Marseille : "Les habitants des quartiers vivent dans un climat de peur", explique une avocate
Tout le quotidien des habitants des quartiers difficiles "est conditionné à un mécanisme de survie", a expliqué mardi 12 septembre sur franceinfo Karima Meziene, avocate, membre du "Collectif des familles" après avoir perdu son frère dans une fusillade en 2016. Marseille est le théâtre de nombreux règlements de comptes liés au trafic de drogue depuis ces derniers mois. Un homme a été tué par balles lundi soir dans le nord de la ville et une jeune femme est morte mardi à Marseille, après avoir reçu une balle perdue alors qu'elle était à son domicile. "Les habitants des quartiers vivent dans un climat de peur", a expliqué l'avocate.
franceinfo : Les consommateurs ont-ils une forme de responsabilité ?
Karima Meziene : Bien sûr qu'il y a une responsabilité des consommateurs, c'est évident, puisque de toute manière, s'il n'y avait pas de demandeurs de produits stupéfiants, il n'y aurait pas d'offre en ce sens. C'est une maladie. Mais je ne suis pas sûre que le côté répressif puisse l'emporter. Si on doit agir au niveau des consommateurs, ça sera plus par une campagne de prévention sanitaire.
Le volet répressif seul n'est pas suffisant ?
De toute manière, il ne faut pas agir exclusivement sur le volet répressif, même si c'est un volet important. Nous étions les premiers, avec notre collectif des familles de victimes à réclamer un renforcement de la police judiciaire et un renforcement en magistrats instructeurs pour pouvoir aboutir à une incarcération des assassins.
Maintenant, ce n'est pas le seul combat qu'il faut mener. Il faut agir sur le terreau de la violence. Il faut reconquérir ces quartiers. Il faut surtout remettre plus de service public, plus de proximité, encadrer cette jeunesse pour s'assurer qu'elle n'aille pas vers ces réseaux.
Le gouvernement vous semble-t-il prendre la mesure du problème ?
J'ai le sentiment qu'il y a peut-être un changement aujourd'hui, un sursaut ou un réveil. Il y a une volonté manifeste de tous les acteurs de terrain que je rencontre d'aller vers cela. J'espère qu'aujourd'hui on va pouvoir avancer et discuter. J'ai entendu ce matin un syndicaliste de police qui disait que la réponse ne pouvait pas être que répressive et qu'il fallait organiser des états généraux. On les réclame depuis de longues dates.
"Je reste convaincu que si on n'est pas tous ensemble autour de la table et si on n'agit pas tous ensemble, que ce soit la police, la justice, les acteurs de terrain, les familles qui ont été concernées par ce type de drame, on ne trouvera pas de solution pour remédier à ce problème."
Karima Meziene, avocate, membre du "Collectif des familles"à franceinfo
Le décès de cette jeune femme tuée par une balle perdue alors qu'elle était chez elle peut-il être un électrochoc ?
Je ne sais pas si ça suffira pour avoir une prise de conscience collective. Il y avait déjà un enfant de dix ans qui a été touché, un grand-père, une mère de famille... Les habitants des quartiers vivent dans un climat de peur. Ils ont parfaitement conscience de cette réalité. Ils savent parfaitement qu'aujourd'hui ils peuvent être touchés par des balles perdues en se déplaçant.
Ils ont des réflexes de protection que nous n'avons pas, simple habitant vivant dans un quartier paisible. Ils ont déjà ces automatismes. Tout leur quotidien est conditionné à un mécanisme de survie. Ils me disent : "Je ne rentre pas trop tard le soir, j'évite de passer vers tel endroit". Ils ont pleinement conscience qu'ils peuvent prendre des balles perdues à tout moment.
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