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Commissariats fermés, manif en janvier... Après les "gilets jaunes", les policiers veulent faire entendre leur ras-le-bol

Le syndicat Unité SGP Police FO a mis en garde contre un "acte 1 de la colère des forces de l'ordre", tandis qu'Alliance appelle à une "première journée d'action" à travers la France, mercredi. 

Article rédigé par Valentine Pasquesoone
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Des policiers près de "gilets jaunes" manifestant place de l'Opéra, à Paris, le 15 décembre 2018.  (DENIS MEYER / HANS LUCAS)

Après la fronde des "gilets jaunes", la colère des "gilets bleus" ? Depuis plusieurs jours, des syndicats de policiers appellent à une mobilisation des forces de l'ordre à travers le pays afin de revendiquer de meilleures conditions de travail et une revalorisation de leur budget. Ils seront reçus, mardi 18 décembre, par le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner. "La porte est ouverte" pour une rencontre "sur les thématiques qu'ils ont souhaitées", a promis lundi soir Laurent Nuñez, secrétaire d'Etat à l'Intérieur. 

"Alliance n'entend pas se laisser 'endormir' et ne succombera pas aux chants des sirènes", a prévenu le syndicat Alliance police nationale sur Facebook, lundi soir. "Les policiers attendent du concret, Alliance se rend place Beauvau pour le récupérer", et "demande aux collègues de se mobiliser jusqu’à obtention de l'ensemble de notre dû." Pour quelles raisons, et comment les syndicats entendent-ils se mobiliser ? Explications. 

Une "journée noire" dans les commissariats mercredi

Quelle est la mobilisation annoncée ? Le syndicat Alliance police nationale a appelé, lundi à travers un communiqué, à une "journée noire pour la police" mercredi. Le mot d'ordre ? "Fermons les commissariats." "Pour cette première journée d'action, les policiers sont conviés à rester dans les services et à ne répondre qu'aux appels d'urgence", annonce le syndicat. Sans réponse rapide de la part du gouvernement, "d’autres types d’actions seraient alors mises en œuvre", prévient également Alliance. 

"Nous invitons les agents à faire le service minimum, c'est-à-dire à ne pas patrouiller, à n'intervenir que sur réquisition. Il y aura aussi quelques gestes symboliques, avec des grilles fermées, précise à franceinfo Pierre Tholly, secrétaire général du syndicat en Auvergne-Rhône-Alpes. Nous voulons créer un électrochoc."

L'Unsa Police, qui sera reçue à 19 heures par le ministre de l'Intérieur mardi, appelle de son côté les policiers à s'engager dans un mouvement "service minimum - 100% prévention" dès mardi. Le syndicat "demande à être reçu par le président de la République pour lui porter les légitimes revendications de tous les policiers", a prévenu l'organisation via un communiqué, lundi. "A défaut, l'Unsa Police s'engagera dans d'autres actions", annonce également le syndicat, ajoutant que "les ronds-points ne sont pas réservés qu'aux seuls 'gilets jaunes'"

Que demandent les policiers mobilisés ? L'opération Fermons les commissariats, lancée par Alliance, vise à dénoncer la baisse du budget alloué aux opérations des forces de l'ordre, explique le syndicat dans son communiqué. "Ce budget subit une baisse de 62 millions d’euros sur l’investissement dans la police nationale, ce qui engendrera une fois de plus une dégradation de nos conditions de travail", alerte Alliance, réclamant "un budget type 'Plan Marshall'" pour les policiers. "Ce budget doit prendre en considération un plan de modernisation tant sur le plan immobilier que sur le plan des équipements", et "prendre en compte l’engagement sans faille des forces de sécurité, non seulement ces dernières semaines mais depuis plusieurs années."

Face à ce genre de mouvements sociaux (les "gilets jaunes"), nous ne sommes pas en capacité de répondre correctement. On manque cruellement de matériel, et les collègues ne sont pas à même de se protéger.

Pierre Tholly, secrétaire d'Alliance police nationale en Auvergne-Rhône-Alpes

à franceinfo

"Les collègues ont eu peur, poursuit Pierre Tholly. Je n'avais jamais vu ça en trente ans de police. Il y a eu une vraie crainte des policiers, et énormément de blessés... Il faut pallier à l'urgence." 

