Cet article date de plus de neuf ans.

Clichy-sous-Bois : "Ils sont grillés, ils sont morts"

Au deuxième jour du procès des deux policiers jugés pour non-assistance à personne en danger dans le drame de Clichy-sous-Bois en 2005, le tribunal s'est concentré sur les événements qui ont suivi l'électrocution de Zyed et Bouna.

Article rédigé par Simon Gourmellet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Sébastien Gaillemin a été de nouveau entendu par le tribunal, mardi 17 mars, après la diffusion des enregistrements des conversations des policiers le 27 octobre 2005. (ELISABETH DE POURQUERY / FRANCETV INFO)

"Deux Delta Charlie Delta." Il est 19h15 ce 27 octobre 2005. Les policiers savent alors que Zyed et Bouna, qui ont pénétré dans le transformateur EDF de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), sont morts électrocutés. La nouvelle leur parvient par radio. Des enregistrements des événements qui ont suivi la course-poursuite entre le groupe d'adolescents et la police ont été diffusés pour la première fois, mardi 17 mars, au deuxième jour du procès de deux policiers, poursuivis pour non-assistance à personne en danger devant le tribunal correctionnel de Rennes.

Accompagnant ces archives sonores, le verbatim des échanges est projeté sur écran géant. Les deux prévenus, les policiers Stéphanie Klein et Sébastien Gaillemin, écoutent leurs propres voix, figés sur leur banc. "Tout à l'heure, il y a eu une poursuite pédestre à proximité, explique ce dernier dans ces messages radio. Il y a de fortes chances que les deux affaires aient un lien."

Les cris d'hystérie des familles derrière les échanges radio

A 20h02, derrière les conversations des policiers, qui égrènent les détails de leurs interventions et leurs codes d'identification, des cris d'hystérie se font entendre. Dix ans après, les pleurs sont toujours glaçants : c'est la douleur des familles, rassemblées devant les portes du site EDF, lorsqu'elles apprennent que ce sont les corps de leurs enfants que viennent de découvrir les pompiers. A la douleur succédera la colère dans le quartier : à 20h07, les premiers rassemblements sont signalés, et à 20h16, les premières voitures prennent feu.

Après la diffusion des enregistrements, le président continue en lisant la déposition d'un témoin qui rapporte la réaction d'un des premiers pompiers à être entrés dans le transformateur : "Ils sont grillés, ils sont morts." Les secours ont été appelés par les proches des deux victimes qui cherchaient, avec Muhittin Altun, à pénétrer dans le site EDF. 

J'avais du mal à marcher, comme une batterie déchargée.

Muhittin Altun

C'est justement au rescapé de se présenter à la barre. Il a laissé son costume de la veille pour un sweat à capuche et un jean. Il se rappelle avoir repris connaissance, avec "l'impression d'avoir été soulevé et d'être retombé au sol à plusieurs reprises par l'électricité". Il parvient tout de même à s'extraire du petit local. "Dans la rue, je n'avais pas de voix, j'ai voulu demander de l'aide, mais je n'y arrivais pas. (...) J'avais du mal à marcher, comme une batterie déchargée." Siaka, le frère de Bouna, le croise. "Juste en m'approchant de lui, je sentais la chaleur, ses vêtements lui collaient à la peau. Il répétait 'Bouna Zyed, Bouna Zyed'…"

L'un des policiers en difficulté à la barre

C'est ensuite au tour de Sébastien Gaillemin d'être entendu. Savait-il que trois enfants se trouvaient sur les lieux ? C'est la question centrale de ce procès, et c'est sur celle-ci que le prévenu se retrouve en difficulté. Selon sa version, le policier ignorait où étaient passés les enfants à l'issue de la course-poursuite. Après l'arrestation d'une partie du groupe, il est rentré au commissariat, avant d'être envoyé sur une autre mission.

Il dit être repassé "par hasard" dans cette zone un peu plus tard. Il découvre alors les pompiers sur place, à la recherche des deux garçons. C'est là qu'intervient un élément encore inexpliqué : alors qu'il affirme "n'être au courant de rien" et ne pas savoir que trois jeunes sont entrés dans le transformateur, les témoignages montrent que sa hiérarchie dispose pourtant de cette information. 

"Avez-vous essayé de dissimuler que vous saviez, et vous disculper ?" demande le président. "Non", réaffirme le policier. Mais ses explications sont confuses. Me Jean-Pierre Mignard, l'avocat des parties civiles, ne croit pas à ce hasard, et compte bien le prouver mercredi.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.