: Reportage Mort de Shemseddine à Viry-Châtillon : son quartier pleure un adolescent "drôle", "gentil" et "sans histoire"
"Je n'arrive toujours pas à réaliser qu'il est mort." Mélya*, 13 ans, ne cache pas son émotion au moment de déposer une rose blanche, lundi 8 avril, devant son collège de Viry-Châtillon (Essonne) pour rendre hommage à Shemseddine. L'adolescent de 15 ans a été roué de coups jeudi 4 avril par plusieurs personnes, à moins de 100 mètres de l'établissement Les Sablons et tout près de son domicile. Il a succombé à ses blessures vendredi, laissant tout un quartier sous le choc. Ses obsèques ont lieu mardi dans la plus stricte intimité, avant une marche blanche prévue vendredi. "C'était quelqu'un de bien, de très gentil. Il était drôle, souriant, toujours dans la bonne humeur", témoigne Mélya, scolarisée en classe de 4e dans le même collège. "Je ne l'ai jamais vu faire de mal, il n'était jamais dans les bagarres."
Shemseddine était un "jeune gamin sans histoire", inconnu des services de police, confie une source policière à franceinfo. Dans un quartier décrit par tous comme calme, comment expliquer un tel déchaînement de violence ? Dans cette affaire, cinq personnes ont été mises en examen, dont quatre jeunes hommes pour assassinat.
Parmi eux, se trouvent deux frères ayant appris dans les jours précédant le drame que "leur sœur correspondait avec des personnes de son âge sur des sujets relatifs à la sexualité", a déclaré le procureur de la République d'Evry, Grégoire Dulin. Ils ont alors demandé à plusieurs garçons de ne plus entrer en contact avec la jeune fille, "craignant pour sa réputation et celle de leur famille", toujours selon le procureur. Selon leurs déclarations, "ils avaient ensuite appris que la victime se vantait de pouvoir librement parler avec leur sœur, n'ayant pas encore eu à subir de pression de leur part".
"Il faisait rigoler tout le monde"
Les premiers éléments déroutent une partie du quartier. "Il était toujours très respectueux. Tout ça pour une histoire de fille, c'est incompréhensible", lâchent Mehdi et Issa, deux jeunes garçons de 13 ans. "On ne peut pas tuer un ado comme ça, juste parce qu'il parlait à une fille", s'étonne un habitant. "Ils ont juste voulu prouver que personne ne touche à leur sœur, mais ils ne peuvent pas l'empêcher d'avoir une vie, de parler à des garçons. Et à 20 ans, c'est grave de ne pas se maîtriser", juge Mélya.
Devant le collège Les Sablons, les fleurs et les mots de soutien se sont empilés au fil du week-end. "Tu étais si gentil et si poli, si souriant et si drôle (...) Ton souvenir restera à tout jamais gravé en nous", clame une lettre hommage. "Sa famille le présente comme un garçon jovial, sympa, que tout le monde aimait bien. Son surnom, 'Shams', signifie le soleil [en arabe] et sa famille le compare volontiers à un soleil", complète le maire centriste de Viry-Châtillon, Jean-Marie Vilain.
L'adolescent avait perdu son père et vivait avec sa mère, son frère et sa sœur. Mais il n'était pas du genre à se laisser gagner par la tristesse. "Quand tu allais mal, il venait te voir et tu étais obligée de rire. Il faisait rigoler tout le monde dans sa classe, il perturbait un peu les cours, mais ce n'était pas méchant", raconte Maïssa devant le collège.
"Il était hyper-sociable, il cherchait toujours à savoir comment tu t'appelais, d'où tu venais."
Mélya, camarade de Shemseddine
"Il était tout le temps souriant, c'était une personne calme", ajoute un autre collégien. "C'était notre ami à tous et je ne sais même pas pourquoi il a été tué. Il était gentil avec tout le monde, c'était vraiment une bonne personne", confirment à l'arrêt de bus Ahmedou et Seckou, âgés tous deux de 15 ans. Les différents camarades de Shemseddine rencontrés dans le quartier se souviennent des parties de foot où l'adolescent portait son maillot d'Arsenal et se montrait volontiers chambreur après avoir réussi un petit pont. Ils évoquent aussi son intérêt pour la moto ou pour l'informatique. "On allait parfois ensemble en bus jusqu'à Juvisy pour manger un gros kebab", raconte également Mamadou, 17 ans, tout en réparant son scooter sur un bout de trottoir.
"Poser les mots sur l'inacceptable"
A la MJC Saint-Exupéry, située à cinq minutes du collège, on constate "la sidération" de tout un quartier. Un mur d'expression recouvre tout un pan de façade avec des mots d'hommage adressés à la jeune victime : "On t'aime fort Shams", "Justice soit faite", "On ne t'oubliera pas". La MJC a accueilli dimanche une cellule médico-psychologique et prévoit un nouveau créneau jeudi prochain. Un temps d'échange a par ailleurs été organisé vendredi soir, après l'annonce de la mort de Shemseddine, pour donner la possibilité aux jeunes et aux familles de s'exprimer. "L'émotion était forte, mais on voulait permettre à chacun de poser les mots sur l'inacceptable, sur l'inexplicable", raconte Fabienne Seban, directrice de l'association de prévention Emergence, qui va à la rencontre des jeunes.
"On est dans une ville sans trop de problèmes. Mais comme partout, on n'est pas à l'abri d'un moment de sauvagerie, d'égarement."
Fabienne Seban, directrice de l'association Emergenceà franceinfo
Le quartier souhaite désormais montrer sa solidarité. "On sent plutôt une cohésion, on ne sent pas trop de tensions", assure Yassine, 25 ans. Certains commerces ont d'ailleurs installé des cagnottes sur leur comptoir pour aider la famille de la victime. Une marche blanche sera organisée vendredi après-midi dans les rues de Viry-Châtillon. Elle s'élancera de la MJC Saint-Exupéry, avant de gagner le terrain de rugby de la ville. "Initialement, l'idée était de rejoindre le collège Les Sablons, mais j'ai peur qu'il y ait un peu trop de monde", explique le maire. Avant de se tourner vers la justice, les habitants de Viry-Châtillon sont "dans un moment de recueillement et de soutien à la famille", ajoute-t-il.
* Le prénom a été modifié.
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