écouter, rassurer, consoler. Informer aussi. "Il y avait de grosses confusions, poursuit Antonia. Une fille m'a dit que tous les migrants sont des jihadistes et que Marine Le Pen a dit que la France soit on l'aime, soit on dégage. Il fallait définir ce que c'était, 'les migrants', 'les musulmans', 'les jihadistes'. C'était nécessaire." "On a parlé de racisme, de ce que c'était la liberté, l'égalité, détaille de son côté Amélie. On a remis à plat les valeurs de la République."

La plupart des enseignants attendaient cette matinée avec appréhension. "On sent que certains sont tellement affectés qu'ils n'ont pas encore fait le chemin suffisant pour en parler avec les enfants sans trop d'émotions", confie Renaud. "S'ils nous voient tous paniquer, c'est hyper angoissant pour eux", estime Eleonore. Elle était "heureuse" d'aller travailler ce lundi : "C'est un peu notre devoir de rassurer nos élèves. C'est ce qui nous porte aujourd'hui."

*Les prénoms ont été modifiés, à la demande des intéressés.

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