Ce que l'on sait de la mort d'un adolescent de 15 ans agressé à la sortie de son collège à Viry-Châtillon

Quatre jeunes hommes ont été mis en examen pour "assassinat" dans la nuit de dimanche à lundi.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Le collège Les Sablons, à Viry-Châtillon (Essonne), le 5 avril 2024. (MIGUEL MEDINA / AFP)

Un déferlement de violence. Shemseddine, un adolescent de 15 ans violemment agressé par plusieurs personnes jeudi 4 avril à la sortie de son collège de Viry-Châtillon (Essonne), a succombé à ses blessures vendredi. Après une vague d'interpellations le même jour, quatre jeunes hommes ont été mis en examen pour "assassinat" et une jeune fille, pour "abstention volontaire d'empêcher un crime", dans la nuit de dimanche à lundi. Franceinfo résume ce que l'on sait de ce drame.

La victime a été rouée de coups à 100 mètres de son collège 

Elève de 3e, l'adolescent a été passé à tabac "entre 16 heures et 16h30" par "plusieurs individus", à moins de 100 mètres de l'établissement, selon le parquet. D'après le maire de Viry-Châtillon, Jean-Marie Vilain, qui a témoigné vendredi sur franceinfo, Shemseddine sortait du collège et rentrait chez lui au moment de son agression. Selon l'édile, il a été retrouvé "hagard dans une cage d'escalier, il ne pouvait plus répondre". Il a ensuite été transporté en urgence absolue à l'hôpital Necker, à Paris, avec un pronostic vital engagé. Il a été opéré dans la nuit et est "décédé ce jour [vendredi] en début d'après-midi", a déclaré le parquet. 

Invité de RTL lundi, Jean-Marie Vilain a annoncé que les obsèques de l'adolescent auraient lieu mardi. Une marche blanche sera également organisée "d'ici la fin de la semaine" dans la commune, pour rendre hommage au collégien. Une cagnotte, lancée par ses proches pour "apporter une aide financière pour les frais d'obsèques", avait recueilli près de 12 000 euros lundi matin.

Le collège ne posait pas de problèmes particulier, avait-il assuré dès vendredi sur franceinfo. "C'est un collège, comme dans tous les collèges de France, où il y a des adolescents qui s'engueulent ou qui se tapent dessus de temps en temps, ce qui n'est pas une bonne chose, il ne faut pas se voiler la face, a-t-il détaillé. Mais ce n'est pas un collège où il y avait de l'ultraviolence comme ça. Il y a eu des problèmes de harcèlement à quelques reprises. Mais ce n'est pas un endroit à stigmatiser particulièrement."

Les suspects disent avoir réagi à des échanges entre la victime et la sœur de deux d'entre eux

Selon les premiers éléments de l'enquête et les déclarations des gardés à vue, citées par le procureur Grégoire Dulin dimanche, deux des mis en cause avaient appris, plusieurs jours avant les faits, que "leur sœur correspondait avec des personnes de son âge sur des sujets relatifs à la sexualité". "Craignant pour sa réputation et celle de leur famille, ils avaient enjoint à plusieurs garçons de ne plus entrer en contact avec elle, a ajouté le magistrat. Ils avaient ensuite appris que la victime se vantait de pouvoir librement parler avec leur sœur, n'ayant pas encore eu à subir de pression de leur part".

Jeudi, les deux frères, accompagnés de deux connaissances, se sont alors rendus à proximité du collège Les Sablons, où ils ont croisé la victime, Shemseddine, "de manière fortuite" selon eux. Ils ont affirmé aux enquêteurs avoir demandé à l'adolescent de les suivre dans un hall d'immeuble pour avoir "une explication au sujet des propos qu'il tenait à l'égard de la jeune fille". "Le ton [est] monté et des coups [ont] été portés, entraînant la chute de la victime", selon le récit relaté par le procureur.

L'un des deux frères, âgé de 20 ans, a expliqué avoir contacté les secours. Mais, "pour assurer leur fuite", affirme le parquet, il aurait donné "de fausses indications aux services de police, en expliquant notamment qu'il avait vu plusieurs jeunes cagoulés s'enfuir à pied".

Quatre suspects et la jeune femme ont été mis en examen

L'enquête, confiée à la police judiciaire de l'Essonne, avait été ouverte des chefs d'"assassinat" et "violences en réunion aux abords d'un établissement scolaire", et cinq interpellations avaient eu lieu vendredi. Dans la nuit de dimanche à lundi, quatre jeunes hommes ont été mis en examen pour "assassinat".

Deux des mis en cause – un majeur de 20 ans et un mineur – ont été placés en détention provisoire. Les deux autres mineurs sont aussi incarcérés dans l'attente d'un débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention, mercredi, a expliqué le parquet. Le procureur a requis le placement en détention provisoire des quatre suspects, dont trois sont connus de la justice, à cause, a-t-il dit, des "risques de concertation et de pression sur les témoins, ainsi que du trouble majeur à l'ordre public suscité par l'extrême gravité des faits".

L'enquête a  permis d'établir que la sœur, âgée de 15 ans et également placée en garde à vue, n'était pas présente au moment des faits. Mais elle a été mise en examen du chef d'"abstention volontaire d'empêcher un crime". Comme le parquet l'avait requis, "une mesure éducative judiciaire provisoire a été ordonnée à son égard, avec un placement dans un établissement éducatif et l'interdiction de paraître dans l'Essonne".

Les avocats de deux des suspects ont contesté, auprès de franceinfo, la préméditation du meurtre de l'adolescent. "S'entêter sur la qualification d'assassinat, c'est prendre le risque de mettre le feu dans les quartiers", a déclaré Jacques Bourdais, avocat du frère de 17 ans de cette adolescente. "Le parquet ne joue pas l'apaisement, je ne lui demande pas de jouer l'apaisement, mais simplement de respecter le droit et les réalités du dossier." "La qualification d’assassinat retenue à ce stade, qui suppose une intention homicide et la préméditation, est en décalage complet avec la réalité du dossier", a de son côté dénoncé Arnaud Simonard, avocat d'un autre mineur de 17 ans.

Emmanuel Macron a appelé à "protéger l'école" 

L'école "doit rester un sanctuaire" face à "une forme de violence désinhibée chez nos adolescents", a réagi Emmanuel Macron, vendredi en début d'après-midi, lors d'un déplacement dans une école élémentaire parisienne, après les agressions de Shemseddine et de Samara à Montpellier

"Nous serons intraitables contre toute forme de violence", et "il faut protéger l'école de ça", a martelé le chef de l'Etat, exprimant son "plein soutien" et sa "compassion" pour Shemseddine, alors que son décès n'avait pas encore été annoncé. Mais "je ne sais pas si l'école est liée à ça" et "je ne veux pas qu'on fasse des raccourcis peut-être excessifs", a-t-il ajouté, soulignant que les faits se sont déroulés en dehors du collège de l'adolescent, et souhaitant "que la justice puisse faire la clarté le plus vite possible".

Trois jours plus tard, la porte-parole du gouvernement, Prisca Thevenot, a assuré que le gouvernement entendait "agir dès les premiers signes" de violence chez les jeunes, en annonçant sur France 2 "la mise en place de conseils disciplinaires" à l'école primaire. Egrenant les aggressions graves ayant touché des mineurs au cours de la première semaine d'avril, elle a estimé que "de tels actes de barbarie" méritaient de "regarder ce qui se passe avant", notamment "au niveau du primaire", avec "des petits faits" dont on peut se dire que "c'est pas très grave, ce sont des enfantillages" mais qui "doivent être sanctionnés directement".

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