Les migrants de Calais victimes de violences policières, selon Human Rights Watch
L'association a recueilli le témoignage de migrants en transit dans cette commune du Pas-de-Calais. Elle dénonce, dans un rapport dévoilé mardi, des actes "gratuits, injustifiés, excessifs" de la part des forces de l'ordre.
Des actes "gratuits, injustifiés, excessifs". Human Rights Watch (HRW) dénonce, mardi 20 janvier, les violences des forces de l'ordre envers les migrants qui s'entassent à Calais (Pas-de-Calais), dans l'attente d'un passage vers le Royaume-Uni.
Dans un rapport dévoilé par Le Monde et France Info, l'organisation rapporte le témoignage de 44 migrants. Parmi eux, 19 ont déclaré avoir été maltraités au moins une fois par la police. Vingt et un avaient déjà été aspergés de gaz, dont deux enfants, et huit ont eu un membre cassé.
Que racontent les migrants ?
D'après les témoignages recueillis par l'ONG, les migrants seraient parfois victimes de coups quand les policiers leur demandent de descendre des camions où ils se cachent pour rejoindre l'Angleterre. "La police a examiné le camion, m'a trouvé, raconte un migrant, cité par France Info. J'ai dit : 'S'il vous plaît, aidez-moi', mais ils m'ont battu. Je me suis effondré devant le camion et ils m'ont roué de coups sur le sol."
D'autres passages à tabac auraient eu lieu en dehors de ces tentatives de rejoindre l'Angleterre. "Je marchais normalement quand trois policiers sont sortis de leur camionnette et m'ont frappé à coups de bottes et de matraque, assure un Erythréen. Après m'avoir frappé, un policier a dirigé une lampe sur moi et m'a rit au nez." Un Afghan affirme, de son côté, avoir été poursuivi alors qu'il tentait de capter du réseau wifi dans la rue. "[Les policiers] m'ont aspergé [avec du gaz lacrymogène] et quand je me suis retourné, ils m'ont frappé, explique-t-il. J'avais du sang sur le visage, sous mon œil, sur mon nez et le genou."
"On sait que la police a le droit (...) de forcer quelqu'un à descendre d'un camion s'il est monté illégalement, affirme Jean-Marie Fardeau, directeur de Human Rights Watch France, sur France Info. En revanche, elle n'a pas le droit, une fois la personne descendue, de lui taper dessus, de lui mettre du gaz lacrymogène dans les yeux, de la rouer de coups jusqu'à avoir des fractures."
Ces témoignages sont-ils fiables ?
Le rapport a été réalisé par Izza Leghtas, chercheuse pour Human Rights Watch, qui a passé "plusieurs jours à Calais" en novembre et décembre 2014 pour réaliser "des entretiens longs" avec les migrants. Certains de leurs témoignages ont été recueillis directement à l'hôpital, aux urgences, où ils ont été soignés, précise France Info. "Elle a réussi à trouver toutes ces personnes sans mal, assure Jean-Marie Fardeau. On est sûr de ce qu'on avance sinon, évidemment, on n'accuserait pas la police à la légère."
Ce travail n'a rien de statistique, précise tout de même Le Monde. Mais le journal explique avoir recueilli des témoignages similaires lors de ses deux derniers reportages à Calais. En 2012, des associations avaient déjà dénoncé de telles violences. Le Défenseur des droits, rappelle le quotidien, avait estimé que ces faits étaient "avérés", "au regard de la multiplicité des témoignages recueillis sur rapport, sur enregistrement audiovisuel et à l'occasion du déplacement [de ses] agents".
Que répond le ministère de l'Intérieur ?
Bernard Cazeneuve "regrette que l'association Human Rights Watch n'ait pas pris la peine de vérifier les allégations de violences policières dont elle fait état". Dans un communiqué cité par France Info, le ministre invite l'ONG à "saisir les autorités des éléments tangibles qu'elle aurait pu recueillir afin que des enquêtes approfondies et impartiales puissent être menées sur ces faits".
En réponse, Jean-Marie Fardeau demande à la place Beauvau de se saisir d'elle-même du dossier. "Les gens ne veulent pas porter plainte pour ne pas avoir de problèmes avec la police", explique-t-il. Le directeur de Human Rights Watch France reconnaît que l'augmentation du nombre de migrants à Calais ces derniers mois est un "problème", mais cela "ne justifie absolument pas qu'on s'en prenne violemment à ces personnes qui cherchent seulement une vie meilleure".
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