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Cinq questions sur l'arrivée de Salah Abdeslam en France

La justice belge a accepté de remettre à la France le suspect des attentats du 13 novembre à Paris.

Article rédigé par Christophe Rauzy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Un fourgon de la police belge arrivant dans les locaux de la Chambre du conseil de la cour d'appel de Bruxelles (Belgique), qui a décidé d'accepter la remise de Salah Abdeslam aux autorités judiciaires françaises, le 31 mars 2016. (ERIC LALMAND / BELGA MAG)

Le moment est attendu par tout un pays. Le transfèrement de Salah Abdeslam vers la France a été validé jeudi 31 mars par la justice belge. L'homme suspecté d'avoir pris part aux attentats du 13 novembre à Paris devrait "très vite" franchir la frontière, indique son avocat, qui assure que son client est prêt à "collaborer" avec les enquêteurs. Francetv info se penche sur les conditions de son retour en France.

Quand va se dérouler son transfèrement ?

La date n'est pour l'heure pas définie — et ne sera connue qu'une fois le suspect arrivé à destination, pour des raisons de sécurité. Salah Abdeslam ayant consenti à son extradition, "la procédure devient courte", a expliqué Jean-Jacques Urvoas, le ministre de la Justice. Il assure que "sauf circonstance exceptionnelle, la remise interviendra dans un délai de dix jours".

C'est grâce au mandat d'arrêt européen que le terroriste présumé va se retrouver aussi rapidement entre les mains de la justice française. En effet, grâce à cette procédure créée en 2002, plus besoin de passer par la traditionnelle extradition, qui peut être longue et dépend du pouvoir politique du pays où a eu lieu l'arrestation. Dans le cas présent, c'est la justice belge qui a pu rapidement trancher et permettre le départ d'Abdeslam en France.

Comment va se dérouler son départ ?

C'est très discrètement que Salah Abdeslam sera extrait de sa cellule de la prison de Bruges, en Belgique, pour être convoyé vers un centre pénitentiaire français. Il devrait être très rapidement présenté à un juge en vue de sa mise en examen et de son placement en détention. Aucune information sur le dispositif qui sera déployé pour assurer ce transfèrement n'est rendue publique.

"Dans ce type de dossier, il y a des précautions de confidentialité très strictes", confirme à francetv info Apolin Pepiezep Pehuie, ancien avocat de Mehdi Nemmouche, l'auteur de la fusillade mortelle du Musée juif de Bruxelles, arrêté à Marseille fin mai 2014. "On ne connaît ni le jour, ni l'heure, ni les conditions des transfèrements, ajoute-t-il. Cela peut se passer de nuit comme de jour, dans des voitures banalisées ou des fourgons, avec un dispositif policier très important." Seules une dizaine de personnes habilitées connaissent les détails de ce type d'opération.

Dans le cas de Nemmouche, transféré de Marseille à la prison de Bois-d'Arcy, les mesures de sécurité étaient "extrêmement strictes", poursuit l'avocat. "C'est la direction générale du renseignement intérieur qui a pris en charge l'opération, avec des voitures blindées. Mon client avait le visage masqué, mais c'était surtout pour sa propre protection."

Où va-t-il être transféré ?

Il est pour l'heure impossible de savoir précisément où Salah Abdeslam sera incarcéré en France. Une trentaine de maisons d'arrêt hexagonales disposent des équipements nécessaires pour assurer la détention du suspect. "Mais vu que les faits se sont produits à Paris, et que c'est là aussi que sont situés les enquêteurs de la section antiterroriste, je ne pense pas qu'il sera transféré à Toulouse ou à Marseille", estime Jean-Michel Dejenne, premier secrétaire du syndicat national des directeurs pénitentiaires. "On peut imaginer qu'il sera incarcéré dans une maison d'arrêt en Ile-de-France ou à proximité."

Mais cette dernière ne sera sûrement pas la seule à accueillir Salah Abdeslam. Il est fréquent, là encore pour des raisons de sécurité, que les détenus les plus dangereux soient transférés dans plusieurs établissements lors de leur parcours carcéral.

Comment va se dérouler sa détention provisoire ?

Comme tous les détenus considérés comme "sensibles", Salah Abdeslam sera maintenu à l'isolement au sein de la prison. "Ce type de détenu est enfermé dans les quartiers hautement sécurisés, avec des conditions de détention très strictes", témoigne Apolin Pepiezep Pehuie.

Comme pendant sa détention à Bruges, il aura le même type de cellule que les autres détenus, mais y sera seul, dans un quartier isolé de la maison d'arrêt. Il pourra "cantiner", c'est-à-dire acheter des produits proposés aux prisonniers, et disposera d'une télévision. Il ne pourra pas entrer en contact avec les autres détenus et devra effectuer seul sa promenade quotidienne d'une heure, à des horaires aléatoires. Si son avocat pourra s'entretenir avec lui quand il le souhaite, tout droit de visite de ses proches sera conditionné à l'autorisation d'un magistrat.

"Abdeslam n'aura pas droit à un régime dérogatoire, commente Jean-Michel Dejenne. Le régime de l'isolement est destiné aux détenus qui nécessitent d'être éloignés des autres parce qu'ils sont dangereux, mais aussi pour leur propre sécurité. Pour Abdeslam, ce sera pour les deux raisons. Car certains détenus pourraient aussi bien vouloir le féliciter que lui vouloir du mal. Pour le personnel pénitentiaire, il faudra rester vigilant et très professionnel, car ce genre d'arrivée crée souvent une forte émulsion dans l'établissement."

Quand aura lieu son procès ?

Difficile de savoir pendant combien de temps Salah Abdeslam sera maintenu en détention provisoire avant d'être jugé, car l'enquête sur les attentats de Paris est longue. Le suspect s'est dit prêt à "collaborer" avec les enquêteurs, ce qui pourrait accélérer les investigations, mais il ne faut pas s'attendre à ce qu'un procès intervienne rapidement.

"Il y a une telle médiatisation de cette enquête que certaines familles peuvent avoir l’impression que les choses avancent plus vite que prévu, mais c’est une idée fausse, avance Olivier Maurice, avocat de 26 familles de victimes du 13-Novembre, interrogé par La Croix. Le procès n’aura pas lieu avant au moins cinq ou six ans." 

Ce qui est sûr, avance Le Figaro, c'est que sa comparution devant une cour d'assises spéciale se déroulera dans une ambiance étouffante. Les conditions de sécurité seront maximales et les débats devront permettre au jury et aux familles des victimes de trouver des réponses. Autant d'éléments qui vont pousser la justice française à prendre le temps d'organiser avec soin ce procès qui s'annonce hors norme.

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