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Arnaque au "faux président" : des escrocs volent plus de 38 millions d’euros à deux entreprises en se faisant passer pour le PDG

La justice française s’intéresse à un réseau international de blanchiment d’escroquerie dite au "faux président". Grâce à ce système de plus en plus à la mode, les escrocs ont réussi à voler une somme record. Huit personnes ont été interpellées.
Article rédigé par Aurélien Thirard
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Des billets de banque (photo d'illustration), le 18 décembre 2016. (PAKIN SONGMOR / MOMENT RF)

C’est certainement un record. Des escrocs ont réussi à soutirer 38,3 millions d’euros à deux entreprises françaises, grâce à l’arnaque dite "du faux président". 38 millions d’euros ont ainsi été volés à un promoteur immobilier situé dans le 14e arrondissement de Paris et 300 000 euros à une société de métallurgie en Haute-Marne. L’affaire, d’ampleur internationale, a abouti ces derniers mois à huit arrestations en France et en Israël. L’enquête mobilise des gendarmes et des policiers de plusieurs pays européens pour démanteler le réseau criminel. Dans ce dossier, huit personnes ont été interpellées entre juin 2022 et janvier 2023, laissées libres en attendant d’éventuelles poursuites. Deux d’entre elles font l’objet d’un mandat de recherche européen émis par le Portugal.

L'usurpation d'identité via un mail 


Tout commence en décembre 2021. Le dirigeant de la société de métallurgie haut-marnaise porte plainte. Des escrocs ont réussi à lui voler 300 000 euros. Le même jour, le 29 décembre, c’est un promoteur immobilier parisien qui porte plainte à son tour, les escrocs ont cette fois réussi un bien plus gros coup : 38 millions d’euros de l’entreprise sont partis en fumée. L’enquête est d’abord confiée aux gendarmes de la section de recherche de Reims, saisie par le procureur de Chaumont (Haute-Marne). Le même jour, la brigade des fraudes aux moyens de paiement (BFMP) de la PJ parisienne est saisie par le parquet de Paris. Les deux enquêtes sont ensuite réunies en janvier 2022 pour être menées sous l’égide de la Juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée (Junalco) financière. En juin 2022, l’agence européenne de police criminelle, Europol, est engagée dans le dossier. Car l’argent volé a atterri dans des comptes de différents pays européens.

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Le principe est simple et redoutable. "Un escroc usurpe par mail l'identité du dirigeant de la société", explique à franceinfo Jean-Paul Douvier, le commandant de la section de recherches de Reims. "Il prétexte une opération financière confidentielle pour convaincre le comptable de virer des fonds sur un compte bancaire domicilié en Europe." Et pour montrer patte blanche, le faux PDG demande, toujours par mail et dans la plus grande discrétion, au comptable de prendre contact avec un faux commissaire aux comptes. Le comptable, mis en confiance, réalise alors les virements. "Quelques jours plus tard, un second versement de 500 000 euros doit être réalisé. Cette fois-ci, le comptable échange avec des collègues de travail et c'est comme ça que l'escroquerie est découverte", explique le patron de la section de recherches de Reims.

 Au même moment, l’équipe d’escrocs vise le promoteur immobilier parisien. Avec cette différence : les imposteurs demandent au comptable de prendre attache avec un faux avocat du – vrai et prestigieux – cabinet KPMG pour certifier les virements. Une fois encore, le comptable, en toute confiance, réalise pas moins de 45 virements successifs et transfère la somme record de 38 millions d’euros. L’argent atterrit dans des comptes ouverts en Hongrie, au Portugal, en Croatie et en Espagne. Les enquêteurs se sont vite aperçus que dans les deux cas, la même équipe d’escrocs était à la manœuvre. Un travail d’enquête est alors mené, et très vite les deux comptables sont mis hors de cause. L’enquête, réalisée notamment avec des écoutes téléphoniques, permet de procéder à l’arrestation de cinq personnes en juin 2022 à Paris et en petite couronne. De l’argent et de faux passeports sont découverts. Un mois plus tard, grâce à la participation de la police judiciaire israélienne, deux autres personnes sont arrêtées en Israël. Une huitième personne a été arrêtée plus récemment, en janvier 2023 en Île-de-France.

Déterminer le rôle de chacun 


Désormais, le travail des enquêteurs est de comprendre le rôle de chacun. Il ressort des premiers éléments que les suspects arrêtés en France sont considérés comme des "mules", de petites mains chargées d’ouvrir des comptes dans différents pays européens pour que l’argent volé soit transféré. Des personnes "d’âge mûr, inspirant confiance", selon une source proche du dossier, et des personnes très précaires financièrement. Les deux personnes arrêtées en Israël sont visées dans le volet "blanchiment" de l’enquête. 

Depuis, ces huit personnes sont laissées libres en attendant d’éventuelles poursuites. Les enquêteurs ont saisi 3,9 millions d’euros, dont 1,1 million d’euros sur un compte au Portugal, 400 000 euros en Espagne. 700 000 euros ont également été saisis en cryptomonnaie par le commandement de la gendarmerie dans le cyberespace (ComCyberGend). "Nous sommes quand même sur des saisies importantes et c’est tout le travail d’investigation fastidieux (…) qui a permis de saisir cette somme tout à fait considérable", affirme Jean-Paul Douvier, le commandant de la section de recherches de Reims.

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