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Seine-Saint-Denis : ce que l'on sait de la mort d'un homme à Sevran, tué par un policier

Le policier auteur du tir a été mis en examen samedi pour "violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner", une semaine après les faits.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Un couple de retraités a été découvert mort à son domicile le 6 mai 2023 à Grasse (Alpes-Maritimes). (MAXPPP)

Le policier qui a tué un homme de 33 ans le 26 mars, d'un tir de son arme de service lors d'un contrôle routier à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), a été mis en examen, samedi 2 avril, pour "violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner", a annoncé le parquet de Bobigny. Il a été placé sous contrôle judiciaire, conformément aux réquisitions du procureur.

La victime, qui avait réussi à redémarrer au volant de son véhicule, avait été retrouvée dans la commune voisine de Sevran. Elle est morte quelques heures plus tard à l'hôpital. Après la mort de ce père de famille, des violences ont eu lieu pendant plusieurs nuits consécutives à Sevran, Aulnay-sous-Bois et Tremblay-en-France. Franceinfo récapitule ce que l'on sait de ce drame.

Le policier a tiré lors d'un contrôle routier

Les faits se sont déroulés à la mi-journée, samedi 26 avril, d'abord à Aulnay-sous-Bois. Le mis en examen circulait dans une voiture banalisée avec trois autres policiers de la brigade anticriminalité de la ville. Il en est descendu seul pour contrôler le véhicule de la victime, alors qu'ils étaient bloqués dans des embouteillages à un feu rouge, a expliqué le procureur, se reposant sur les témoignages de ses trois collègues et la vidéosurveillance.

Lors de sa première audition, le brigadier de 32 ans a reconnu être l'auteur du tir. Selon le procureur, il a affirmé "s'être placé au niveau de la vitre conducteur, avoir levé son arme en criant : 'Police !'" puis "avoir tenté à plusieurs reprises d'ouvrir la portière qui était verrouillée". Il dit avoir vu "le conducteur enclencher une vitesse et accélérer fortement", a poursuivi le magistrat. Se sentant "déséquilibré", le policier a affirmé aux enquêteurs "s'être senti en état de légitime défense" et "avoir fait feu pour cette raison".

La scène a duré moins d'une minute, explique le procureur. Sur place, un étui percuté de calibre 9 mm a été retrouvé. La balle a traversé la carrosserie et le dossier du siège de la victime. La version du policier "a beaucoup varié", accuse Arié Alimi, un des avocats de la famille de la victime, selon lequel "il a d'abord dit que c'était un tir accidentel". C'est ce qu'affirmait Libération jeudi, sans détailler ses sources, mais le procureur n'a pas évoqué de telles déclarations. L'avocat affirme par ailleurs que le mis en examen "ne portait a priori pas de brassard" et "n'était donc identifiable" comme policier, un autre élément évoqué par Libération citant "une source proche du dossier", mais non confirmé par le procureur. 

La camionnette, qui avait redémarré, a fini sa course en percutant un véhicule en stationnement plusieurs centaines de mètres plus loin, sur la commune voisine de Sevran. Le chauffeur, grièvement blessé à l'omoplate gauche, est mort quelques heures après son admission à l'hôpital. L'autopsie a confirmé que le tir était à l'origine de son décès.

La fourgonnette avait été déclarée volée

La victime, prénommée Jean-Paul, était âgée de 33 ans. La fourgonnette dans laquelle il circulait au moment des faits avait été déclarée volée, le jour même, au commissariat d'Aulnay-sous-Bois, où une plainte avait été déposée et une enquête ouverte. "Ce que je sais, c'est qu'elle a été signalée volée et que ça ne veut pas forcément dire qu'elle a été volée", a déclaré sur franceinfo un des avocats de sa famille, Arié Alimi, expliquant les faits par un litige entre la victime, chauffeur livreur indépendant et son employeur, un prestataire de livraison de colis à qui appartenait le véhicule. Selon lui, le vol n'est donc pas caractérisé.

"Il y avait un différend entre mon client, autoentrepreneur, et son client qui ne l'avait pas payé. C'est la raison pour laquelle la fourgonnette avait été retenue."

Arié Alimi, avocat

sur franceinfo

Dans les colonnes du ParisienSébastien Bastaraud, adjoint au maire de Sevran, présente la victime comme une "figure" des Beaudottes, un quartier de la ville où il était "très, très apprécié". Il avait été condamné pour des faits de "vol et recel", selon l'un des avocats de la famille, Steeve Ruben, cité par l'AFP. Il avait tourné cette page de sa vie quand il avait rencontré sa compagne, a relaté un autre avocat de ses proches, Philippe-Henry Honegger, qui le présente dans Le Parisien comme "un modèle de réinsertion".

La famille de la victime a déposé une plainte

La famille de Jean-Paul a déposé plainte avec constitution de partie civile pour "homicide volontaire" mardi, selon le document transmis au doyen des juges d'instruction du tribunal judiciaire de Bobigny, que franceinfo a pu consulter.

"L'infraction criminelle d'homicide volontaire est caractérisée", peut-on lire dans cette plainte de la famille, représentée par les avocats Philippe-Henry Honegger, Steeve Ruben et Arié Alimi. Ils estiment que le policier, formé à l'usage des armes à feu, "ne pouvait légitimement pas ignorer la létalité" de son tir. Une vidéo de la scène filmée par un témoin a été transmise avec la plainte. 

"Il disposait de la possibilité de viser le véhicule afin de le stopper [et] avait parfaitement conscience qu'un tir en direction du haut du corps (...) entraîne la mort."

La famille de la victime

dans sa plainte

Un des avocats de la famille, Philippe-Henry Honegger, a lancé un appel à témoins mardi pour recueillir des éléments pouvant corroborer ou infirmer la version livrée par la police.

Le policier a été mis en examen

Le policier qui a tué le conducteur de la fourgonnette a été placé en garde à vue mercredi. D'abord hospitalisé en "état de choc", il n'avait pu être entendu plus tôt, selon le procureur.

Présenté à un juge d'instructions vendredi, il a été mis en examen pour "violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, par personne dépositaire de l'autorité publique et avec arme" et placé sous contrôle judiciaire, a annoncé samedi le parquet de Bobigny, dont les réquisitions ont été suivies. Il encourt une peine maximale de 20 ans de réclusion criminelle.

Son contrôle judiciaire lui interdit notamment d'exercer l'activité de policier, de porter une arme et de se rendre en Seine-Saint-Denis. Dans un premier temps, les juges d'instruction avaient demandé son placement en détention provisoire, finalement écarté par le juge des libertés et de la détention "après un débat contradictoire", précise le communiqué du parquet.

Le drame a entraîné cinq nuits de violences

La mort de Jean-Paul a provoqué cinq nuits consécutives d'échauffourées dans plusieurs communes limitrophes de Seine-Saint-Denis. A Sevran, Aulnay-sous-Bois et Tremblay-en-France, des véhicules et des poubelles ont été incendiés et des projectiles jetés sur les forces de l'ordre.

Les policiers ont procédé à 39 interpellations pour des faits de violence et des dégradations. Quinze personnes ont été déférées en vue d'une comparution immédiate, parmi lesquelles huit mineurs, qui ont été présentés devant un juge des enfants. Deux gardes à vue étaient toujours en cours vendredi après-midi. Six condamnations ont également été prononcées, selon un bilan établi par le parquet.

Une marche blanche en hommage à la victime a eu lieu samedi matin à Aulnay-sous-Bois, réunissant dans le calme environ 200 personnes, selon un journaliste de franceinfo sur place.

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