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Récit De Grenoble à Saint-Franc : la longue et "éprouvante" journée qui a conduit les enquêteurs à retrouver des ossements de Maëlys

Nordahl Lelandais a avoué avoir tué, fin août 2017, la fillette de 8 ans. Mercredi 14 février, il a conduit les enquêteurs dans la montagne, où un crâne et un os ont été retrouvés.

Article rédigé par Camille Caldini
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Les gendarmes bloquent la route d'accès à la zone de recherche où des ossements de Maëlys ont été découverts, le 14 février 2018, à Saint-Franc (Savoie). (JEAN-PIERRE CLATOT / AFP)

Après six mois de silence, Nordahl Lelandais a avoué, mercredi 14 février, avoir tué la petite Maëlys, en août 2017. L'unique suspect a aussi guidé les enquêteurs pour retrouver des restes de la fillette, dans le massif de la Chartreuse. Ce sont d'infimes traces de sang, trouvées dans sa voiture par les gendarmes, qui ont poussé l'ancien militaire de 34 ans à reconnaître partiellement les faits. Il a évoqué une mort "accidentelle" et n'a toujours pas dit un mot sur les circonstances précises dans lesquelles il a emmené Maëlys à l'écart du mariage auquel elle participait à Pont-de-Beauvoisin (Isère). Les enquêteurs ignorent encore, aussi, comment l'enfant a été tuée.

Franceinfo retrace les événements qui ont abouti à la découverte des restes de la fillette.

Mardi 13 février : un nouvel élément accablant

Nordahl Lelandais est détenu à la prison de Saint-Quentin-Fallavier (Isère). Sa demande de remise en liberté a été refusée. Mis en examen pour le meurtre et l'enlèvement de Maëlys, il nie toujours toute implication dans l'affaire et son avocat conteste jusqu'à la chronologie évoquée par le parquet.

Il faut croire que le moment n'était pas venu pour lui de parler.

Alain Jakubowicz

lors d'une conférence de presse, le 14 février

Nordahl Lelandais attend sa prochaine audition chez le juge d'instruction, prévue la semaine suivante, lorsque son avocat lui rend visite au parloir. Me Alain Jakubowicz vient de prendre connaissance des derniers éléments du dossier Maëlys. La voiture de Nordahl Lelandais, qu'il avait soigneusement lavée le lendemain du mariage, a été entièrement désossée par les gendarmes, pendant dix jours, à Pontoise.

"Il faut vraiment s'adapter à la stratégie du suspect pour pouvoir aller chercher le petit détail qu'il aura oublié", raconte Karine Lejeune, porte-parole de la gendarmerie, à RTL. Les experts scientifiques ont ainsi découvert, sous les tapis du coffre de l'Audi A3, décapé au nettoyeur à jantes par le suspect, de minuscules traces de sang de la fillette, dans une zone qui "n'était pas nettoyable facilement", explique Patrick Touron, directeur de l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie, à franceinfo.

"J'ai beaucoup parlé avec Nordahl Lelandais et je ne vous dirai pas l'échange qui a été le nôtre", prévient l'avocat, mercredi, lors d'une conférence de presse. Avant de quitter son client, Alain Jakubowicz reçoit "mandat de sa part de prendre contact avec les juges d'instruction". Nordahl Lelandais ne veut pas attendre la prochaine audition programmée et demande à être reçu au plus vite par les juges d'instruction.

Mercredi, 8 heures : Lelandais avoue avoir tué Maëlys "involontairement"

Il n'est pas tout à fait 8 heures, mercredi, quand Nordahl Lelandais est extrait de sa cellule pour être conduit au palais de justice de Grenoble. L'audition est "rapide", selon le procureur de la République, Jean-Yves Coquillat. Après six mois de dénégations, Nordahl Lelandais avoue qu'il a tué Maëlys, "involontairement, c'est son terme, et qu'il s'est débarrassé du corps".

Le suspect refuse de détailler les circonstances de la mort de l'enfant. "La seule chose qui comptait pour lui, à cet instant-là, était de retrouver Maëlys", assure son avocat. "Il a eu un déclic", ajoute-t-il. Pendant l'audition, l'ancien militaire est "anéanti, en pleurs", décrit son conseil, qui se défend de "vouloir faire pleurer dans les chaumières", conscient qu'il "n'y arrivera pas" et "le comprend".

Nordahl Lelandais décrit son trajet de la nuit du 26 au 27 août aux juges d'instruction. "Après avoir emmené l'enfant et l'avoir tuée, il l'a déposée dans un endroit à proximité de sa maison", à Domessin (Savoie), rapporte le procureur de la République. Nordahl Lelandais retourne ensuite au mariage, à Pont-de-Beauvoisin, à quelques kilomètres de là. Plus tard, il retourne récupérer le corps de Maëlys, pour aller l'abandonner "dans la forêt, dans un lieu montagneux, dans le massif de la Chartreuse", à quelques kilomètres de son domicile. Il indique aux autorités "un replat au-dessus du village de Saint-Franc, à l'aplomb d'une pente rocheuse", précise Le Parisien.

