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Explosion à Lyon : "La vidéosurveillance est inutile pour la prévention et souvent inutile après les faits"

Selon le sociologue et directeur de recherches au CNRS Laurent Mucchielli, il faut augmenter les moyens humains pour prévenir ce genre d'attaques, plutôt que de multiplier les caméras.

Article rédigé par franceinfo
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Une caméra de vidéosurveillance dans les rues de Lyon, le 5 juillet 2007. (illustration) (FRED DUFOUR / AFP)

Après l'explosion au colis piégé survenue à Lyon vendredi 24 mai, le principal suspect est toujours en fuite. La police a diffusé samedi deux nouvelles photos de lui, extraites des vidéos enregistrées par les caméras de vidéosurveillance.

"La vidéo-surveillance est inutile pour la prévention et souvent inutile après les faits, les caméras n'ont jamais protégé personne", a affirmé dimanche sur franceinfo Laurent Mucchielli, sociologue, directeur de recherches au CNRS et auteur de Vous êtes filmés ! Enquête sur le bluff de la vidéosurveillance (Armand Colin, 2018). "Il faut interroger nos moyens de renseignements policiers, leur capacité à capter les signaux faibles, à voir venir les choses, plutôt que d'arriver après la bataille", poursuit-il.

franceinfo : La videosurveillance a-t-elle un intérêt selon vous pour prévenir les actes à caractère terroriste ? 

Laurent Mucchielli : Malheureusement non. Je pense que, une fois de plus, on ne peut que constater que la vidéosurveillance est largement inutile. C'est ce que j'ai montré dans mes recherches. Il y a un décalage énorme entre d'un côté les discours politiques alliés au marketing des industriels de la vidéosurveillance qui promettent de nous protéger de tout, y compris du terrorisme, et la réalité des faits de l'autre côté.

On se rappelle de l'attentat de Nice, la ville la plus vidéo-surveillée de France. Les caméras n'ont jamais protégé personne. Au mieux, elles permettent de retrouver les images après les faits, une fois que tout le monde est mort. Par contre, ce qu'on devrait se poser comme question, c'est pourquoi nous sommes si souvent pris par surprise, pourquoi nous ne voyons pas les choses venir ? Il faut interroger nos moyens de renseignements policiers, leur capacité à capter les signaux faibles, à voir venir les choses, plutôt que d'arriver après la bataille.

Les images captées par les caméras peuvent-elles permettre de retrouver des supects ? 

La vidéosurveillance est tout à fait inutile pour la prévention et souvent inutile après les faits. Dans le cas de Lyon, on a des images inexploitables. Déjà parce que quand les gens se sont préparés, ils intègrent le fait qu'il y a des caméras de surveillance dans la préparation de leur crime. Ils peuvent facilement tromper le système. On a déjà dépensé des milliards d'euros. Il serait temps de se poser, encore une fois, les bonnes questions qui sont celles de la prévention sur le terrain, de l'anticipation, du recueil de renseignements de proximité. Ce sont là les vraies questions pour demain et non pas de croire à ce mythe technologique.

Dans quels cas la vidéosurveillance, en tant qu'outil de police, peut-elle avoir un intérêt selon vous ? 

La seule chose qui est utile selon moi, c'est un nombre limité de caméras bien placées, avec un usage policier évident, qui sont les entrées et les sorties de villes, ce que les policiers appellent "les axes de fuite". Mais toutes les recherches montrent que le fait de saturer les centres-villes en caméras est utilisé par les politiques pour faire de la politique. Ça s'adresse au sentiment d'insécurité mais cela n'est en aucun cas une bonne stratégie policière. C'est du marketing pour les industriels. C'est une façon d'engloutir des milliards d'euros qui manquent cruellement dans d'autres politiques publiques.

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