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"On ne se retrouve pas par hasard dans un groupement terroriste" : au procès de l'attentat de Nice, les plaidoiries des parties civiles ont débuté

Les plaidoiries de parties civiles à la cour d'assises spéciale de Paris ont débuté mercredi, avec les avocats des personnes blessées, traumatisées et endeuillées le 14 juillet 2016.

Article rédigé par Mathilde Lemaire
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Des avocats devant l'entrée de la salle d'audience du procès de l'attentat de Nice, le 5 septembre 2022 à Paris.  (THOMAS SAMSON / AFP)

Après douze semaines d'audience, le procès de l’attentat de Nice entre dans sa dernière phase, à la cour d'assises spéciale, à Paris. Mercredi 23 novembre les avocats des parties civiles ont commencé leurs plaidoiries.

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Maître Eric Morain a ouvert sa plaidoirie, solennel, en paraphrasant le poète Alphonse de Lamartine : "Ô temps, suspend ton vol." Voilà son thème : le temps, et l'avocat interroge : "Combien a-t-il duré, ce temps, qui a succédé au vacarme métallique vrombissant ? Qu'est ce qu'une fraction de seconde ? Un chaos, pour ceux qui ont vu ce camion. Qu'est ce qu'une minute ?", continue l'avocat, "une crucifixion pour la femme qui cherche à tâtons le nom de son mari sur la liste des victimes. Qu'est ce qu'une heure ? Un supplice pour ceux qui ont attendu aux côtés du corps froid de leur enfant, sur cette promenade dévastée."

"Dans cette salle d'audience, nous avons ressenti intimement ce que signifiait quatre minutes et 17 secondes."

Maître Morain, avocat de parties civiles

lors du procès de l'attentat du 14 juillet 2016

Quatre minutes et 17 secondes, c'est le temps qu'a pris Mohamed Lahouaiej Bouhlel au volant de son camion bélier pour assassiner 86 personnes. Lui a été tué ce jour-là. Les accusés, eux, sont poursuivis pour l'aide qu'ils lui ont apporté, conscients ou non de sa radicalisation, en sympathie ou non. En regardant la cour, l'avocat lance : "Vous n'aurez pas à juger s'ils sont menteurs, baratineurs ou escrocs. Mais vous direz si les éléments du dossier et de l'audience peuvent faire croire à leur baratin." "Je fais le vœu, termine l'avocat, qu'après ce procès advienne le temps du silence, signe d'une bonne justice et même, faisons un rêve, signe de paix."

Les plaidoiries dureront environ une semaine

Deux-mille-cinq-cents parties civiles sont constituées pour le procès. Cinquante des avocats ont choisi la plaidoirie coordonnée autour de thématiques successives qui se complètent. Maître Samia Maktouf, par exemple, a évoqué mercredi matin, ce pays au cœur des débats depuis trois mois : la Tunisie, dont était originaire l'auteur de l'attaque et d'autres protagonistes du dossier, dont elle aussi est originaire. Un pays, dont la société civile a reçu le prix Nobel de la paix en 2015, rappelle l'avocate. Elle se demande comment cette même Tunisie a pu être ainsi rongée par "l'hydre djihadiste".

Parmi les autres thèmes de plaidoiries à venir, le syndrome post-traumatique, la culpabilité du survivant, la mort insoutenable des enfants dans cet attentat. Plus technique, cet après-midi, plusieurs avocats ont fait du droit pur, pour décortiquer l'infraction d'association de malfaiteurs terroriste, souvent critiquée comme fourre-tout.

Ils savent que la défense, ensuite, plaidera que Mohamed Lahouaiej Bouhlel a tout fait pour laisser en évidence des éléments incriminant faussement les accusés, qu'il leur a sciemment envoyé des SMS compromettants les jours précédant l'attentat. Une fausse lecture du dossier, selon Maître Yves Hartemann, qui dénonce les mensonges sans vergogne, selon lui, des accusés. Se tournant vers le box, l'avocat cite un grand professeur de droit pénal, Yves Mayaud : "Sauf à manquer totalement, messieurs de discernement, non, on ne se retrouve pas par hasard ni par accident dans un groupement terroriste". Le verdict du procès de l'attentat de Nice est prévu à la mi-décembre. 

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