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Police de sécurité du quotidien : "La police coupée de la population est une police impuissante et aveugle"

Selon le conseiller au ministère de l'Intérieur lors de la mise en place de la police de proximité en 1998, Jean-Pierre Havrin, "il faut dire que toutes les forces de police sont au service de la population et non pas au service du pouvoir pour faire des chiffres."

Article rédigé par franceinfo
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Jean-Pierre Havrin, le 3 avril 2012. (ERIC CABANIS / AFP)

La police de sécurité du quotidien était une promesse de campagne d'Emmanuel Macron. Le président de la République doit en dévoiler les contours mercredi 18 octobre, lors d'un discours à l'Élysée devant les cadres et représentants des policiers. Elle devrait être expérimentée début 2018 dans une quinzaine de villes.

Une initiative saluée par Jean-Pierre Havrin qui était conseiller au ministère de l'Intérieur lors de la mise en place de la police de proximité en 1998. "La police coupée de la population est une police impuissante et aveugle", a-t-il déclaré mercredi sur franceinfo.

franceinfo : C'est bel et bien le retour de la police de proximité ?

Jean-Pierre Havrin : Je l'espère. Il va falloir voir le détail. L'idée de rapprocher la police de la population, c'est très important. La police coupée de la population est une police impuissante et aveugle. Ce qui est important, c'est d'avoir du renseignement et aujourd'hui encore plus que d'habitude parce que ça peut servir pour le renseignement judiciaire, mais aussi pour les signaux faibles pour les gens qui vont dériver. Les policiers de terrain seraient les seuls à pouvoir capter ça.

Quel pourrait être le rôle de cette police en lien avec les services de renseignement ?

C'est le rôle de premier renseignement de base. Ils peuvent détecter ces signaux faibles que les services ne peuvent pas connaître ou difficilement. La seule condition, c'est que ça remonte par la hiérarchie et que les services jouent tous le jeu de la remontée de l'information. Je crois que c'est possible. On l'a vu en matière judiciaire, par exemple à Toulouse. On a fait des affaires judiciaires très ciblées parce qu'on ne se trompait pas d'adversaires ou de cibles, parce qu'on était extrêmement bien renseignés. Et en plus, la confiance de la population dans la police, c'est fondamental. Je n'ai jamais compris pourquoi la police française serait condamnée à être coupée de la population.

Elle l'est aujourd'hui ?

Elle l'est un peu. En plus, elle est désarçonnée. On voit bien le malaise policier en ce moment. Les policiers ont vraiment conscience qu'ils ne font pas tout à fait leur mission. Ils sont conditionnés par la politique du chiffre qui les oblige à faire des affaires qui rapportent. Tous les soirs, il faut tant de résultats et ça fait abandonner des missions prioritaires. Il faut donc se recentrer. Politiquement, il faut dire que toutes les forces de police sont au service de la population et non pas au service du pouvoir pour faire des chiffres.

Toulouse avait été une ville-pilote de la police de proximité en 1999. Vous étiez alors directeur départemental de la sécurité publique de Haute-Garonne. Quels ont été les résultats ?

Cela avait été difficile, parce qu'on était parti juste après des émeutes où un policier avait tué un jeune par accident. Il y a eu une phase de reconquête du terrain très dure, très violente. Puis, peu à peu, au bout d'un an et demi ou deux ans, les policiers ont commencé à patrouiller à pied, en tenue normale. Et là, c'est vraiment un cercle vertueux. Les gens ont compris, se sont rapprochés des flics. Les gens leur parlaient, ça a créé un climat de confiance, même dans un quartier difficile, comme celui du Mirail à Toulouse, ça a bien fonctionné. Et en plus, contrairement à ce qui était dit, ça donnait des résultats judiciaires tout à fait convaincants. Après, il faudra voir les moyens qui sont mis. On sait que les recrutements seront un peu limités.

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