Après la publication de messages racistes et antisémites dans un groupe WhatsApp de la CRS 4, l'IGPN ouvre une enquête
Une fausse publicité avec une photo d'embarcation de migrants en plein naufrage, accompagnée du slogan "Petit Chavire - avec des vrais morceaux de migrants dedans". Une réplique d'Adolf Hitler en "ministre de l'Energie", sur le perron de l'Elysée, qui déclare : "Sortons du nucléaire et repassons tous au gaz." Ce sont des exemples de photomontages qui ont circulé dans un groupe WhatsApp, utilisé depuis 2019 par des policiers de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS) numéro 4, d'après les révélations du Canard enchaîné. L'hebdomadaire satirique en publie certains, dans son édition du mercredi 26 juin.
"Cette messagerie très section spéciale à laquelle participait un quart de la compagnie servait de déversoir à la haine raciste et antisémite", écrit le journal, qui affirme que "nombre de participants" à cette boucle WhatsApp "interne à l'unité" sont encartés à Alliance. Les responsables de ce syndicat de police, contactés par franceinfo, n'ont pas souhaité faire de commentaire. "Ces captures d'écran n'avaient pas été portées à la connaissance de l'Inspection générale de la police nationale", réagit auprès de franceinfo l'IGPN, qui ajoute que "toute la lumière devra être faite", avec l'ouverture d'une enquête sur ces messages et photomontages à caractère raciste et antisémite, a appris franceinfo, jeudi, auprès de la Direction générale de la police nationale.
Selfies et lettre anonyme
Dans son enquête, Le Canard enchaîné assure que le chef adjoint de la CRS 4, un capitaine, "membre actif" de ce groupe WhatsApp, "ne cachait pas sa nostalgie du IIIe Reich et son amour pour Jean-Marie Le Pen". L'hebdomadaire affirme en revanche que ce n'était pas le cas du commandant de cette unité, qui a, de son côté, lancé l'alerte sur "une dérive extrême droitière au sein de la compagnie", "à plusieurs reprises". Le Canard enchaîné relate également une scène, qui s'est déroulée le 15 octobre 2022 face à la Sorbonne à Paris. Ce jour-là, Eric Zemmour rend hommage à Samuel Paty, deux ans après l'assassinat du professeur d'histoire-géo. Marion Maréchal est à ses côtés. D'après le journal, les membres de la CRS 4 la sollicitent alors pour réaliser des selfies. En réaction, le commandant "se fend d'un rappel à l'ordre".
Or, dix mois plus tard, dans une "lettre anonyme" qui "a atterri" sur le bureau du ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, le patron de la CRS 4, basée à Lagny-sur-Marne (Seine-et-Marne), est présenté comme "un franc-maçon influent", qui "passe son temps à jouer au golf et se sert dans la caisse, notamment pour organiser le mariage de son fils", rapporte Le Canard enchaîné. Contacté par franceinfo, le ministère n'a pas souhaité commenter.
Des investigations de l'IGPN sur les pratiques du commandant
A l'automne 2023, le commandant de la CRS 4 se retrouve visé par une enquête préliminaire pour des soupçons de détournement de biens publics et de violation du secret professionnel. Comme franceinfo l'avait révélé en novembre, les enquêteurs de l'IGPN, à qui le procureur de Meaux a confié l'affaire, mènent des investigations sur les centaines d'heures supplémentaires déclarées par ce commandant âgé de 56 ans, qu'il est soupçonné de ne pas avoir effectuées. Ils cherchent aussi à faire la lumière sur ses déplacements personnels et sur le repas des fiançailles de son fils, pour lequel il est soupçonné d'avoir détourné des denrées alimentaires de son unité. Des faits qui n'ont finalement pas été retenus à l'issue de l'enquête, affirme mercredi à franceinfo son avocat.
L'IGPN s'est également intéressée aux raisons qui ont poussé ce commandant à sortir des équipements de son unité en dehors du cadre prévu, afin d'en faire profiter un ami, préfet de Seine-Saint-Denis. En outre, dans un rapport d'inspection interne rédigé par la direction centrale des CRS, dont franceinfo avait eu copie, le policier est décrit comme "absent de sa caserne de manière chronique", "plus concentré sur sa pratique du golf et de la natation que sur sa mission au service du maintien de l'ordre".
Des enquêtes en cours pour harcèlement moral
Dans le cadre de cette enquête, ce commandant a fait l'objet, fin mai, d'une garde à vue, a appris franceinfo mercredi, auprès du procureur de la République de Meaux, Jean-Baptiste Bladier. Il fait l'objet d'une convocation devant le tribunal correctionnel de Meaux le 4 décembre pour "détournement de fonds publics", dont le montant total atteint 33 000 euros environ. "L'enquête a donc permis de mettre au jour des faits bien plus limités que ce que la presse avait pu laisser entendre au départ", souligne Jean-Baptiste Bladier, qui précise que l'intéressé conteste les faits. En attendant sa comparution devant la justice, le commandant de la CRS 4 est suspendu et interdit d'exercer des fonctions hiérarchiques au sein de la police nationale.
Alors que Le Canard enchaîné mentionne le dépôt d'une "demi-douzaine de plaintes" de la part de policiers de la CRS 4 "antillais ou d'origine étrangère", le procureur de Meaux affirme à franceinfo ne pas avoir été saisi "pour des faits de nature raciste". Cependant, Jean-Baptiste Bladier précise que des enquêtes pour harcèlement moral sont en cours. Elles visent "un certain nombre de cadres et de personnels qui sont, ou ont été, en poste au sein de la CRS 4". Dont le capitaine, adjoint au commandant de l'unité ? Alors que Le Canard enchaîné affirme qu'il a été muté à la CRS 51, où "il assure désormais le commandement par intérim", la police nationale répond à franceinfo qu'il n'occupe plus son poste au sein de la CRS 4, sans donner plus de précisions.
Lors d'une précédente affaire de dizaines de propos racistes tenus dans un groupe de discussion WhatsApp entre des policiers, le tribunal de police d'Evreux avait condamné, en novembre 2021, cinq fonctionnaires à des amendes de 150 à 1 000 euros, pour "des faits d'injures non publiques à caractère raciste". Plus récemment, l'Agence européenne des droits fondamentaux a exhorté, dans un rapport publié le 10 avril, les 27 pays membres de l'Union européenne à "prendre des mesures urgentes" pour "éradiquer le racisme" dans la police, malgré "la difficulté à évaluer pleinement l'ampleur" du phénomène.
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