Un rassemblement de "gyros bleus" jeudi

Quelle est la mobilisation annoncée ? Un mouvement intitulé les "gyros bleus" appelle à un rassemblement, jeudi dès 21h30, à Paris, devant le commissariat de police place Clemenceau, dans le 8e arrondissement. L'appel a été relayé sur Facebook par l'association Mobilisation des policiers en colère, qui appelle elle aussi au rassemblement. "Nous serons présents à leurs côtés le 20 décembre et nous appelons naturellement toutes les organisations syndicales et diverses associations et collectifs à s’unir sous une seule et même bannière : celle des policiers en colère", explique l'association sur le réseau social. 

Que demandent les policiers mobilisés ? Dans une vidéo relayée par l'association Mobilisation des policiers en colère, le mouvement des "gyros bleus" évoque des policiers "qui sont à bout, qui n’en peuvent plus, qui sont lessivés, désabusés, meurtris, trop souvent oubliés et délaissés". "Il faut que ça cesse !", lance le mouvement. "Plus de demi-mesures, plus de chair à canon, passons à l'action. Défendons notre métier, dénonçons le ras-le-bol, la fatigue et la pression", défendent encore les "gyros bleus".

Un "acte 1 de la colère des policiers" en janvier

Quelle est la mobilisation annoncée ? Après la très forte mobilisation des forces de l'ordre ces dernières semaines, en raison du mouvement des "gilets jaunes", le syndicat Unité SGP Police FO a appelé, samedi, au lancement de "l'acte 1 de la colère des policiers". Un appel réitéré avec le syndicat FSMI-FO, lundi sur Twitter. 

Unité SGP Police FO a envoyé une lettre à Emmanuel Macron mardi, demandant sa "reconnaissance au-delà des mots et gestes formulés à notre endroit, mais demeurés insuffisants pour nos pairs". "Des avancées sociales significatives doivent être prononcées sans délai au bénéfice de tous ces agents", peut-on lire dans ce courrier consulté par franceinfo. Le 10 décembre, après les annonces du chef de l'Etat en réponse à la colère des "gilets jaunes", le syndicat s'était indigné du silence du président sur les conditions de travail des forces de l'ordre. "Rien pour les gradés, gardiens et adjoints de sécurité ! C'est inacceptable ! Grâce aux forces de sécurité, la République a tenu, la reconnaissance s'impose immédiatement !" avait réagi le syndicat. 

Dans un communiqué publié lundi, le syndicat a appelé à une réunion intersyndicale jeudi, et a annoncé qu'il attendait des "actes concrets" de la part du gouvernement. "Nous sommes reçus ce soir à 18 heures, nous attendons des actes ce soir", explique à franceinfo Yves Lefebvre, secrétaire général d'Unité SGP Police FO. "Si nous n'avons pas de réponses ce soir, nous envisageons des actions dès demain. Et il y aura une grande manifestation nationale unitaire au plus tard le 26 janvier", poursuit le syndicaliste. Yves Lefebvre ne "s'interdit pas" d'appeler également à rejoindre l'action Fermons les commissariats. 

Que demandent les policiers mobilisés ? "Violences, mépris, emploi intensif, décalages horaires, rappels... Les policiers, PATS (personnels administratifs, techniques et spécialisés) et ADS (adjoints de sécurité) sont à bout, ils en appellent à la reconnaissance de l’Etat", alerte le syndicat. "La fatigue a atteint un point sommital", abonde Yves Lefebvre. "J’attends ce soir une augmentation dès janvier de 115 euros par mois pour les 100 000 gradés et gardiens de la paix", précise le secrétaire général d'Unité SGP Police FO. "Je veux un budget pour la résolution et le paiement des heures supplémentaires", et "1 000 CRS" supplémentaires, poursuit-il. "Nous avons permis au président et à son gouvernement de rester en lieu et place, maintenant il faut qu’il nous renvoie l’ascenseur, insiste Yves Lefebvre. Il nous faut des actes forts marqués dans le marbre."

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