Affaire Mis et Thiennot : "un soulagement énorme" pour leurs proches, après un combat judiciaire de plus de 70 ans
"C'est un soulagement énorme, d'autant qu'honnêtement, je ne m'y attendais pas". Thierry, le fils de Gabriel Thiennot, se bat depuis 40 ans pour faire innocenter son père et il ne croyait plus beaucoup en la justice. La décision est tombée jeudi 5 octobre : la Cour de révision est saisie du dossier Raymond Mis et Gabriel Thiennot. La septième requête en révision déposée par leurs proches leur permet enfin d'espérer qu'à titre posthume, les deux hommes soient innocentés. Ils ont tous les deux été condamnés pour le meurtre d'un garde-chasse, après avoir avoué sous la torture, avant de se rétracter.
"La première pensée va à mon père, c'est une certitude. Pour lui, c'était le combat de sa vie. La première chose que je vais faire, c'est aller au cimetière et lui dire 'bon, on est rendus à l'avant-dernière étape'", souffle Thierry Thiennot. Cette avant-dernière étape se présente avec un changement de taille : les aveux de Mis et Thiénnot ne sont plus dans la procédure, parce qu'ils ont été obtenus sous la torture.
"Des coupables idéaux"
"On était au lendemain de la Libération, il y avait un commissaire de police qui était connu pour avoir des pratiques extrêmement violentes et pour avoir soutenu le régime de Vichy, explique Pierre-Emmanuel Blard, l'un des avocats de leur comité de soutien. Raymond Mis et Gabriel Thiennot qui étaient deux jeunes, l'un communiste, l'autre résistant très connu dans le département. Ils étaient, pardonnez-moi l'expression, des coupables idéaux".
L'affaire démarre juste après la Seconde guerre mondiale, au milieu des étangs de la Brenne dans l'Indre. Le corps du garde-chasse Louis Boistard est découvert le 29 décembre 1946. Il a été tué de quatre coups de fusils. Trouver les coupables, devient une urgence : 14 chasseurs sont arrêtés. Parmi eux, Raymond Mis, fils de polonais, et Gabriel Thiennot, issu d'une famille pauvre.
"On était à genoux, sur une règle en fer, tout nu pendant des heures entières. Il fallait tenir le plus longtemps possible et quand on s'écroulait, on nous mettait des seaux d'eau sur la figure."
Gabriel Thiennot, lors d'une interview à la télévision
Raymond Mis et Gabriel Thiennot sont retenus à l'intérieur de la mairie de Mézières-en-Brenne. Personne ne voit rien mais dans la ville, on entend "les cris de douleur". Après huit jours de tortures, les deux hommes d'à peine 20 ans signent des aveux, avant de se rétracter, très vite, et trop tard : ils sont condamnés à 15 ans de travaux forcés.
"On n'oubliera jamais, jusqu'à la mort"
Raymond Mis et Gabriel Thiennot, seront finalement graciés, par le président René Coty en 1954, après avoir purgé la moitié de leur peine. Leur libération signe également le début d'un long combat pour faire reconnaître leur innocence. "Ça nous est arrivé qu'on nous dise 'il faudrait oublier tout ça', mais ce n'est pas possible, on n'oubliera jamais, jusqu'à la mort", ont-ils témoigné plus tard, avant de décéder.
Les années passent, les requêtes de révision pour faire rejuger l'affaire aussi. Les deux hommes décèdent, mais leurs familles poursuivent la lutte. Finalement, un amendement soumis au Sénat il y a deux ans, par l'actuel garde des Sceaux Eric Dupont-Moretti, change tout. Il a été adopté. L'affaire a été renvoyée jeudi vers la Cour de révision. La veuve de Gabriel Thiennot n'espère désormais qu'une chose, comme elle l'a expliqué dans une interview : "Aller sur sa tombe et lui dire 'voilà, t'es reconnu innocent par tout le monde'".
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