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Froide et bouleversée, Dominique Cottrez montre les deux faces de sa personnalité

Le procès de cette femme de 51 ans, jugée aux assises du Nord, à Douai, pour un octuple infanticide, s'est poursuivi vendredi 26 juin autour du premier meurtre de nouveau-né.

Article rédigé par Violaine Jaussent - Envoyée spéciale à Douai (Nord),
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Dominique Cottrez au premier jour de son procès, le 25 juin 2015, à Douai (Nord). (ELISABETH POURQUERY / FRANCETV INFO)

"Je l'ai pris dans mes bras. Je l'ai mis sur mon ventre. J'ai attendu que le placenta tombe, et je l'ai étranglé." Après avoir peiné à livrer ses secrets, jeudi, au premier jour de son procès, Dominique Cottrez s'est enfin décidée à parler, vendredi 26 juin, et à raconter l'horreur, devant les assises du Nord. A la barre, celle qui comparaît pour les meurtres de huit de ses nouveau-nés, entre 1989 et 2007, raconte par le menu comment elle a tué le premier de ces huit bébés.

D'une petite voix, elle livre son récit d'une traite. Ses mots, prononcés dans le micro, brisent le silence glaçant de la salle d'audience. Chacun retient son souffle et se projette dans l'atrocité de ses gestes.

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Dominique Cottrez poursuit son récit. "J'ai placé le bébé dans un sac, puis dans la garde-robe. Le deuxième bébé…" La présidente de la cour d'assises l'interrompt : "On va s'arrêter là. Je vais vous interroger un peu plus longuement sur ce premier bébé." Anne Segond cherche à comprendre ce moment fondamental, le point de départ d'un cycle infernal.

"Est-ce que vous ressentez que c'est un être vivant, qui a une propre identité ?

Oui.

Donc quand vous constatez ces premiers moments de vie, vous décidez de l'éliminer... Quand prenez-vous votre décision ? Quand vous le prenez sur vous ?

Oui.

C'est un peu terrible ce que vous dites. Je ne sens plus chez vous la passivité que je sentais jusqu'ici. Pourquoi prenez-vous cette décision ?

Je me retrouve toute seule, je ne sais pas quoi faire…

Prendre la décision de le tuer, c'est pas 'je sais pas quoi faire'. Là, vous n'êtes plus dans 'je sais pas quoi faire', vous agissez."

"Je n'avais pas d'autre solution"

Si l'accusée laisse entendre qu'elle n'a donc pas prémédité son geste, la présidente de la cour d'assises semble dubitative. Le corps du premier nouveau-né tué a été retrouvé dans un sac plastique. Dominique Cottrez en aurait préparé plusieurs avant d'accoucher. "Cela veut dire que vous comptez mettre fin aux jours du bébé, l'intention est dans votre tête ?" demande Anne Segond, sur un ton doux, mais clair et direct. Dominique Cottrez acquiesce.

"En quoi avoir un troisième bébé était-il si insupportable ?

Je ne sais pas. [Elle marque un silence.] Je n'avais pas d'autre solution.

Mais par rapport à quoi n'aviez-vous pas de solution ? C'était quoi, la chose à laquelle vous pensiez ?

Je pensais qu'il pouvait être de mon père.

Vous y avez pensé à ce moment-là ? C'est la raison fondamentale ?

Oui."

Dominique Cottrez a la voix serrée, et les yeux larmoyants. Elle se contient, mais peut craquer à tout moment. C'est Yves Crespin, avocat de L'Enfant bleu-Enfance maltraitée, une association qui s'est constituée partie civile, qui appuie sur la détente.

"Vous avez espéré d'autres solutions ?

Je n'avais pas d'autre solution.

Pas d'autre solution que de tuer ?

Oui."

Dominique Cottrez s'effondre. On entend le bruit de ses pleurs dans son micro. Elle porte la main à son visage et essuie ses larmes, qui embuent les verres de ses lunettes. A l'évocation de l'inceste, l'émotion, trop forte, a pris le dessus.

"Pas de plaisir à tuer"

C'est l'un de ses avocats, Frank Berton, qui parvient à résumer son comportement. Il souligne que sa cliente fait des efforts pour répondre aux questions qui l'assaillent. "Et pourtant, on a aussi des impressions de froideur", reconnaît-il. Car Dominique Cottrez décrit son mode opératoire sans jamais minimiser les faits.

A la barre, la quinquagénaire explique ainsi comment, après l'accouchement, elle a nettoyé le sang, les serviettes et les draps dans le lit conjugal. Comment, ce soir-là, elle a pu dîner avec son mari et ses filles, après avoir tué son nouveau-né. Comment, ensuite, elle a persuadé son époux de dormir dans le salon, en bas. Dominique Cottrez est-elle en train de tomber le masque, de dévoiler qu'elle est, au plus profond d'elle-même, une meurtrière ? Son avocat tente de démontrer que non. "Vous avez pris du plaisir à tuer ?" interroge Frank Berton. "Non", répond l'accusée, en baissant la tête.

Si Dominique Cottrez n'est pas un monstre, alors qui est-elle ? Une femme à la personnalité changeante. Froide et méthodique d'un côté, émotive et bouleversée de l'autre. Une bonne mère aux yeux de ses deux filles, mais capable de tuer ses huit autres enfants. "Ces bébés, je ne les voulais pas", lâche-t-elle pour se justifier. Dominique Cottrez apparaît ainsi comme une femme passive, et pourtant très déterminée lorsqu'elle décide d'agir. Une femme qui n'assume pas l'ambiguïté de sa personnalité, et qui se contredit sans cesse.

"Je ne sais pas moi-même où est la vérité"

"Faites très attention aux questions que je vous pose, parce que vous voyez, là, vous dites quelque chose et son contraire en trente secondes, la sermonne la présidente. Quand vous n'êtes pas sûre, vous me demandez de répéter, d'accord ?" Son avocate, Marie-Hélène Carlier, l'interroge :

"Vous avez dit : 'Je ne sais pas moi-même où est la vérité.' Vous confirmez ?

– C'est ça. Je ne sais pas.

– Vous attendiez quoi, quand vous dites que vous espériez qu'on vous aide ?

– Qu'on me pousse à aller chez le médecin, qu'on m'accompagne."

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