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Du "divertissement" au "spectacle indigne" : le dernier acte de l'affaire Booba-Kaaris attendu aujourd'hui

Le procureur avait requis un an de prison avec sursis pour les deux rappeurs, jeudi 6 septembre. Franceinfo vous résume la dernière audience, en attendant la décision du tribunal, qui doit tomber mardi.

Article rédigé par Kocila Makdeche
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Les rappeurs Booba (à gauche) et Kaaris (à droite) devant le tribunal correctionnel de Créteil, le 6 septembre 2018. (BENOIT PEYRUCQ / AFP)

Le très médiatique procès de Booba et Kaaris s'est prolongé jusqu'à tard dans la nuit. Les deux frères ennemis du rap français comparaissaient, jeudi 6 septembre, avec neuf autres prévenus devant le tribunal de Créteil pour "violences aggravées" et "vols en réunion" après leur rixe spectaculaire en plein aéroport d’Orly, un mois plus tôt. Entre temps, Elie Yaffa (le vrai nom de Booba), 41 ans, et Okou Gniakouri (Kaaris), 38 ans, ont passé vingt jours en détention avant d’être libérés et placés sous contrôle judiciaire. Un régime qui a été levé par le tribunal, qui rendra sa décision mardi 9 octobre 2018.

Qualifiant leur bagarre de "spectacle indigne et ridicule", le procureur a requis un an de prison avec sursis contre Booba et Kaaris dans la nuit. Si les soutiens des deux rappeurs, qui se sont déplacés en masse, ont cru ne jamais voir le bout de cette audience, le public a eu droit à son lot de moments absurdes, voire carrément laborieux. Retour sur ce procès hors normes.

Suspensions à répétition

L’audience a connu des débuts erratiques. Programmée à 13 heures, elle commence avec une heure de retard tant les journalistes et le public venu pour assister à l’audience est nombreux. La séance est très vite suspendue, car Gato da Bato, un rappeur qui compte parmi les prévenus, demande un traducteur. L’acolyte de Booba, signé sur son label 92i, est Haïtien et affirme ne parler qu’anglais et créole.

Stratégie de temporisation de la défense ou réel problème de compréhension ? La salle sourit quand Gata da Bato répond assez naturellement par "oui" ou par "non" quand la présidente lui pose des questions. Un greffier est tout de même appelé pour faire office d’interprète, mais abandonne après deux phrases, expliquant qu’il n’est pas "compétent". "On a voulu gagner du temps, mais on va faire les choses correctement", lance, agacée, la présidente face à un public moqueur. Une traductrice professionnelle arrive et la séance reprend avec déjà deux heures de retard.

Beaucoup des prévenus ne se connaissaient pas avant la rixe. Du coup, les descriptions de la bagarre qu’ils ont faite pendant leur garde à vue fait glousser. La présidente cite les propos tenus dans les procès-verbaux : un acolyte de Kaaris y évoque "un Chinois" qui "m’a mis un coup de poing" pour désigner un membre de l’équipe de Booba. Un prévenu parle, lui, "d’un Black vêtu d’un T-shirt noir et blanc" tandis que l’autre parle des coups qu’il a reçu de la part d’un "Noir trapu".

Du Booba à plein volume au tribunal

Après une énième suspension –pour des tests techniques cette fois– la séance reprend avec le visionnage des images de vidéosurveillance de l’aéroport. Pendant que certains avalent en vitesse un sandwich dans le hall du tribunal, un éclat de rire collectif envahit la salle d’audience. Un technicien maladroit a passé pendant une demi-seconde un morceau de Booba sur les enceintes du tribunal, à plein volume.

A la barre, Booba et Kaaris ont deux attitudes diamétralement opposées. Le rappeur de Sevran, qui a enveloppé son imposante carrure dans une chemise blanche impeccable, commence par s’excuser. 

