Famille recluse à Saint-Nazaire : les zones d'ombre

C'est un appel de la mère aux pompiers qui aura permis leur libération. Dans la nuit de vendredi à samedi dernier, elle a téléphoné pour un
malaise, et les secours ont découvert cette famille avec quatre enfants, qui vivait recluse semble-t-il depuis
plusieurs années en plein cœur du
quartier de La Trébal à Saint-Nazaire. Des verrous ont été découverts sur les portes, à l'extérieur. 

> Lire  Saint-Nazaire : une famille vivait recluse depuis plusieurs années

Comment personne n'a pu s'en rendre compte dans le
voisinage ?

Seul le père sortait de l'appartement. il apparaissait casquette vissée sur des cheveux mi-longs, sans répondre au "bonjour" de ses voisins, sortait les poubelles ou allait faire des courses. 

"On croyait
avec les autres voisins que la femme était partie avec ses enfants, on ne
voyait plus que le monsieur ", raconte une voisine de l'appartement du dessus. "On n'entendait absolument rien, aucun bruit dans l'appartement,
pas de bruit d'enfant, pas d'appel, ça me rend de plus en plus malade parce que
si on avait entendu du bruit ou si les enfants criaient... mais absolument rien ",
raconte-t-elle. 

> Ecouter cette voisine  "Ça faisait un an que je n'avais vu ni la mère, ni les enfants" 

Il y a tout de même quelques éléments qui auraient pu
alerter les voisins : l'ampleur des courses que faisaient le père, très
importantes pour un homme seul. Et puis certains voisins du dessous indiquent également avoir déjà
entendu des pleurs d'enfants.

Une
voisine du dessus indique également qu'elle a signalé à plusieurs reprises des
problèmes d'odeurs, au point qu'elle affirme s'être demandée "s'il n'y avait pas un mort dans cet
appartemen t". Selon Presse Océan, elle se souvient également d'une "visite
effrayante " de son voisin. Enfin, un autre voisin avait alerté les
services HLM, se plaignant de bruits et d'infiltration, mais les services n'étaient
pas parvenus à entrer en contact avec le locataire du fameux appartement.

Depuis combien de temps ?

Cette voisine, interrogée par France Bleu Océan, indique que cela faisait "bien un
an " qu'elle ne voyait plus que l'homme sortir, pour faire ses courses. Selon
les différentes versions des voisins interrogés dans cet immeuble HLM de quatre
étages, la durée pendant laquelle la mère et ses enfants n'ont pas été vus va
de un à trois ans. 

Quel était leur quotidien ?

On en sait très peu sur ce qui se passait à l'intérieur de
cet appartement, mais le lieu était dans un état d'insalubrité avancé avec des
moisissures sur les murs et des plafonds noircis par l'humidité. "La séquestration n'est pas avérée, il n'y a
dans cette enquête ni violences physiques, ni agression sexuelle, ni
viols ", a précisé le parquet.

Comment vont les enfants ?

Les
enfants, âgés de 14, 17, 19 et 20 ans, ont été découverts "prostrés " selon des enquêteurs. Deux
d'entre eux seraient handicapés. Depuis plusieurs
années leur quotidien se résumait aux murs insalubres de cet appartement. Ils n'allaient pas à l'école, une des questions est maintenant de savoir pourquoi leur
déscolarisation n'a déclenché aucune alerte.

Les quatre enfants ont été hospitalisés après la découverte de la famille, et n'ont pas pu encore être entendu. Selon le parquet, "la juge des enfants a été saisie et les enfants mineurs ont été placés ".

Et ce
qui frappe c'est leur âge : 14, 17, 19 et 20 ans. Selon
Jaqueline Wendland, qui enseigne la psychopathologie à l'Université Paris-Descartes,
ce type de comportement parental abusif s'exerce en général sur des enfants plus jeunes.

Quelle est la personnalité du père ?

Après
la découverte de la famille, le père âgé de 51 ans a été interné dans un service
psychiatrique. L'homme n'aurait aucun antécédent judiciaire ni psychiatrique. "On ne peut avancer que des hypothèses, mais le
fonctionnement familial devait être problématique et le père était probablement
atteint de troubles psychiatriques graves, on peut imaginer une pathologie de
type paranoïaque, avec un délire structuré lui permettant de justifier un
comportement abusif aberrant ", explique Jaqueline Wendland, de l'université de Paris-Descartes.

Quel rôle jouait la mère ?

La seule chose que l'on sait c'est que c'est elle qui a fini par appeler les pompiers dans la nuit de vendredi à samedi. Véritable malaise ou appel au secours ? En tous cas elle a permis la libération de la famille. Cette femme de 47 ans a été entendue par les enquêteurs et a
ensuite pu rejoindre ses enfants à l'hôpital.

La fille qui vivait à l'extérieur de l'appartement ne savait-elle
rien ?

Un cinquième enfant vivait en dehors de cet appartement. Il s'agit d'une fille aînée. Elle
a été entendue par les enquêteurs. On n'en sait pas plus pour l'instant.

L'office HLM ne s'est-il rendu compte de rien ?

Selon l'office HLM de Saint-Nazaire, cet appartement a été
loué il y a plus d'une dizaine d'années à cette famille pour un loyer de 350
euros qui a toujours été payé. "Depuis leur arrivée nous n'avons rencontrer aucun problème avec eux, et n'avons eu aucun signal d'alerte ", indique Benoît Delliaux,
un porte-parole de Silène, l'office HLM.

Si ce n'est la visite annuelle du
chauffe-bain par les services de Silène, qui n'avait pas pu avoir lieu depuis
deux ans. La porte restait close à l'opérateur, et une procédure était en
cours, indique l'office HLM. "Lors des deux dernières années, la
famille n'a pas ouvert, mais ces visites se font dans la journée, donc
effectivement ça fait au moins deux ans que personne de chez nous n'est rentré
dans le logement, mais ça doit être le cas dans des centaines de logement de
notre parc ", précise Benoît Delliaux.

Les services sociaux n'ont-ils pas été alertés ?

"Cette famille a fait l'objet dans le passé de suivis
socio-éducatifs, dans les années 1990 et 2000, mais rien n'était en cours au
moment de leur découverte dans cet état d'insalubrité ", a indiqué le
parquet.

Selon l'ajointe aux solidarité à la mairie de Saint-Nazaire,
Jeanine Hottelard, "il n'y avait pas d'impayés, de signes qui pouvaient
nous alerter ". "Pour les transports, la piscine et les bons de Noël,
cette famille a été aidée de 2007 à 2010, puis après n'a jamais sollicité "
les services sociaux pour conserver ces aides du centre communal d'action
sociale, ajoute-telle. Au Conseil général on indique également que "nous n'avons eu aucun contact
avec cette famille dans les cinq dernières années ".

Pour tenter de répondre à toutes ces questions, une enquête a été ouverte pour "manquement aux
obligations parentales, en termes judiciaire : abandon matériel et moral ", a indiqué le parquet de Saint-Nazaire. Des auditions, expertises et examens
médicaux sont en cours, afin de déterminer les conditions de vie de cette
famille. L'enquête pourrait notamment avancer lorsque les enfants seront en état d'être
entendus.