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Incendies : comment les sapeurs-pompiers se préparent à des saisons de feux de forêt de plus en plus longues

Article rédigé par Eloïse Bartoli
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Les pompiers confrontés à un incendie de forêt à Cerbère (Pyrénées-Orientales), le 16 avril 2023. (IDHIR BAHA / HANS LUCAS / AFP)
"Face au dérèglement climatique, nous sommes confrontés à des événements d'ampleur", confirme le président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers. Or, dans le même temps, certaines casernes se trouvent aux prises avec des baisses d'effectifs.

L'été n'a pas encore débuté, mais plusieurs départements sont concernés par des alertes à la sécheresse. Tandis que la végétation se trouve précocement fragilisée, la saison des feux de forêt semble désormais démarrer de plus en plus tôt. En avril, plus de 1 000 hectares ont brûlé dans les Pyrénées-Orientales, touchées par une sécheresse historique. Le département est d'ailleurs exposé à un risque feu de forêt "très important", a déclaré mercredi 17 mai la préfecture, qui appelle dans un communiqué à "un haut niveau de vigilance".

>> Incendies : dans les Pyrénées-Orientales, autorités et pompiers se préparent en vue d'un été de tous les dangers

"Face au dérèglement climatique, nous sommes confrontés à des événements d'ampleur, déplore Jean-Paul Bosland, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers (FNSP). Pour y faire face, nous avons besoin d'augmenter nos effectifs", déclare-t-il, répétant ce message depuis plusieurs mois dans les médias.

Afin d'augmenter la capacité de réaction, non seulement durant la saison estivale, mais aussi tout au long de l'année, la FNSP appelle à un recrutement massif de volontaires, qui représentent 78% des sapeurs-pompiers en France. Elle souhaite que leur nombre passe à 250 000 dans les prochaines années, alors que le ministère de l'Intérieur en décompte 197 800 actuellement, selon le dernier recensement. La fédération demande également à disposer de 50 000 sapeurs-pompiers professionnels, contre 41 800 à ce jour. 

Une "crise de l'engagement citoyen"

Ces objectifs sont-ils réalistes, alors que certains territoires peinent déjà à remplir les grilles du planning pour les opérations du quotidien et du secours à la personne ? Les effectifs de volontaires se réduisent depuis plusieurs années, avec une diminution de 7 000 personnes entre 2005 et 2020, selon le ministère de l'Intérieur. A titre d'exemple, le service départemental d'incendie et de secours (Sdis) de l'Yonne a besoin de 180 sapeurs-pompiers, chaque jour, pour assurer les opérations courantes. Mais le département ne parvient pas à recruter de volontaires pour tenir les astreintes, notamment dans les zones rurales

"On est en pleine crise de l'engagement citoyen", constate le lieutenant-colonel Gilles Roguier, chef du groupement des unités territoriales du Sdis de l'Yonne, et président de l'Union régionale des sapeurs-pompiers de Bourgogne-Franche-Comté. Dans certains centres de secours de l'Yonne, il n'y a plus personne en journée, alerte le lieutenant-colonel. Pour y faire face, "un système de garde est en cours de déploiement". Alors qu'en temps normal, les pompiers interviennent dans les centres les plus proches de chez eux, "certains pourraient dorénavant venir de tout le département", détaille-t-il. 

Encore faut-il rendre disponibles ces pompiers volontaires. Lors des incendies de l'été 2022 dans le Sud-Ouest, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, avait appelé les employeurs à les libérer de leurs responsabilités pour qu'ils puissent rejoindre les casernes "partout sur le territoire national". En mars, le Sdis de l'Yonne n'avait conclu que 81 conventions avec des employeurs afin qu'ils les autorisent à s'absenter, en échange d'une compensation financière, selon L'Yonne républicaine. "C'est déjà bien, mais ce n'est pas assez", regrette le lieutenant-colonel Gilles Roguier.

Cependant, les départements les plus régulièrement confrontés aux feux de forêt de grande ampleur semblent en avance sur l'enjeu de la préparation aux crises. Au contraire de l'Yonne, la Gironde, près de 30 000 hectares de sa forêt partagée avec les Landes sont partis en fumée l'été dernier, ne rencontre pas les mêmes difficultés de recrutement. Les incendies ont même réveillé l'envie de s'engager. "Au sortir de l'été dernier, davantage de personnes se sont manifestées", se réjouit le commandant Matthieu Jomain, du Sdis Gironde.  

"L'été 2022 restera dans la mémoire collective."

Le commandant Matthieu Jomain, du Sdis Gironde

à franceinfo

Les Bouches-du-Rhône remplissent lui aussi facilement leurs rangs. "On bénéficie d'un tissu urbain et d'une densité démographique qui permettent d'avoir des candidatures", explique le colonel Jean-Luc Beccari, directeur du Sdis Bouches-du-Rhône. "Nous avons réussi à augmenter nos effectifs, avec plus de 1 000 recrutements de sapeurs-pompiers volontaires en quatre ans", chiffre-t-il, précisant que le nombre de professionnels est aussi en hausse.

Un dispositif estival qui débute en avril

Dans ce département où les incendies spectaculaires ont si souvent marqué l'actualité, la formation à des interventions contre les feux de forêt fait partie de l'enseignement initial. Mais ce n'est pas le cas partout. Plus au Nord, le Sdis Saône-et-Loire a pour sa part initié près de la moitié de ses équipes à ce type d'actions, explique André Accary, président du conseil départemental de Saône-et-Loire (divers droite) et chargé d'une "mission flash, retour d'expérience", qui fait suite aux incendies de 2022. Son territoire est couvert au quart par des forêts. En dix ans, les feux d'espaces naturels y ont été multipliés par huit, selon les estimations des sapeurs-pompiers. 

Pour les professionnels interrogés, le principal enjeu se situe désormais sur l'étalement des efforts humains dans le temps. "Notre dispositif estival, qui comprend la mobilisation préventive de 750 personnes spécialement sur les feux de forêt, s'étend à présent au mois de juin, mais aussi sur la période de septembre et d'octobre", détaille le patron du Sdis Bouches-du-Rhône. Cette année, les "premiers maillons" du dispositif estival ont été mis en place autour du 15 avril. dans le département. Les sapeurs-pompiers déployés sont en outre venus renforcer ceux des Pyrénées-Orientales.

Du côté politique, à l'approche d'un nouvel été à haut risque, les députés ont débuté lundi l'examen de mesures pour mieux prévenir les feux de forêt. Parmi les solutions envisagées figure notamment le renforcement des obligations de débroussaillement.

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