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Les ratés de la justice dans l'affaire Chloé

Le suivi du ravisseur présumé de l'adolescente, retrouvée en Allemagne vendredi, a connu des dysfonctionnements reconnus par la justice.

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Chloé, 15 ans, a été kidnappée à Barjac (Gard) et retrouvée une semaine plus tard en Allemagne. ( AFP PHOTO / FAMILLE RODRIGUEZ)

CHLOE – Des fax jamais reçus, des dossiers non transmis, des adresses pas vérifiées. Le suivi du ravisseur présumé de Chloé, retrouvée en Allemagne une semaine après sa disparition à Barjac (Gard), a connu des ratés. "Nous allons voir clair très vite et nous verrons, là où il y a eu des défaillances, quelles mesures appellent ces éventuelles défaillances", a annoncé mardi 20 novembre la ministre de la Justice, en marge d'une visite à Roubaix (Nord). Christiane Taubira veut faire la "clarté totale" sur les circonstances de l'enlèvement de l'adolescente. 

En attendant, la justice a reconnu des dysfonctionnements dans la journée de mardi. En voici la liste :

1Inscrit comme détenu alors qu'il était sorti de prison

En mai 2009, le suspect, Kamel Bousselat, qui est actuellement incarcéré en Allemagne, écope à Nîmes (Gard) de cinq ans de prison – dont deux avec sursis et mise à l'épreuve – pour des agressions sexuelles à répétition en 2007.  Il est alors inscrit au Fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles. 

Comme pour chaque affaire de disparition d'adolescents ou d'enfants, les gendarmes ont bien consulté ce fichier lors de leur enquête sur la disparition de Chloé. Problème : le suspect y figurait comme détenu alors qu'il est sorti de la prison de Béziers (Hérault) le 14 septembre, a indiqué mardi à l'AFP une source proche du dossier, confirmant une information de M6. Il ne constituait donc "pas une cible prioritaire" pour les enquêteurs, a précisé la même source. 

Ce fichier doit pourtant être remis à jour le plus rapidement possible. Mais il peut arriver que les tribunaux ou l'administration pénitentiaire ne le fassent pas tout de suite. Il s'agit tout de même d'un premier dysfonctionnement, sur lequel la ministre de la Justice a indiqué que des vérifications étaient en cours.

2L'adresse de son lieu de résidence jamais vérifiée

Quand le kidnappeur présumé de Chloé recouvre la liberté, le 14 septembre, une convocation devant le service pénitentiaire d'insertion et de probation (Spip) d'Avignon (Vaucluse), lui est remise, comme le stipule la loi du 10 août 2011. Elle doit permettre de suivre une personne déjà condamnée à sa sortie de prison. Cette loi a été créée pour combler un vide juridique, mis en lumière après l'affaire Laetitia Perrais en janvier 2011. A l'époque, Tony Meilhon, accusé du viol et du meurtre de la jeune fille, n'avait pas fait l'objet d'une convocation immédiate du Spip, alors qu'il était identifié comme un délinquant par les services de police et de justice.

"[Kamel Bousselat] devait aller au départ dans le Gard, mais une personne a semble-t-il refusé de l'héberger. Il a alors dit aller dans un foyer à Avignon", a expliqué à l'AFP une source proche du dossier. Cette information a été rajoutée à la main sur sa convocation, en rayant le Spip de Nîmes. Mais le 24 septembre, le suspect ne se rend pas à Avignon, où "il n'a peut-être jamais mis les pieds, car personne n'a vérifié son adresse, faute de l'avoir", a ajouté cette source. Pourtant, tout condamné mis à l'épreuve doit en fournir une.

"On a là un détenu déjà condamné à 13 reprises, la dernière fois pour agression sexuelle, qui dit qu'il va à Avignon et on le prend pour argent comptant. Alors que s'il donne une adresse bidon, la probation part mal. Sans compter qu'il peut très bien passer à l'acte dans le délai légal dont il dispose pour se présenter au Spip", a poursuivi cette source.

3Un juge dit ne pas avoir reçu son dossier

Si un condamné ne se présente pas à la convocation, le conseiller d'insertion effectue un signalement au juge d'application des peines (JAP), magistrat chargé de suivre les condamnés à l'intérieur et à l'extérieur de la prison tout au long de leur peine. Plusieurs possibilités s'offrent alors au JAP : par exemple, il peut envoyer une nouvelle convocation par recommandé ou délivrer un mandat d'arrêt.

Ce juge "prend en compte ce qu'il sait du suspect, de son passé, de sa situation, il n'y a pas de règle", a indiqué à l'AFP Martine Lebrun, ancienne présidente de l'association nationale des JAP"Encore faut-il que le JAP ait en main les éléments pour apprécier. S'il n'est pas le JAP de référence, s'il y a eu un transfert du condamné d'une juridiction à une autre, il est tout a fait possible que le système informatique ne lui donne pas accès au dossier de la personne", souligne-t-elle.

Selon Charlotte Cloarec, la secrétaire nationale du syndicat de conseillers pénitentiaires SNEPAP-FSU, le conseiller d'insertion d'Avignon a signalé le défaut de présentation de Kamel Bousselat au JAP de la ville par fax. Mais celui-ci dit ne pas retrouver ce fax et ne pas avoir reçu, non plus, le dossier judiciaire du suspect. La Chancellerie a confirmé, mardi, ses déclarations. Elle a en profité pour annoncer qu'un dispositif destiné à éviter ces problèmes de communication et de coordination était à l'étude.

De son côté, Christiane Taubira a confirmé qu'une réunion s'est tenue lundi au ministère de la Justice avec les procureurs de Béziers et d'Avignon, ainsi que les procureurs généraux de Montpellier et Nîmes. L'objectif était de faire le point sur ces manquements. Le suspect, lui, doit être transféré en France d'ici une à deux semaines, mais la procédure sera certainement accélérée.

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