Incendies : derrière l'appel de Gérald Darmanin à "libérer" les pompiers volontaires, une crise de recrutement et d'engagement
Les sapeurs-pompiers volontaires représentent 78% de l'ensemble des pompiers français. Mais ces effectifs sont toujours plus sollicités et tous ne sont pas formés à lutter contre les feux de forêt.
On compte sur eux pour sauver la mise. En déplacement dans l'Aveyron mercredi 10 août, Gérald Darmanin a appelé les employeurs de sapeurs-pompiers volontaires à les libérer de leurs responsabilités pour qu'ils puissent rejoindre les casernes. Face à la reprise des feux en Gironde, le ministre de l'Intérieur a aussi annoncé un renforcement des moyens, qui comprennent désormais "plus de 1 000 sapeurs-pompiers, 9 avions et de deux hélicoptères bombardiers d'eau".
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En parallèle, les pays de l'Union européenne ont annoncé apporter leur aide à la France. Au total, six avions, 383 hommes et 101 véhicules ont été envoyés pour soutenir les 1 100 pompiers français qui combattent le feu. "Les entreprises sont largement prêtes à collaborer", a également réagi mercredi sur franceinfo Cécile Despons, présidente de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) de Gironde. Derrière cette forte mobilisation face à une situation exceptionnelle, pourtant, les sapeurs-pompiers volontaires traversent une crise d'engagement et de recrutement.
Une durée d'engagement "réduite"
C'est une situation qui alerte la profession depuis plusieurs années. "Nous avons de plus en plus de mal à recruter des volontaires", assure Samuel Mathis, secrétaire général du syndicat des sapeurs-pompiers volontaires. Les sapeurs-pompiers n'étaient plus que 197 000 en 2020, contre 204 000 en 2005, selon les données du ministère de l'Intérieur. Ils représentent 78% des pompiers en France.
"Nous n'avons plus personne à mettre dans les engins", confirme Thomas*, chef de caserne et représentant d'un syndicat des sapeurs-pompiers volontaires du Grand Est contacté par franceinfo, qui s'inquiète d'un vieillissement de la population de pompiers volontaires. Les chefs de centre ont aussi du mal à garder leurs volontaires sur la durée. "La durée d'engagement est beaucoup plus réduite", avance Samuel Mathis.
"Il faut favoriser la pérennité de l'engagement. Il est important qu'on ait des sapeurs-pompiers qu'on forme et qui restent."
Samuel Mathis, secrétaire général du syndicat des sapeurs-pompiers volontairesà franceinfo
Thomas n'arrive plus du tout à recruter pour pallier les manques. "J'arrive à maintenir ce qu'on me demande en astreinte de nuit, mais pour trouver des personnes disponibles en journée, ça pose vite problème", confie-t-il.
"Le volontariat doit rester du volontariat"
Et si le nombre de volontaires a baissé, "le nombre d'interventions a augmenté ces dernières années", selon Samuel Mathis. "Sans les volontaires, nous ne pourrions pas assurer toutes nos missions de secours", affirme d'ailleurs Céline Guilbert, commandante au service départemental d'incendie et de secours (sdis) de la Vienne, interrogée par France 3.
Pourtant, ces volontaires ont souvent un emploi par ailleurs. "On nous en demande trop, estime Thomas. A terme, cela crée un déséquilibre entre la vie professionnelle et la vie familiale". Pour Pierre Sichi, président du collectif de pompiers volontaires de Méditerranée, "le volontariat doit rester du volontariat, il ne faut pas oublier qu'on a un travail et une famille à côté".
"Avant, on nous demandait 6 à 8 heures de disponibilité par mois, aujourd'hui ça n'est plus assez", ajoute-t-il. Un pompier volontaire peut être amené à effectuer deux à cinq gardes postées (à la caserne) et entre deux et dix astreintes par mois. Dans ce dernier cas de figure, "on est sur bip chez nous et on doit être prêts à décoller à tout moment".
Des formations qui "demandent un temps fou"
Plusieurs sapeurs-pompiers volontaires interrogés pointent alors du doigt une lassitude face au manque de reconnaissance par les hiérarchies. "Malgré notre importance, nous ne sommes jamais écoutés, regrette Thomas. Quand nous remontons des problèmes aux départements, nous n'avons aucune réponse."
Parmi les problèmes elevés, le manque de formation. Thomas raconte que deux de ses sapeurs-pompiers volontaires n'ont pas pu partir prêter main-forte en Gironde, car ils n'avaient pas suivi la formation d'intervention sur des feux de forêt. "Ces formations demandent un temps fou aux pompiers volontaires, et cela ajoute une pression supplémentaire qui peut décourager certains", affirme le chef de caserne, déplorant un retard sur ces compétences devenues essentielles. "Il y a bien trop de contraintes qui font qu'à la fin, on n'a plus personne à mettre dans les camions !"
"Améliorer le recrutement et le management"
Plusieurs pistes ont été avancées ces dernières années afin de pallier cette crise d'engagement. Une prestation de fidélisation et de reconnaissance (PFR) permet, depuis 2005 et sous conditions, de garantir à chaque sapeur-pompier volontaire ayant accompli au moins 20 ans de service effectif, une rente annuelle complémentaire versée après sa cession d'activité, à partir de 55 ans.
Pour Samuel Mathis toutefois, la rémunération n'est pas le cœur du problème. "On voudrait manager les pompiers volontaires comme des pompiers professionnels, mais il convient de faire la différence." Pour lui, la sécurité civile en France, qui repose beaucoup sur le volontariat, doit être revue en profondeur : "Nous ne pouvons pas banaliser l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires. Il faut à tout prix trouver des pistes pour améliorer leur recrutement et leur management". Pour les pompiers interrogés, il ne fait pas de doute que le volontariat gardera toute sa place dans le modèle de demain, mais il devra être réformé.
* Le nom de la personne a été modifié à la demande de l'intéressé.
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