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Attentat de Nice : la destruction des images de vidéosurveillance au cœur d'une guerre entre la ville et la justice

La justice a demandé aux responsables locaux de détruire l'ensemble des enregistrements des caméras de vidéosurveillance qui ont filmé l'attentat du 14 juillet, afin d'éviter la diffusion de ces images "profondément choquantes."

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Le nombre de caméras de vidéosurveillance ne cesse d'augmenter à la campagne. La sécurité constituera l'un des thèmes forts de la campagne des élections municipales de mars 2020.  (J.M EMPORTES / ONLY FRANCE / AFP)

A l'initiative de son ancien maire, Christian Estrosi (Les Républicains), la ville de Nice est devenue la ville la plus vidéosurveillée de France avec 1 256 caméras. Mais vendredi 22 juillet, une semaine après l'attentat qui a frappé la célèbre promenade des Anglais, tuant au moins 84 personnes et en blessant 200, le dispositif se trouve au cœur de la polémique. 

Dans une réquisition judiciaire en date du 20 juillet, la sous-direction anti-terroriste (Sdat) de la police judiciaire a exigé du responsable du centre de supervision urbain de Nice de "procéder à l'effacement complet des enregistrements de l'ensemble des caméras desservant la promenade des Anglais filmant pour la plupart d'entre elles l'action terroriste commise le soir du 14 juillet 2016." 

Une demande à laquelle la mairie refuse d'accéder, explique Nice-Matin, vendredi 22 juillet.  

Pourquoi la justice demande-t-elle la destruction de ces images ?

L'officier de police judiciaire, qui a rédigé la réquisition, demande d'"effacer toutes copies des enregistrements effectués de la scène de crime réalisés hors cadre judiciaire".

"Cette réquisition de la Sdat, avec l'accord du parquet, correspond à la nécessité impérieuse d'éviter la diffusion non contrôlée et non maîtrisée de ces images, profondément choquantes pour la dignité et l'intégrité des victimes, a expliqué le parquet de Paris. Ces images sont placées sous scellé judiciaire pour les besoins de l'enquête."

De son côté, le quotidien régional "se souvient de la vente de séquences issues de la vidéosurveillance de restaurants visés par le commando des terrasses au lendemain du 13 novembre."

Ces images risquent-elles de disparaître ? 

Non. Depuis le lendemain de l'attentat, le Sdat a récupéré les 30 000 heures de vidéosurveillance liées aux événements, a souligné Le Figaro. "Bien évidemment, ces images ont été placées sous scellé judiciaire", selon une source judiciaire cité par le quotidien. Les images sont donc déjà à disposition de la justice, qui pourra les consulter à tout moment des investigations. 

On peut penser que cette demande vise à récupérer les images de sorte qu'il n'en existe pas d'autres copies susceptibles d'être transmises à des tiers, tels que les médias ou encore les sites jihadistes à des fins de propagande. 

Pourquoi alors la ville de Nice refuse-t-elle de les effacer ? 

Répondant à la réquisition, l'avocat de la ville de Nice, Philippe Blanchetier souligne que le Code pénal interdit de détruire, soustraire, recéler ou altérer "un document de nature à faciliter la découverte d'un crime ou délit, la recherche de preuves ou la condamnation des coupables". Enfin, la présence des services de la Sdat au CSU pour récupérer les données des serveurs interdit de détruire en même temps les enregistrements au risque de "porter atteinte" au système, estime l'avocat, préconisant d'attendre la destruction automatique des enregistrements, qui ne sont conservés que 10 jours.

Si la loi permet de conserver ces images durant près d'un mois, elles sont, en effet, automatiquement détruites au bout de 10 jours, soit dimanche 24 en ce qui concerne les images tournées le soir du 14 juillet. 

Me Philippe Blanchetier précise à Reuters qu’il compte saisir le procureur de Nice et le président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) d’une demande de conservation de ces données au-delà de la durée légale.

"Si jamais ces images étaient indisponibles, les victimes se verraient privées d’un moyen de preuve d’un éventuel manquement", des autorités en matière de sécurité, dans le cadre d’enquêtes futures, explique-t-il.

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