C’est pas bon ce qu’il s’est passé. Je regrette et présente mes excuses à toutes les personnes qui étaient là ou qui ont été choquées par ces images.

Kaaris

devant le tribunal

De son côté, Booba, vêtu d'une chemise à carreaux beaucoup moins formelle, a le visage fermé. Le rappeur de Boulogne n’est pas aussi collaboratif que son ancien poulain, qu’il a lancé en 2012 avec le titre Kalash. Il ne s'adresse à la cour que lorsqu'il est obligé de le faire. "Est-ce que c’est vous sur ces images de vidéosurveillance ?" l’interroge-t-on. "Je ne sais pas (…) C’est peut-être moi, mais je ne vois rien", répond Booba, assis sur le bord du petit banc des accusés. "Vous vous levez quand vous vous adressez au tribunal, monsieur Yaffa", le réprimande la présidente.

"Un coup d'intimidation"

Les vidéos de l’aéroport sont disséquées seconde par seconde et la mauvaise qualité des images provoque des discussions interminables. Dans la salle, un supporter de Kaaris aux cheveux décolorés s'est endormi, la tête en arrière et les bras étendus sur la banquette.

"On ne va pas passer un moment sans fin", s'agace David-Olivier Kaminski, l'avocat de Kaaris, "Si on doit passer deux minutes sur ce qu'il se passe entre 14h56:08 et 14h56:09, on le fera", contre-attaque Yann Le Bras, le fidèle conseil de Booba. Soupirs dans la salle. "Mais laisse tourner les vidéos, frère !", craque un jeune homme qui tient dans sa main une casquette Jeunes riches, la marque de Kaaris. 

Chacun des prévenus affirme s'être battu seulement pour se défendre et accuse l'autre clan d'avoir lancé les animosités. "Je suis assis. Il me dit 'Lève toi salope !', du coup je me lève pour savoir pourquoi il dit ça, affirme Kaaris. J’étais choqué. Mais ça ne m’a pas surpris. Il ne fait que ça, insulter les gens."

"Le premier coup, c'est bien vous ?", accuse l'avocat de Kaaris, David-Olivier Kaminski, en s'adressant au rappeur de Boulogne. "Je ne le touche pas avec le premier coup, c'est un coup d'intimidation", argumente Booba. "MDR (abréviation de l'expression "mort de rire")", s'esclaffe un membre du public. "Waah, comment il l'a dérouillé", lance une voix féminine.

"Je tue tout le monde du début à la fin"

Au-delà des débats sans issue sur les rôles que chacun a joué dans la rixe, la cour a tenté d'éclaircir le contentieux qui oppose les deux hommes depuis cinq ans. La présidente évoque le clip animé de Gotham, un récent titre de Booba, où il décapite Kaaris, Rohff et La Fouine, deux autres rivaux du rappeur. "C'est un dessin animé, se défend-il. Je tue tout le monde du début à la fin dans la vidéo".

Le rappeur contre-attaque en évoquant une vidéo de 2014, où Kaaris s'adresse directement à Booba. Sur la séquence, "il dit qu'il veut boire mon sang, me briser les os, me sodomiser avec la poussette des enfants", accuse le rappeur et chef d'entreprise de 41 ans. "Vous êtes un homme de mots, intervient alors le procureur. Quand il dit qu'il va vous briser les os, vous prenez vraiment ça au sérieux ?". "C'est un peu menaçant quand même non ?" lui répond Booba, flegmatique.

La défense de Kaaris rappelle que le rappeur de Sevran n'est pas le seul à s'être "clashé" avec Booba. "Rohff, La Fouine, Maître Gims…" La liste des ennemis de Booba est longue, souligne l'avocat David-Olivier Kaminski. Comme eux, Kaaris est depuis cinq ans la cible de moqueries régulières de la part de son ancien mentor sur les réseaux sociaux. "Tout ça, ce n'est rien, c'est internet, rétorque Booba. Ce n'est que du divertissement."

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