Le procureur de la République et les juges d'instruction chargés du dossier, accompagnés de Nordahl Lelandais et de son avocat, quittent alors le palais de justice de Grenoble, direction Pont-de-Beauvoisin, en milieu de matinée. Dans la nuit, il a neigé quelques centimètres sur la commune où "l'affaire Maëlys" a débuté. Les conditions météo risquent de compliquer les recherches, mais le convoi part en quête de la vérité.

Mercredi, 11 heures : sur les lieux du meurtre

A Pont-de-Beauvoisin, "des équipes en identification criminelle ainsi que des plongeurs attendent le départ du convoi", raconte Le Dauphiné. Des gendarmes du groupement national d'investigations cynophiles et "des chiens spécialisés dans la recherche de restes humains" les rejoignent, poursuit le quotidien régional. Des spécialistes de la montagne sont également mobilisés.

Un convoi d'une dizaine de véhicules se met en route pour se rendre d'abord à Domessin, près du domicile de la famille Lelandais. C'est là que la fillette aurait été tuée. Les enquêteurs, guidés par Nordahl Lelandais, s'arrêtent "une trentaine de minutes, sur un terrain en contrebas du domicile de la famille et bordant les voies ferrées", détaille Le Dauphiné.

Mercredi après-midi : des recherches difficiles dans "un endroit extrêmement reculé"

Nordahl Lelandais conduit ensuite le convoi "sur une petite route de montagne, direction le mont Cevoz", sur la commune de Saint-Franc, en Savoie. Sous quelques centimètres de neige, le paysage n'a plus rien à voir avec celui de la fin août. "Il a fallu faire déneiger la route" et les juges d'instruction "sont montés à pied", raconte le procureur.

Lelandais "n'était pas sûr de retrouver l'endroit"Sur ce terrain difficile, "tout le monde doute de la réalité" des déclarations du meurtrier présumé, relate dans la soirée son avocat. "Il a fallu la journée pour qu'il retrouve l'endroit" où le corps de Maëlys est censé se trouver, ajoute le procureur. Le suspect indique "une espèce de petit ravin, un endroit extrêmement reculé", où les enquêteurs fouillent pendant de longues heures cette zone escarpée, boisée et enneigée.

Le laboratoire mobile et une vingtaine d'experts de l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale sont sur place. Médecin légiste, généticien, anthropologues, spécialiste en odontologie doivent pouvoir identifier au plus vite les éventuels résultats des fouilles.

Ce sont finalement les chiens, formés à retrouver les restes humains en éliminant les odeurs récentes, qui découvrent, peu avant la tombée de la nuit, "un crâne d'enfant et un os long", pas encore identifiés.

Mercredi, 18 heures : "Nous avons découvert les restes de l'enfant"

"Mes pensées seront ce soir pour les parents", débute le procureur Jean-Yves Coquillat. "Jusqu’à présent, ils étaient dans la pire des situations, dans l'ignorance, ce soir, ils ne sont plus dans l'ignorance", poursuit-il, l'air ému. "Ils savent que leur fille est morte, qu'elle a été tuée, et il y a quelques minutes, nous avons découvert les restes de l’enfant", annonce-t-il officiellement.

Aujourd’hui, nous pouvons apporter une réponse, hélas une triste réponse à ses parents. J’avais dit aux parents qu’ils pourraient inhumer leur fille.

Jean-Yves Coquillat, procureur de la République

lors d'une conférence de presse

La journée a été "dense", "éprouvante pour tout le monde", conclut le procureur, visiblement épuisé. Quelques minutes plus tard, Alain Jakubowicz s'adresse à son tour aux médias. Il confirme les aveux de son client et la découverte d'ossements de Maëlys. Dans cette déclaration en forme de plaidoyer, il dit son "soulagement, surtout, de voir que Nordahl Lelandais a bien dit, depuis hier et ce matin, la vérité". L'enquête doit encore déterminer les circonstances exactes dans lesquelles Maëlys a été tuée, et sur lesquelles Nordahl Lelandais garde pour le moment le silence. "J'ai la conviction qu'il y contribuera pleinement et je serai là pour l'assister", affirme Alain Jakubowicz.

Dans un court communiqué, vers 20 heures, l'avocat des parents de Maëlys annonce que la famille "garde le silence par respect et dignité après cette terrible nouvelle". Peu avant minuit, la mère de Maëlys publie sur Facebook un message adressé à Nordahl Lelandais. "Toi l'assassin de ma fille, Maëlys va te hanter nuits et jours dans ta prison". Dans ce message, Jennifer De Araujo s'adresse également à sa fille. "Mon petit ange, je n'ai pas pu te protéger de ce prédateur et cette culpabilité me poursuivra encore longtemps", écrit-elle.

L'analyse de la scène de crime a repris jeudi à la mi-journée, afin de retrouver le reste du corps de la petite Maëlys. Les prochains éléments relevés seront déterminants pour comprendre les circonstances de la mort de la fillette. Nordahl Lelandais, lui, a rejoint sa cellule à la prison de Saint-Quentin-Fallavier. Il devrait rapidement être à nouveau entendu par les enquêteurs. 

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