Comment parler des attentats aux élèves : l'appréhension des enseignants
La ministre de l'Education a annoncé qu'un "échange" aurait lieu lundi entre élèves et enseignants. Des instituteurs racontent à francetv info comment ils appréhendent ce moment.
Onze mois après Charlie Hebdo, les professeurs sont confrontés à la même question : comment parler des attentats en classe ? La ministre de l'Education nationale, Najat Vallaud-Belkacem, a annoncé qu'un "échange" aurait lieu entre élèves et enseignants, lundi 16 novembre, avant la minute de silence prévue à midi.
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"Une minute de silence, ça peut être un moment très important, mais à condition qu'elle soit comprise", confie Catherine, directrice d'école à Dijon (Côte-d'Or).
Je ne suis pas spécialement sereine. On nous dit qu'il ne faut pas qu'on réagisse avec nos tripes mais je pense que tout le monde est profondément touché par cet acte vraiment barbare et injustifiable.
Difficile de réagir après un tel massacre. "Je suis un peu trop chamboulée pour avoir les idées claires, reconnaît aussi Claudine, institutrice dans une classe de CP et de CE1 à Versailles (Yvelines). Je vais voir ce que les élèves ont envie de dire, prendre un peu le thermomètre de l'ambiance générale, et me laisser porter."
"Libérer la parole" des élèves
"Dès qu'ils vont arriver dans la cour, il n'y aura qu'un seul sujet de conversation, prédit notre blogueur Lucien Marbœuf, professeur des écoles à Paris. Ils vont m'en parler dans les escaliers. Demander si ça peut se passer n'importe où... Il faut libérer la parole, ne pas éluder les vraies questions, c'est quoi le terrorisme par exemple, sans rentrer dans des grandes explications géopolitiques."
"Je sais qu'il faut que je sois très neutre", explique Renaud*, qui enseigne à Paris. En ce moment, on est en train de préparer la journée de la laïcité. Ce sera l'occasion d'illustrer nos propos."
Des ressources pédagogiques pour aider les enseignants
Pour aider les enseignants, le ministère de l'Education a mis en ligne des ressources pédagogiques pour savoir comment "aborder une actualité violente avec les élèves", "anticiper d'éventuelles réactions hostiles" et "aborder les principes fondateurs de la République". "Ils ont été réactifs, en reprenant la base de ce qui avait été fait pour le 7 janvier, commente Lucien Marbœuf. Malheureusement, on est tous en train de prendre l'habitude de ça, on l'a déjà vécu il y a dix mois."
En janvier, Claudine avait utilisé le poème de Paul Eluard, Liberté, pour évoquer les attentats avec ses élèves. Cette fois encore, elle prévoit de garder "un texte sous le coude" pour "mettre les choses à distance". Diane, qui encadre des CM1 et des CM2 à Saint-Quentin (Aisne), a déjà repéré un petit document (en PDF) spécialement conçu pour l'occasion par Astrapi, le magazine des enfants.
"Le vendredi 13 novembre au soir, des hommes remplis de haine ont décidé de tuer des innocents", peut-on lire au début de ce document, qui évoque les événements et le profil des tueurs, "des terroristes islamistes". "La meilleure façon de répondre à la violence et à la folie de ces hommes, c’est de continuer à vivre normalement et à défendre ses idées en respectant les autres", conclut-il.
"Ça va être dur de rassurer les élèves"
Même aidés de ces ressources, cela reste "évidemment un moment qu'on appréhende", reconnaît Lucien Marbœuf. "Ce n'est pas ce pourquoi on a signé. On est censés leur apprendre à lire, à écrire, à compter... mais il faut aussi les aider à grandir."
On est obligés de dire à nos enfants : "Voilà le monde de merde dans lequel vous vivez, et dans lequel vous allez vivre". Il s'agit de le dire avec des mots choisis.
Chacun a à cœur de "rassurer" ses élèves. "Ça va être dur, concède Diane. Mais on ne peut pas les laisser en leur disant 'bon ben voilà ça peut arriver n'importe quand'." L'enseignante prévoit donc d'évoquer les Parisiens qui ont ouvert leurs portes aux passants paniqués durant les attentats ou les files d'attente pour donner son sang. Histoire de finir "sur des notes un peu plus positives", avec les notions de "solidarité" et de "fraternité".
* Le prénom a été modifié, à la demande de l'intéressé.
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