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Affaire Maëlys : les quatre grands principes d'une enquête après la disparition d'un enfant

La fillette de neuf ans a disparu ce week-end. Des policiers et des gendarmes expliquent à franceinfo comment ils procèdent dans ce genre d'affaires.

Article rédigé par Kocila Makdeche
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Des gendarmes tentent de retrouver la petite Maëlys en effectuant des battues à Pont-de-Beauvoisin (Isère), le 30 août 2017. (PHILIPPE DESMAZES / AFP)

Le temps passe et l'inquiétude grandit, quatre jours après la disparition de la petite Maëlys. La fillette de 9 ans s'est volatilisée, dans la nuit du samedi 26 au dimanche 27 août, au milieu de 180 personnes célébrant un mariage à Pont-de-Beauvoisin (Isère).

Mardi, la procureure de la République de Bourgoin-Jallieu a ouvert une enquête pour enlèvement, assurant cependant que "toutes les pistes" continuaient d'être explorées. Comment procèdent les enquêteurs dans ce genre de dossiers, où chaque heure compte ? Franceinfo a interrogé des policiers et des gendarmes pour dresser les quatre grands principes sur lesquels s'appuie une enquête après la disparition d'un enfant.

1Aller le plus vite possible

"Une disparition, c'est une course contre la montre", prévient d'emblée le lieutenant-colonel Karine Lejeune, porte-parole de la Gendarmerie nationale. Avant même que la nature de la disparition ne se précise, les enquêteurs se mobilisent en nombre pour explorer toutes les pistes. "Si la disparition est accidentelle, si l'enfant tombe dans un cours d'eau ou dans un ravin par exemple, nous savons que plus le temps passe, plus ses forces s'amenuisent et plus sa vie est en danger, prévient la gendarme. Dans le cas d'un enlèvement, c'est la même chose : chaque heure permet au ravisseur de se terrer davantage ou de s'éloigner, jusqu'à quitter le territoire national."  

"Ce sont des enquêtes très difficiles parce que nous n’avons pas d'éléments matériels ou de corps qui peuvent donner des indications sur le déroulé du crime. Il faut enquêter tous azimuts. Etre à l'affût de tout, très rapidement", raconte Jean-Marc Bloch, ancien chef de la direction régionale de la police judiciaire à Versailles, qui a été en charge de l'enquête sur la disparition de la petite Estelle Mouzin, toujours non élucidée quatorze ans après.

"Nous avons l'habitude de dire que dans ce genre de disparitions d'enfants, les 48 premières heures sont décisives", continue le policier retraité. Hormis le cas de la petite Elise, enlevée par sa mère russe en 2009 et retrouvée après plusieurs semaines, toutes les affaires de disparition signalées via le dispositif alerte enlèvement, quand il s'y prête, ont, en effet, été résolues en moins de deux jours.

"Le problème, c’est que les familles ne nous appellent pas tout de suite. Les proches commencent par tout remuer pour chercher eux-mêmes l’enfant, regrette un officier de gendarmerie, qui a déjà enquêté sur ce genre d'affaires. Mais en faisant ça, ils polluent la scène et perdent des éléments matériels importants pour l’enquête. Les témoins se dispersent. Ça nous fait perdre énormément de temps."

2Mobiliser un maximum de moyens

Dès les premières heures, l'audition des témoins est menée en parallèle de recherches dites "matérielles". Gendarmes, policiers et pompiers sont mobilisés pour organiser des battues, perquisitionner les habitations alentour ou survoler la zone en hélicoptère. Dans le cas de la disparition de Maëlys, les appareils sont équipés de caméras thermiques, particulièrement utiles dans les zones boisées qui n'offrent que peu de visibilité. 

Jusqu'à 200 hommes et femmes ont été mobilisés pour rechercher la fillette de neuf ans. "Le tout, dans ce genre d'affaires, est d'avoir recours à des moyens adaptés. L'Isère est un terrain avec beaucoup de points d'eau et de bouches d'égout. Nous avons donc fait appel à des plongeurs de la brigade nautique d’Aix-les-Bains et à des spéléologues du peloton de gendarmerie de haute montagne", explique le lieutenant-colonel Lejeune. Une équipe de malinois, des chiens utilisés pour pister la personne recherchée, ont été dépêchés le soir de la disparition dès 3 heures du matin, rejoints le lendemain matin par deux chiens de Saint-Hubert, des animaux au flair extrêmement développé.

"On a pas de problème de moyens dans ce type de dossiers, continue Jean-Marc Bloch. Toutes les brigades, tous les services collaborent. Dans le cadre de l'enquête sur Estelle Mouzin, on a eu jusqu'à 600 hommes sur l'affaire en même temps." Les policiers et gendarmes du département sont les premiers à être appelés, mais la mobilisation peut prendre rapidement une dimension nationale. "Seuls quelques gendarmes sont laissés dans les brigades pour gérer les affaires quotidiennes, commente Karine Lejeune. Tous les autres sont sur le terrain."

3Recueillir un maximum de témoignages

Les disparitions d'enfants sont très médiatisées, à la demande des enquêteurs ou du procureur de la République, quand une alerte enlèvement est déclenchée. “Ce dispositif est extrêmement efficace, insiste un officier. Les médias nous offrent une caisse de résonance inouïe qui nous permet d’obtenir un maximum d'informations et de témoignages." "On est littéralement assaillis de coups de fil. Il faut bien savoir que, dans ce genre d'affaires, ce n'est pas le trop-plein que l'on craint, mais le vide", continue Jean-Marc Bloch. 

Dans le cas de la disparition de Maëlys, l'alerte enlèvement n'a pas été déclenchée car toutes les conditions n'étaient pas remplies pour activer ce dispositif. "L'enlèvement doit être avéré, la victime doit être mineure, il doit y avoir une dangerosité immédiate pour la vie du mineur et des éléments de signalement à confier aux médias pour susciter des témoignages du public", liste Philippe Guichard, le patron de l'Office central pour la répression des violences aux personnes, interrogé par l'AFP.

"Dans cette affaire, nous n'avons ni suspect, ni éléments à donner au public à part le signalement de la petite Maëlys", explique Jean-Marc Bloch. Les gendarmes ont donc préféré tabler sur un appel à témoignages, largement relayé sur les réseaux sociaux. D'après l'ancien enquêteur de l'affaire Estelle Mouzin, une alerte enlèvement déclenchée à mauvais escient comporte des risques : "Si l'on ne donne aucun élément concret sur le suspect, il peut paniquer et décider de faire disparaître la victime pour ensuite disparaître dans la nature."

4Vérifier toutes les informations avec soin

Dans les affaires de disparitions, les enquêteurs reçoivent un grand nombre de témoignages, parfois loufoques. "Pendant l'enquête Estelle Mouzin, nous avons reçu des dizaines et des dizaines d'appels de voyants et d'amateurs de pendules", se remémore Jean-Marc Bloch.

Les enquêteurs sont contraints de vérifier chacun des signalements qu'ils reçoivent, aussi farfelus qu'ils puissent sembler. "Rien n'indique qu'un témoin ne se cache pas derrière la voyance pour nous signaler de véritables éléments", continue l'ancien patron de la PJ de Versailles. Dans l'affaire Estelle Mouzin, un individu a été arrêté à Avignon après avoir passé plusieurs coups de fil à la mère de la fillette pour lui dire qu'il était l'auteur de l'enlèvement. Les enquêteurs ont été contraints de fouiller tous les trains de la région. En vain. Jugé pour ces appels mensongers, l'homme a été condamné en 2013 à trois ans de prison, dont un avec sursis.

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