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BAC de Marseille : "Plus on dénonçait, plus les autres jetaient l'opprobre sur nous"

Sébastien Bennardo, l'un des quatre policiers ayant dénoncé les trafics auxquels se livraient certains membres de la brigade anti-criminalité de Marseille, a accordé un entretien à "Libération".

Article rédigé par franceinfo
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Des policiers à Grasse (Alpes-Maritimes), le 28 février 2012. (VALERY HACHE / AFP)

C'est la première fois qu'il témoigne à visage découvert : Sébastien Bennardo, l'un des quatre policiers qui ont dénoncé les agissements de leurs collègues à la BAC nord de Marseille accorde, lundi 17 décembre, un long entretien à Libération. Il y livre des détails sur les faits qui ont conduit à la mise en examen de 12 policiers pour vols en bande organisée, extorsion de fonds en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants.

Les chefs ferment les yeux sur des extorsions

L'ancien policier, qui affirme avoir été mis à l'écart suite à ses dénonciations, dénonce également le laissez-faire de certains de ses supérieurs.

Arrivé à la BAC nord de Marseille en 2006, Sébastien Bennardo affirme avoir alerté sa hiérarchie dès 2008. A l'époque, "mon indic de la porte d'Aix me dit que des collègues de la BAC nord ont arrêté des mecs pour contrebande de cigarettes et ont saisi 200 cartouches. Au service, j'ai vu dans le livre qu'il n'y avait pas d'arrestations inscrites. J'ai demandé à l'officier qui m'a répondu : 'Occupe-toi de ce qui te regarde'", raconte l'ex-flic de 36 ans, devenu pizzaïolo après avoir été révoqué - il a relâché sans autorisation un trafiquant de drogue qui servait d'indic.

Des exemples comme celui-ci, Bennardo en a plusieurs, qu'il raconte en citant nommément certains de ses collègues. D'un naturel têtu, le jeune policier se heurte, selon lui, à un mur lorsqu'il tente de dénoncer les faits à l'époque. Il lui faudra attendre l'automne 2011 et l'arrivée du préfet Alain Gardère, envoyé par Nicolas Sarkozy pour "faire le ménage" à Marseille, pour être écouté.

"Dans la police, il vaut mieux garder le silence"

C'est le témoignage, dans le bureau du préfet, de Bennardo et de trois de ses collègues, qui témoignaient jusqu'ici sous X, qui conduira à 30 interpellations et 12 mises en examen. Les enquêteurs ont trouvé chez certains policiers de la brigade de la drogue, de l'argent liquide et des bijoux vraisemblablement extorqués à des voyous lors d'interpellations et gardés pour leur compte, voire revendus.

"A partir de 2009, nous quatre, on parlait haut et fort en interne. Mais plus on dénonçait, plus les autres jetaient l'opprobre sur nous", affirme Bennardo. Aujourd'hui, l'ancien flic a l'impression d'être laissé sur le carreau. "Quand je suis passé en conseil de discipline [pour l'affaire qui lui vaudra sa révocation], le 15 mai (2012), [le préfet] Gardère m'a dit qu'il ne pouvait pas me sauver, sinon toute l'affaire des ripoux tombait à l'eau."

Il raconte même craindre pour sa vie, et explique dans Libération comment certains de ses collègues auraient, par le passé, tendu un piège mortel à un indic gênant.

"On (lui et ses trois collègues) a indiqué leurs points de vente, leurs cachettes dans les faux plafonds du commissariat. Et tout ce qu'on a dit s'est avéré exact. Mais nous, on sait que l'un de nous quatre va mourir. La morale, c'est que, dans la police, il vaut mieux garder le silence et laisser l'omerta perdurer."

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