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Mort d'Adama Traoré : une nouvelle expertise médicale évoque un lien possible avec l'interpellation des gendarmes

Les conclusions de précédentes expertises médicales avaient dédouané les gendarmes. 

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
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Une banderole "Justice pour Adama" tenue lors d'une manifestation à Beaumont-sur-Oise, le 20 juillet 2019. (KENZO TRIBOUILLARD / AFP)

La mort d'Adama Traoré est possiblement liée à son interpellation par les gendarmes, selon une expertise médicale que franceinfo a pu consulter lundi 8 février. D'après les experts, Adama Traoré a été victime juste avant sa mort d'un "coup de chaleur à l'exercice" après sa course-poursuite avec les gendarmes, et les conséquences de ce coup de chaleur ont pu être aggravées par les manoeuvres des militaires lorsqu'ils ont procédé à son interpellation. Ses pathologies antérieures ont pu jouer mais "dans une plus faible mesure".

Dans leurs conclusions, les médecins estiment que "seule la notion d’au moins une phase d’immobilisation avec contention, dont les détails ne sont pas relatés de manière unanime est susceptible de fournir une piste d’explication". Au moment de l’interpellation et après la course-poursuite avec les gendarmes, "on peut penser que M. Traoré se trouvait, au moment de l’application des manœuvres de contention, dans une situation d’hypoxie sérieuse à laquelle la procédure d’immobilisation pour placement de menottes dans le dos a vraisemblablement contribué".

"L’immobilisation d’un individu en position ventrale pour menottage dans le dos (…) peut entraîner un décès inopiné", poursuivent les experts. 

Sans l’application de ces manœuvres de contrainte, on peut penser que monsieur Traoré n’aurait pas présenté l’évolution dramatique constatée ensuite.

Médecins

auteurs de la nouvelle expertise

Cette nouvelle expertise avait été demandée en juillet 2020 par les juges d'instruction chargés de l'enquête sur la mort d'Adama Traoré, décédé en 2016 après son interpellation par des gendarmes. Elle avait été confiée à des médecins belges.

Les deux autopsies et les quatre expertises précédentes missionnées par la justice, dont une a été annulée, ont jusqu'ici mis en avant des antécédents médicaux, notamment cardiaques et génétiques, pour expliquer ce décès, dédouanant ainsi les gendarmes.

Cette nouvelle expertise effectuée par des médecins belges va dans le sens des parties civiles, se satisfait l’avocat de la famille Traoré, Me Bouzrou. Ce dernier avait déjà versé au dossier deux rapports de quatre médecins choisis par la famille qui évoquaient la responsabilité des gendarmes.

Satisfaction de la famille

Les "conclusions sont très claires", pour Yassine Bouzrou, avocat de la famille Traoré. "Selon les experts belges mandatés par les juges d’instruction, sans l’interpellation d’Adama Traoré, ce dernier ne serait pas mort. Nous savons aujourd’hui que parmi les causes de la mort, il y a la violence de l’interpellation et notamment un plaquage ventral qui aujourd’hui a clairement un rôle important dans le décès d’Adama Traoré", insiste-t-il. "Les experts indiquent qu’on ne meurt pas d’un coup de chaleur, mais c’est l’interpellation et notamment la compression sur le corps de monsieur Traoré qui a conduit à son décès. Sans cette interpellation, Adama Traoré serait vivant. Donc aujourd’hui, on ne pourra plus affirmer qu’Adama Traoré est mort tout seul", poursuit l’avocat de la famille.

De son côté l’avocat des gendarmes, Maître Rodolphe Bosselut, observe, dans un communiqué, que les experts écartent "l’existence de la moindre asphyxie positionnelle dénoncée de façon récurrente par les parties civiles". Les experts ont "considéré que le diagnostic d’un 'coup de chaleur à l’exercice' pouvait être envisagé comme ayant contribué au décès d’Adama Traoré, état qui aurait pu être aggravé par les antécédents pathologiques dont souffrait Adama Traoré, à savoir un trait drépanocytaire, un déficit en glucose-6-phosphate déshydrogénase d’origine génétique et une sarcoïdose pulmonaire", indique-t-il et que certes "les manœuvres 'momentanées de contrainte' des gendarmes auraient pu contribuer à ce tableau multifactoriel".

L'avocat des gendarmes rappelle dans ce communiqué "que les gestes règlementaires opérés par les trois gendarmes l’ont été au regard de la rébellion d’Adama Traoré et ce alors même que ces trois agents étaient dans l’ignorance la plus complète des antécédents médicaux de cet homme et de ce qui pouvait s’être produit physiologiquement pour lui. A ce jour, les trois gendarmes dont nous assurons la défense réaffirment de plus fort leur totale innocence."

Adama Traoré, jeune homme de 24 ans, est mort le 19 juillet 2016 dans le Val-d'Oise à la suite d'une interpellation. Ses proches sont convaincus que son décès a été provoqué par un plaquage ventral, ce que réfutent les trois gendarmes qui l'ont interpellé.

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