Policiers brûlés à Viry-Châtillon en 2016 : on vous résume les révélations de Mediapart sur l'affaire
Le média en ligne révèle notamment que des retranscriptions d'auditions menées par les policiers en janvier 2017 ont été tronquées.
Nouveau rebondissement dans l'affaire des policiers grièvement brûlés à Viry-Châtillon en octobre 2016. Alors que cinq jeunes hommes ont été condamnés en appel à des peines allant de 6 à 18 ans de prison par la cour d'assises des mineurs de Paris le 18 avril – trois d'entre eux se sont pourvus en cassation, huit ont été acquittés – Mediapart révèle, dans une enquête publiée dimanche 16 mai, les dessous de l'enquête menée par des policiers de la sûreté départementale de l'Essonne. Cinq avocats de la défense ont déposé plusieurs plaintes notamment pour "faux en écriture publique", visant des policiers. Franceinfo fait le point sur ces révélations.
Les propos du témoin principal ont été déformés
Mediapart structure son enquête autour de Bilal*, présenté comme le témoin principal. Interpellé en janvier 2017, il est placé en garde à vue pendant trois jours, et "passe du statut de mis en cause à témoin car il a livré une liste de 22 jeunes de la cité, dont 13 iront aux assises", explique Mediapart, qui s'est procuré les vidéos de son interrogatoire. Le média en ligne révèle que ses propos ne correspondent pas aux retranscriptions des policiers dans les procès-verbaux.
Témoin central de l'affaire, dont les témoignages ont été déterminants lors de l'instruction des deux procès aux assises (première instance et appel), Bilal, "un témoin fragile", aurait reçu des menaces, selon Mediapart, qui explique que les policiers "ont déformé ses propos pour incriminer plusieurs jeunes de La Grande Borne". Dont Foued* et Dylan*, tous les deux acquittés en appel lors du procès d'avril 2021. "Alors qu’il a inscrit le prénom de Dylan, 20 ans, sur sa fameuse liste, Bilal déclare à plusieurs reprises aux policiers qu’il n’a pas participé. 'Je sais pas si il était prévu', explique-t-il également, selon la retranscription de la vidéo de l’audition. Dans leur procès-verbal, les policiers écrivent pourtant l’inverse : 'Je sais qu’il était prévu'", note Mediapart.
Des omissions dans les dépositions de deux mis en cause
"Au cours de leurs investigations, les enquêteurs ont rédigé des procès-verbaux truqués, ne correspondant pas aux déclarations de plusieurs mis en cause", révèle Mediapart, qui publie les vidéos de deux mis en cause, Foued, 18 ans, et Dylan, 20 ans, au moment des faits.
Mediapart partage notamment l'audition du premier, acquitté en appel après avoir passé quatre ans et trois mois en détention. Dans la vidéo de l'interrogatoire, on le voit répéter à de nombreuses reprises qu'il n'a pas participé à "l'attaque" de Viry-Châtillon. "Je ne suis pas fou, je ne l'ai pas faite, cette attaque. Dans ma tête, je ne l'ai pas fait", dit Foued. Ses propos, explique Mediapart, ne figureront pas dans le procès-verbal des policiers. "Nulle trace non plus, dans leurs procès-verbaux, de la proposition qu’ils ont faite à Foued de témoigner sous X, statut que la loi interdit aux personnes mises en cause", ajoute Mediapart.
Des plaintes déposées contre les enquêteurs
Mediapart révèle également, et franceinfo en a eu confirmation, que cinq avocats de jeunes mis en cause dans l'affaire ont porté plainte contre les policiers chargés de l’enquête pour "faux en écriture publique", "violences volontaires" et "escroquerie au jugement". "Les nouvelles plaintes déposées visent nommément des policiers en exercice à la Sûreté départementale de l’Essonne, à qui le parquet avait confié ce dossier sensible", explique Mediapart, qui révèle le contenu de plaintes confirmées par la procureure d'Evry, Caroline Nisand.
La première émane des avocats Sarah Mauger-Poliak, Yaël Scemama et Michel Stansal, dont les deux clients ont été incarcérés (18 mois pour l'un, 4 ans et 3 mois pour l’autre) avant d’être acquittés en appel. Les trois ont porté plainte pour "faux en écriture publique" et "violences volontaires". "Ils dénoncent les violences physiques, morales et psychologiques, dont auraient été victimes leurs clients en garde à vue", détaille Mediapart. Les avocats estiment par ailleurs que les interrogatoires ont été retranscrits à la défaveur des accusés, et que des "coupables auraient été sciemment remis en liberté".
La seconde plainte pour "faux en écriture publique" et "escroquerie au jugement" vient de l'avocat Frank Berton, dont le client s'est pourvu en cassation après avoir été condamné à 18 ans de prison en appel. Frédérick Petipermon, avocat d'un des accusés condamnés à 18 ans de prison en appel et qui s'est également pourvu en cassation, avait déjà déposé deux plaintes à Evry, le 26 février et le 10 mars, pour "faux en écriture publique".
* Les prénoms ont été modifiés par Mediapart.
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